Page précédente Table des matières Page suivante


CHAPITRE 4:
Les systèmes agro-alimentaires en Afrique


Une agriculture en transition: ses effets sur la sécurité alimentaire

La production agricole et les systèmes agro-alimentaires d’un pays dépendent de nombreux facteurs, tels que la politique de l’Etat, le potentiel écologique, le niveau technologique, les aptitudes des producteurs agricoles et leurs initiatives. L’autosuffisance alimentaire a constitué un objectif de la politique alimentaire de plusieurs gouvernements africains. Cet objectif peut avoir été souhaitable sur le plan politique, mais il ne s’est pas toujours révélé réalisable sur le plan économique et écologique. Dans certains pays, on entendait par autosuffisance alimentaire une disponibilité de céréales de base produites localement suffisante pour couvrir les besoins énergétiques de la population; le plus souvent, on lui donnait le sens d’une disponibilité suffisante pour couvrir la demande du marché. La notion s’étend quelquefois au-delà des aliments de base, mais elle implique dans tous les cas que les pays n’aient pas besoin d’importer des produits alimentaires ou qu’ils minimisent autant que possible leur dépendance à l’égard des importations alimentaires. Une approche de ce genre peut déboucher sur un certain niveau de sécurité alimentaire, particulièrement dans les régions reculées où les marchés sont risqués, instables ou tout simplement inexistants, mais en règle générale une politique de stricte autosuffisance alimentaire n’est pas désirable.

Par contraste, la notion d’autonomie alimentaire prend en compte la possibilité d’un commerce international. Cette autonomie implique le maintien d’un certain niveau de production domestique à laquelle s’ajoute une capacité d’importer, grâce à l’exportation d’autres produits, le reste des aliments nécessaires pour couvrir les besoins de la population.

Le recours au commerce international pour assurer la sécurité alimentaire de tous les citoyens comporte des avantages et des risques qui sont au cœur du débat sur ces alternatives stratégiques. Toutefois, l’analyse de cette question dépasse le cadre du présent ouvrage.

Le potentiel de production et la sélection des cultures

Le potentiel productif d’une terre est déterminé par les conditions du sol et du climat, et par le niveau d’intrants et de gestion appliqués à cette ressource. Pluviale ou irriguée, la production végétale peut être maximisée en ajustant les choix des cultures aux caractéristiques climatiques et pédologiques du terrain. Les tentatives de cultiver des végétaux auxquels les conditions écologiques existantes conviennent mal déboucheront souvent sur une productivité faible ou nulle et, par voie de conséquence, sur une dégradation de la sécurité alimentaire. La figure 13 présente la carte des six zones climatiques principales de l’Afrique.

Le type d’intrants, leur quantité et le calendrier ont également un effet majeur sur le rendement. Les intrants en petite quantité vont généralement de pair avec une production de subsistance ou à petite échelle, un faible investissement en capital, le travail manuel, des cultivars locaux, peu ou pas d’engrais, aucune lutte contre les insectes et de petites superficies agricoles. Les intrants en grande quantité vont de pair avec une production commerciale, des investissements financiers plus ou moins importants, une mécanisation poussée, des cultivars améliorés, des engrais chimiques minéraux et des moyens de lutte contre les ravageurs, de vastes superficies d’exploitation et des marchés accessibles. En général, le continent africain dans son ensemble est caractérisé par un faible usage d’intrants.

L’affinité d’une terre pour une culture donnée peut être évaluée et mesurée en pourcentage du rendement le plus élevé qui puisse être obtenu. Les zones susceptibles de produire 80 pour cent au moins du rendement potentiel maximal sont classées comme très propices; les zones qui produisent de 40 à 80 pour cent sont propices; les zones qui produisent de 20 à 40 pour cent sont peu propices; et les zones qui rendent moins de 20 pour cent sont classées comme non propices à la culture en question. Dans les conditions qui prévalent actuellement en Afrique, la plus vaste étendue des terres (455 millions d’hectares) est celle qui convient à la culture du manioc; viennent ensuite les terres propices à la culture du maïs (418 millions d’hectares), de la patate douce (406 millions d’hectares), du soja (371 millions d’hectares) et du sorgho (354 millions d’hectares). En zone soudano-sahélienne, le mil est recommandé comme culture primaire sur les plus vastes étendues de terre, car il demande peu d’eau, tandis que le sorgho l’emporte en Afrique australe subhumide et semi-aride. C’est la culture du maïs qui convient le mieux aux vastes superficies de l’Afrique occidentale humide et subhumide et de l’Afrique orientale montagneuse. En Afrique centrale humide, le manioc est le meilleur choix sur la plus grande partie des terres. Le tableau 13 donne les niveaux du rendement que 11 cultures importantes atteignent en Afrique, selon l’aptitude du terrain. On constate des différences considérables de rendement entre un terrain très propice et un terrain qui ne convient pas. Le tableau montre également que la quantité d’intrants influence fortement les rendements.

FIGURE 13
Principales régions climatiques de l’Afrique

Source: FAO, 1986.

La spécialisation culturale et la sécurité alimentaire

TABLEAU 13

Niveaux de rendement des cultures selon l’aptitude du terrain (tonnes)

Culture

Niveau d’intrants

Terrain très propice

Terrain propice

Terrain peu propice

Terrain ne convenant pas

Mil chandelle

Elevé

3,9-3,1

3,1-1,6

1,6-0,8

0,8-0


Faible

1,0-0,8

0,8-0,4

0,4-0,2

0,2-0

Sorgho

Elevé

5,1-4,1

4,1-2,0

2,0-1,0

1,0-0

(plaine)

Faible

1,3-1,0

1,0-0,5

0,5-0,3

0,3-0

Maïs

Elevé

7,1-5,7

5,7-2,8

2,8-1,4

1,4-0

(plaine)

Faible

1,8-1,4

1,4-0,7

0,7-0,4

0,4-0

Soja

Elevé

3,4-2,7

2,7-1,4

1,4-0,7

0,7-0


Faible

0,8-0,6

0,6-0,3

0,3-0,2

0,2-0

Haricot Phaseolus

Elevé

3,4-2,7

2,7-1,4

1,4-0,7

0,7-0

(plaine)

Faible

0,8-0,6

0,6-0,3

0,3-0,2

0,2-0

Coton

Elevé

1,1-0,9

0,9-0,4

0,4-0,2

0,2-0


Faible

-

0,2-0,1

0,1-0,5

0,5-0

Patate douce

Elevé

10,1-8,1

8,1-4,0

4,0-2,0

2,0-0


Faible

2,5-2,0

2,0-1,0

1,0-0,5

0,5-0

Manioca

Elevé

13,6-10,9

10,9-5,4

5,4-2,7

2,7-0


Faible

-

2,7-1,4

1,4-0,7

0,7-0

Riz

Elevé

-

4,1-2,0

2,0-1,0

1,0-0


Faible

-

1,0-0,5

0,5-0,3

0,3-0

Blé

Elevé

5,6-4,5

4,5-2,2

2,2-1,1

1,1-0

(de printemps)

Faible

1,4-1,1

1,1-0,6

0,6-0,3

0,3-0

Pomme de terre blanchea

Elevé

9,7-7,8

7,8-3,9

3,9-1,9

1,9-0


Faible

2,4-1,9

1,9-1,0

1,0-0,5

0,5-0

a Poids sec.

Source: FAO, 1986.

Une première approche de la sécurité alimentaire pourrait consister en la promotion d’un système régional[3] de sécurité alimentaire basé sur les «avantages comparatifs». Chaque pays donnerait la préférence aux cultures prometteuses de bons rendements dans les conditions nationales courantes et couvrirait ses autres besoins alimentaires par le commerce interrégional. La Communauté du développement de l’Afrique australe (SADC) a pris des initiatives en faveur d’une politique de sécurité alimentaire régionale basée sur la spécialisation culturale, mais de nombreuses questions restent en suspens.

Dans certains pays, la culture du sorgho serait la plus appropriée du point de vue écologique. Pourtant, de nombreux cultivateurs et maints gouvernements canalisent de préférence leurs ressources vers la culture du maïs pour plusieurs raisons: le rendement potentiel est plus élevé, même si le succès des récoltes est plus aléatoire; le maïs est exportable dans la région; les adjuvants techniques sont disponibles; le maïs est plus facile à traiter que le sorgho, tant à l’échelle domestique qu’en usine. Le risque d’échec est plus grand pour le maïs parce que cette plante est particulièrement sensible au manque de précipitations caractéristique de l’Afrique orientale, où la saison des pluies commence tard, est entrecoupée d’une période sèche et finit très tôt. Néanmoins, le sorgho n’est pas sans problème non plus; il est notamment très vulnérable aux attaques des oiseaux granivores.

Une stratégie de spécialisation culturale qui tendrait à rétrécir la base alimentaire serait risquée, spécialement dans les zones à l’écologie fragile ou dépourvues d’un système de transport et de commercialisation assez efficace pour assurer rapidement la distribution de produits alimentaires variés à travers tout le pays. De plus, un système de production alimentaire où la principale culture de consommation serait aussi la principale culture de rapport, comme c’est le cas pour le maïs en Afrique orientale et australe, est ouvert aux plus grands risques, notamment pour les petits paysans pratiquant une agriculture de subsistance. L’échec d’une culture se traduit pour eux à la fois par une perte de revenus et de vivres, comme cela s’est vérifié lors de la sécheresse d’Afrique australe en 1992/93.

En Afrique, une importante fraction de la population dépend encore de l’agriculture à petite échelle pour son alimentation. C’est pourquoi les politiques modifiant l’utilisation des terres et les systèmes de culture propres à l’agriculture de subsistance ont un impact direct sur la disponibilité, l’accessibilité et la consommation des aliments. Les systèmes traditionnels d’affectation des terres, de gestion des exploitations et de pratiques culturales se modifient inévitablement à mesure que les petits exploitants doivent faire face aux pressions du marché et du gouvernement en faveur d’une productivité toujours plus élevée. Les cultivateurs sont amenés simultanément à produire un surplus commercialisable pour les marchés urbains et à nourrir leur propre famille, quand ils ne doivent pas, en plus, augmenter leur production de cultures de rapport pour l’exportation. La diversité des tâches met à rude épreuve les terres, le labeur et le temps des ménages agricoles, dont la sécurité alimentaire peut finalement se trouver affectée par cette économie de transition.

La commercialisation de l’agriculture: ses effets potentiels sur la sécurité alimentaire des ménages

Traditionnellement, la production alimentaire en Afrique en était restée au stade de la subsistance et le système d’exploitation se basait sur une agriculture itinérante et sur la jachère. Ces pratiques avaient pour effet de restaurer périodiquement la fertilité de la terre par le transfert des cultures sur des sols frais et reposés et par la mise au repos des terrains récemment cultivés. L’utilisation d’intrants extérieurs, comme les engrais chimiques, était minime, les cultivateurs se contentant d’appliquer parfois du fumier. De même, la production animale était pratiquée sur le mode extensif en libre pâture, puisque les éleveurs accompagnaient leurs troupeaux à la recherche de pâturages revigorés par les pluies saisonnières.

De tels systèmes d’exploitation étaient bien choisis d’un point de vue écologique et tout à fait soutenables dans les zones faiblement peuplées. Mais avec l’accroissement du nombre de personnes et d’animaux, des systèmes d’agriculture fixes sont apparus et la période de jachère s’est raccourcie. Les pratiques culturales sont devenues plus intensives; l’assolement, les récoltes répétées et les cultures intercalaires se sont imposées comme stratégies efficaces de maximisation de la productivité des terres, sans que pour autant la fertilité des sols soit mise en péril. Les systèmes d’exploitation sont devenus complexes, impliquant la production d’une grande variété de cultures alimentaires pour la consommation domestique. Cette stratégie a assuré la diversité des régimes alimentaires et a garanti dans une certaine mesure la stabilité des approvisionnements contre les risques climatiques et les pénuries saisonnières.

La monétarisation graduelle de l’économie et certains changements de l’environnement ont augmenté les besoins d’argent liquide. Par exemple, la demande s’est accrue dans le domaine de l’éducation, du logement, de la santé et des communications. Les petits cultivateurs ont opté de plus en plus pour les cultures de rapport, car ils s’efforçaient de créer des liquidités tant pour leur propre usage que pour procurer des devises à leur pays. Dans la plupart des cas, les gouvernements ont adopté une politique d’équilibre entre cultures d’exportation et cultures vivrières. Les pouvoirs publics de plusieurs pays d’Afrique orientale et australe ont vu dans le maïs la culture vivrière et de rapport la mieux indiquée pour les petits producteurs; ils ont donc encouragé la diffusion des «paquets technologiques» déjà bien connus dans les grandes exploitations commerciales. Néanmoins, des problèmes imprévus ont surgi, et le maïs produit par les petits cultivateurs n’a pas réussi à couvrir la demande des consommateurs.

La transition entre une agriculture de subsistance et l’exploitation des cultures de rapport offre aux cultivateurs l’occasion d’augmenter leurs revenus, mais elle comporte de gros risques. Sur le plan de la sécurité alimentaire, il s’agit du danger de dépendre davantage de cultures vivrières moins diversifiées; sur le plan financier, il s’agit des risques que font subir les fluctuations des prix aux capitaux investis par les producteurs et, si ces capitaux proviennent du crédit, des pressions exercées par les prêteurs. Les cultivateurs pauvres n’ont pas souvent tiré profit de l’innovation technologique et de l’entrée sur le marché, quand ils n’ont pas perdu au change. Dans l’ensemble, le passage aux cultures de rapport exerce un effet positif sur la nutrition, si le revenu que ces cultures procurent fait plus que compenser à la fois les aliments que l’on renonce à produire et les suppléments de prix des denrées alimentaires qui peuvent résulter d’une augmentation de la demande du marché et de la libéralisation des prix.

La sécurité alimentaire des ménages peut être altérée dans un sens ou dans l’autre par les modifications apportées aux systèmes d’exploitation dans le cadre de la transition vers une agriculture commerciale. En général, les cultivateurs traditionnels ont adapté leurs pratiques culturales pour tenir compte des contraintes écologiques, économiques et technologiques. Ils ont minimisé le risque par la plantation de cultures de base variées et dont la récolte est étalée au cours de l’année. La monoculture peut conduire aux pénuries saisonnières; en revanche, la tradition des cultures intercalaires amortit ce risque lors des périodes maigres (voir le chapitre 5).

De nombreuses communautés cultivent une variété principale à la fois pour leur consommation et comme source de revenus. S’il existe une bonne organisation du marché, cette culture sera vendue, souvent par le chef de famille (homme ou femme), comme principale source de revenu monétaire du ménage. Le ménage couvrira une partie de ses besoins alimentaires par prélèvement sur ses réserves et une autre partie en rachetant des aliments de base au fur et à mesure des besoins et/ou grâce à la culture de variétés secondaires, comme le mil, le sorgho, le manioc et les patates douces. Ces variétés secondaires servent à divers usages, dont la consommation familiale, le brassage de la bière, la vente dans le secteur informel, l’alimentation de la volaille et du petit bétail, la survie en cas de sécheresse (c’est notamment le cas du manioc), l’échange contre des semences, des petits animaux, de la volaille ou d’autres biens.

Dans la zone communale de Wedza, au Zimbabwe, les habitudes agricoles et de consommation sont déterminées surtout par la nécessité qu’ont les ménages de gagner de l’argent et de subsister (encadré 12). Les ménages sont donc engagés dans des activités variées, y compris la production de vivres en quantité suffisante pour couvrir les besoins au jour le jour et pour constituer une petite réserve d’aliments de base qui devra durer jusqu’à la saison suivante. L’approvisionnement alimentaire pour la consommation familiale peut être placé sous la responsabilité conjointe du mari et de l’épouse, ou bien, selon le contexte culturel, sous la responsabilité principale de l’épouse, qui cultive parfois ses propres champs spécifiquement pour nourrir sa famille (encadré 13).

Dans le contexte africain, la promotion et la commercialisation des cultures de rapport revêtent une grande importance pour les femmes. La commercialisation s’est souvent amorcée grâce à l’extension des zones de culture, plutôt qu’en remplaçant les cultures traditionnelles par des variétés modernes ou des cultures de rapport. En définitive, l’adoption des cultures de rapport n’a souvent débouché que sur une augmentation de la demande de main-d’œuvre, surtout de la main-d’œuvre féminine. Les effets des nouvelles technologies agricoles sur la charge de travail des femmes et sur leur contrôle des ressources ont été bien étudiés (Kumar, 1994).

Lorsqu’on cultive des variétés hybrides, l’obtention des meilleurs rendements dépend souvent du moment où les facteurs de production sont mobilisés, main-d’œuvre comprise. Ce n’est donc pas seulement la quantité de main-d’œuvre qui compte, mais aussi sa distribution saisonnière. Dans de nombreux cas, ce temps de travail est pris sur d’autres activités, comme l’entretien du ménage, le jardinage, la garde des enfants et la préparation habituelle de repas équilibrés. Quand les besoins énergétiques des adultes augmentent, la consommation alimentaire augmente aussi dans le ménage, vraisemblablement aux dépens des enfants. Par ailleurs, l’état nutritionnel des femmes surchargées de travail risque d’être compromis, si les aliments ne sont pas disponibles en quantité suffisante pour satisfaire leurs besoins énergétiques accrus.

ENCADRÉ 12
STRATÉGIES DES MÉNAGES POUR SE PROCURER DES REVENUS MONÉTAIRES ET
DES ALIMENTS, DANS LA ZONE COMMUNALE
DE WEDZA, AU ZIMBABWE

Dans la région de Wedza, au Zimbabwe, la plupart des ménages essaient de combiner plusieurs méthodes pour améliorer leur niveau de vie. Leurs stratégies sont les suivantes:

  • augmenter les rendements de une ou deux cultures importantes, par exemple le maïs plus le coton, ou le tournesol, en vue de les vendre chaque année et de constituer des réserves de denrées (dans le cas du maïs);

  • améliorer les rendements de diverses cultures potagères, en particulier les légumes à feuilles vertes et les tomates, pour les consommer ou les vendre de façon régulière;

  • conserver un minimum (en quantité et en variété) d’autres denrées pour la consommation familiale et/ou comme surplus pour la vente informelle, selon les besoins (par exemple mil, arachides, pois bambara, doliques, citrouilles);

  • obtenir des dons en espèces ou en nature de membres de la famille pour compléter les revenus de l’agriculture;

  • s’engager, chaque fois que possible, dans des activités du secteur informel sous forme de travail occasionnel (construction, confection de toits de chaume, location de ses outils ou animaux de trait) pour les hommes; vente de légumes, volailles et céramiques, ou travaux de couture, pour les femmes.

Les ménages peuvent ainsi espérer:

  • réunir chaque année une certaine somme d’argent grâce à la vente des récoltes pour payer les grosses dépenses (frais de scolarité, achat d’engrais et de vêtements);

  • avoir un revenu monétaire régulier pour payer des denrées alimentaires, ou certains services comme l’utilisation du moulin à grain ou les trajets en bus;

  • répondre aux besoins alimentaires quotidiens des membres de la famille et constituer une réserve minimale de nourriture pour subsister jusqu’à la prochaine saison.

Source: Truscott, 1986.


ENCADRÉ 13
RÔLES DES HOMMES ET DES FEMMES DANS LA PRODUCTION AGRICOLE, DANS LA
ZONE COMMUNALE DE WEDZA, AU ZIMBABWE

Traditionnellement, et aujourd’hui encore, on estime que c’est aux femmes qu’il incombe de subvenir aux besoins alimentaires quotidiens de la famille, «depuis les champs jusqu’à l’assiette». L’origine de cette assertion remonte à la division traditionnelle des tâches entre hommes et femmes, l’homme étant chasseur, propriétaire du bétail et chargé des travaux pénibles, tels que le défrichage et les labours. Etant propriétaire des terres (grâce à l’usufruit) et du bétail, l’homme avait le contrôle des biens les plus précieux. Aujourd’hui, cette division des tâches n’est plus aussi stricte qu’autrefois car beaucoup de femmes assument davantage de responsabilités dans l’élevage, le labour et d’autres tâches.

La plupart des ménages ayant fait l’objet de l’enquête estimaient que c’étaient les femmes qui avaient le plus de responsabilités dans la production de la majorité des cultures. Dans la moitié des ménages interrogés, le revenu provenant de la vente du maïs était perçu conjointement par le mari et son épouse, et dans deux cinquièmes par la femme seule. Presque toutes les autres cultures (sauf le tournesol et le coton, qui sont des cultures de rapport) sont appelées «cultures de femmes».

Une étude antérieure menée dans la région de Wedza avait montré que les hommes avaient encore un rôle clé dans la prise des décisions pour le choix des cultures à pratiquer, l’accès à des prêts et le contrôle des revenus provenant de la vente des céréales. Parmi les ménages interrogés, quelques divergences sont apparues. Certaines femmes de Wedza estimaient qu’elles devraient avoir accès à la terre de plein droit ou conjointement avec leur mari pour venir à bout de l’inégalité. En adhérant massivement à des groupements d’agriculteurs, les femmes ont trouvé un moyen pour surmonter quelques-uns des obstacles auxquels elles sont confrontées.

Source: Truscott, 1986.

La production de cultures de rapport nécessite souvent l’utilisation de divers intrants supplémentaires. Les cultivateurs qui veulent obtenir de meilleurs rendements sont amenés à acheter des semences hybrides et autres graines améliorées pour remplacer leurs propres variétés locales mises de côté lors de la récolte précédente. Ils doivent souvent recourir au crédit pour acheter non seulement des semences, mais aussi des engrais et des pesticides. Ainsi, les cultivateurs engagés dans les cultures de rapport courent le risque de s’endetter, spécialement si le produit de la récolte précédente leur est payé tardivement. Dans ces circonstances, les familles risquent de manquer d’argent liquide et de voir leur sécurité alimentaire compromise.

En dépit des risques éventuels, l’agriculture commerciale peut offrir de bonnes perspectives à la sécurité alimentaire et nutritionnelle des ménages, surtout quand elle est organisée de manière à mobiliser également les paysans pauvres. Il est parfois nécessaire de stimuler la productivité des petits cultivateurs grâce à des mesures bien ciblées, comme les incitations à la production, le développement des infrastructures de commercialisation et la poursuite de la recherche concernant les terres non irriguées et autres zones marginales. Ces mesures auront un impact d’autant plus grand qu’elles seront prolongées par des programmes de vulgarisation agricole et d’éducation nutritionnelle. Les programmes qui visent à augmenter la production et les profits des entreprises contrôlées par des femmes peuvent également contribuer à améliorer la sécurité alimentaire des ménages. Les études ont souvent montré que l’argent gagné par les femmes a beaucoup de chances de servir à accroître la consommation alimentaire de la famille. Toutefois, il faut bien mesurer le pour et le contre des projets ciblés sur les femmes visant à augmenter leurs revenus, mais qui absorberaient une part excessive de leur temps, notamment celui qu’elles consacrent à leurs enfants.

Une politique d’autosuffisance de la production alimentaire, ou l’adoption d’une politique de «l’aliment d’abord», qui privilégie les cultures vivrières jusqu’au point d’exclure les cultures de rapport, n’est pas nécessairement souhaitable ni même vraiment intéressante pour soulager la malnutrition, dès lors que l’infrastructure commerciale et de transport est assez bonne pour ne pas entraver le commerce international. Si l’infrastructure commerciale n’est pas bien développée, il faut la renforcer dans l’intérêt, à long terme, d’une sécurité alimentaire durable. A court et moyen terme, il faut encourager à la fois les cultures vivrières et les cultures de rapport, sans oublier les jardins potagers et l’élevage des animaux de basse-cour, dans une perspective d’amélioration de la sécurité alimentaire.

Les ménages qui écoulent leurs récoltes sur le marché, au lieu de produire uniquement pour se nourrir, augmentent leurs revenus et réussissent probablement à accroître la consommation alimentaire des membres de la famille, à condition que le passage aux cultures de rapport n’implique aucun changement dans le contrôle des revenus domestiques, qui pourrait se traduire par une réduction des achats de denrées alimentaires.

Une autre manière de créer de l’emploi et des revenus consiste à installer des petites unités industrielles de nettoyage et de triage, de traitement et de conditionnement, de transport et de commercialisation des récoltes de produits alimentaires et autres. Ce créneau est à la fois porteur de promesses de développement général et d’augmentation des revenus des couches les plus pauvres de la population.

La commercialisation des produits agricoles, la promotion d’une industrie agro-alimentaire utilisatrice de main-d’œuvre et l’opération d’un système alimentaire dynamique, appuyées par une politique appropriée de l’environnement, constituent la seule voie de sortie de l’agriculture de subsistance et permettent aux communautés et aux gouvernements de créer la richesse nécessaire au financement des améliorations sociales et structurelles souhaitées. Il faut que la croissance de l’agriculture profite aux pauvres et que les populations d’aujourd’hui et de demain puissent satisfaire leurs besoins de consommation. A cet égard, le développement et la popularisation de technologies agricoles favorables à la nutrition, parce qu’elles tiennent compte des caractéristiques de l’environnement et sont adaptées aux possibilités des différentes catégories de cultivateurs, revêtent la plus haute importance.

Quelques exemples de systèmes agro-alimentaires

Les enclos agricoles et les jardins arborés

Dans les régions humides et subhumides, les ménages entretiennent souvent des enclos agricoles ou jardins domestiques (figures 14 et 15). Le jardin domestique n’est autre qu’un système agricole pratiqué par l’exploitant ou par le ménage agricole (figure 16), sauf en zones urbaines et suburbaines ou si la terre est rare, auquel cas le jardin est souvent la seule parcelle cultivée. Ce jardin est donc l’un des éléments du système agro-alimentaire dans son ensemble; il dépend de la même gestion ménagère et il est soumis aux mêmes processus de décision (Okigbo, 1994).

Le jardin domestique comprend souvent une superficie agricole permanente, ou jardin arboré, qui contient un mélange équilibré de cultures pérennes et annuelles. Ce jardin forme une étoile, avec la ferme au centre et des sentiers qui en partent vers les différentes parcelles cultivées et les autres unités de production consacrées aux cultures annuelles de rapport ou de consommation.

Les jardins domestiques sont souvent très diversifiés. Les mélanges de végétaux que l’on y trouve résultent principalement de la sélection et de la culture délibérées d’une grande variété de plantes et d’arbres qui occupent des espaces complémentaires, se protègent mutuellement et constituent des ensembles de cultures vivrières et de rapport (tableau 14). On y élève aussi, bien qu’à petite échelle, des moutons, des chèvres, de la volaille et peut-être quelques bovins et porcs, qui sont une source d’aliments, de revenus et de fumier. Les systèmes de culture mixte d’arbres et de plantes prolongent considérablement le temps des récoltes, assurant ainsi la disponibilité continue d’un produit alimentaire ou d’un autre. Une fois qu’elles ont pris, les espèces arbustives ne demandent que peu de travail et d’intrants pour leur entretien. Elles assurent une disponibilité alimentaire continue pendant des années, sans qu’il soit nécessaire de replanter chaque année.

FIGURE 14
Stratification verticale typique d’un jardin domestique à culture intensive dans les tropiques humides du Ghana

Source: Asare, Oppong et Twum-Ampofo, 1985.

La diversité biologique et la complexité des jardins domestiques diminuent à mesure que l’on passe des régions humides aux régions semi-arides et arides des pays sahéliens. Selon la définition de l’Institut international de recherche sur les cultures des zones tropicales (ICRISAT), les régions semi-arides sont caractérisées par une pluviométrie moyenne de 400 à 1 400 mm par an. Sur l’année, les précipitations y excèdent l’évapotranspiration potentielle pendant deux à sept mois. Les pluies sont irrégulières dans le temps et l’espace, et ce problème est d’autant plus marqué que la région est moins bien arrosée. La saison sèche est vraiment une période d’aridité, avec ses jours torrides et ses nuits chaudes. Dans certaines zones, les pluies ne dépassent pas 30 mm par mois pendant cinq à sept mois de l’année. La croissance végétale est donc minimale pendant une grande partie de l’année.

FIGURE 15
Jardin domestique de fruits et de légumes près de la ferme

Source: Asare, Oppong et Twum-Ampofo, 1985.


FIGURE 16
Enclos agricoles et terres exploitées, dans les systèmes agro-alimentaires traditionnels de l’Afrique tropicale humide

Source: Okigbo, 1994.


TABLEAU 14

Les systèmes d’exploitation agricole en Afrique occidentale

Région

Cultures dominantes

Cultures secondaires

Elevage

Cultures de subsistance

Cultures de rapport

Tropiques humides/forêt pluviale

Igname
Riz
Manioc
Maïs
Plantain
Taro

Cacao
Hévéa
Palmier à huile
Banane
Café
Noix de coco

Légumes
Taro
Cultures arbustives
Banane
Patate douce

Caprins
Volailles

Forêt/savane

Sorgho
Mils (Digitaria sp.)
Manioc
Igname
Riz

Soja
Sésame
Canne à sucre
Coton
Tabac

Taro
Manioc
Dolique
Légumes
Arachide
Patate douce

Caprins
Ovins
Volailles
Quelques bovins et chevaux

Savane guinéenne boisée

Sorgho
Mils
Riz
Maïs
Dolique

Arachide
Sésame
Coton
Tabac
Soja
Canne à sucre

Patate douce
Légumes
Banane
Manioc
Cultures arbustives

Bovins
Caprins
Ovins
Chevaux
Volailles
Porcins

Savane soudanienne et sahélienne

Mils
Sorgho
Dolique

Arachide
Coton
Riz (parfois)
Blé

Légumes
Patate douce
Riz
Sésame
Cultures arbustives

Bovins
Caprins
Anes
Ovins
Chevaux
Volailles
Chameaux

Hautes terres tropicales

Mils
Haricots
Sorgho

Café arabica
Tabac
Pomme de terre
Thé
Légumes subtropicaux
Coton

Patate douce
Pomme de terre
(Plectranthus et Solenostemon spp.)
Légumes
Dolique
Cultures arbustives
Ovins

Bovins
Ovins
Caprins
Volailles
Chevaux
Anes

Source: Okigbo, 1983.

Dans ces régions, il est indispensable d’augmenter la productivité de la terre et de réduire le risque d’extension des cultures à des terres encore plus marginales, car cela conduirait à la dégradation complète de ces sols. Comme les zones arides sont caractérisées par une forte alternance saisonnière, la disponibilité des ressources évolue selon le cycle annuel. Le manque d’eau est un des principaux obstacles au succès du jardinage en zone aride; cependant, une gestion efficace des sols et la mise en œuvre de procédés économiques et valables du captage et de la conservation de l’eau permettent de continuer à cultiver certaines variétés pendant une partie de la saison sèche.

En zone aride, les jardins domestiques peuvent apporter une contribution significative au bien-être nutritionnel et économique des ménages, en réduisant le niveau et la durée des pénuries alimentaires saisonnières et parce qu’ils introduisent, dans la cuisine familiale, une plus grande variété d’aliments riches en nutriments. Les encadrés 14 et 15 énumèrent quelques principes essentiels d’horticulture et quelques noms de plantes qui conviennent aux jardins domestiques des zones tropicales semi-arides.

Comme les terres marginales de l’Afrique sont beaucoup plus étendues que ses terres fertiles, irriguées ou non, toute augmentation, même modeste, de la production alimentaire des zones semi-arides peut apporter une contribution sensible à la sécurité alimentaire de ce continent.

D’un point de vue écologique, l’exploitation mixte - jardin domestique ou jardin arboré -, complétée par le petit élevage, forme un des systèmes agricoles traditionnels les plus intéressants. En effet, elle maximise la production biologique, protège le sol contre l’érosion et peut fournir en continu les ingrédients d’un régime alimentaire varié et nutritif, assurant ainsi la sécurité alimentaire du ménage exploitant. Cependant, la croissance démographique a quelquefois poussé les cultivateurs à adopter des pratiques agricoles conduisant à l’arrachage des arbres, ce qui accélère l’érosion du sol, tout en diminuant les rendements des cultures et les profits du travail. La disparition des arbres s’est souvent traduite par une dégradation sévère de l’environnement. La substitution incessante des jardins domestiques et des systèmes agricoles traditionnels par les systèmes de production en ligne s’est également traduite par l’accélération de l’érosion des sols, la dégradation des terres et finalement la détérioration générale de l’environnement.

ENCADRÉ 14
LES JARDINS DOMESTIQUES DES ZONES TROPICALES SEMI-ARIDES

Dans les zones tropicales semi-arides, le potager entoure parfois la maison ou se trouve sur une parcelle du ménage, ou bien dans une zone communale de jardinage. C’est quelquefois le potager d’une seule famille, ou le jardin d’un projet générateur de revenus pour un groupement de femmes du village ou un groupement de jeunes, ou encore le jardin d’un projet scolaire ou celui d’un centre de santé. Les suggestions qui suivent préconisent un mode de jardinage local plutôt qu’un modèle stéréotypé.

L’organisation du potager est adaptée à l’environnement semi-tropical. Le potager fournit de nombreux produits tout au long d’une longue période de récolte. A l’inverse des cultures annuelles en lignes bien droites, qui caractérisent les pays industrialisés des régions tempérées, le jardin mixte en pleine production est un mélange dense de cultures annuelles et arbustives.

Il utilise au mieux la surface limitée et en maximise le rendement, même si certaines plantes pourraient produire davantage avec plus d’espace et de soleil. Il comporte plusieurs étages de végétation et utilise pleinement l’espace aérien avec un maximum d’arbres, d’arbustes et de plantes grimpantes. Les racines également exploitent différents niveaux du sous-sol, certaines d’entre elles près de la surface et d’autres, notamment les racines d’arbres, plus en profondeur pour y chercher l’humidité.

Un bon plan de jardinage mixte tient compte de la façon dont les différentes plantes se partagent la lumière, l’air et l’espace souterrain, tout en laissant peu de place aux mauvaises herbes. Le jardin à étages fournit une couverture d’humus et protège le sol et les plantes du vent, ainsi que des pluies ou d’un soleil excessifs. La fertilité du sol est améliorée grâce au compost, au paillage et à l’incorporation de matériel végétal sec. Les légumineuses fertilisent le sol, et certaines cultures diminuent les attaques de parasites.

D’un point de vue économique, le jardin mixte est un système de production à faible capital et à fort rendement économique. Si la famille n’est pas en mesure de garder des semences et des plants, ces derniers sont généralement disponibles à bas prix dans le commerce. La plupart des plantes locales ont une bonne résistance aux parasites et aux maladies. En général, elles ont besoin de moins d’engrais et d’eau que les variétés des pays tempérés.

L’aspect du jardin change énormément selon les saisons. Pendant la saison des pluies, c’est une masse de verdure. En saison sèche, toute verdure disparaît, à l’exception de la masse vert foncé des arbres entourant la maison et d’un petit lopin de terre arrosé.

Un grand jardin mixte fournit de façon continue des fruits et des légumes, et apporte donc au régime familial de bonnes quantités d’énergie, de fer, de protéines et de vitamines A et C. Un jardin, surtout quand il est planté d’arbres, est un agrément pour le ménage et les alentours. Il peut en outre fournir du bois de feu.

Source: OMS/UNICEF, 1985.


ENCADRÉ 15
QUELQUES VÉGÉTAUX CONVENANT AU JARDINAGE
DANS LES ZONES TROPICALES SEMI-ARIDES

Légumes à feuilles vert foncé

Amarante, baselle (Basella rubra, Basella alba), chaya (Cnidoscolus chayamansa), moutarde (Brassica juncea) et feuilles du baobab, du manioc, du dolique, de la patate douce, du potiron

Fruits et légumes-fruits

Fruits: Avocat, fruit du baobab, noix de cajou, agrumes, goyave, mangue, papaye, fruit de la passion, banane, jaque

Légumes-fruits: aubergine, courge, poivron, gombo, citrouille, potiron, tomate, piment

Légumineuses

Pois bambara, dolique, guar, dolique d’Egypte, haricot doré, haricot de Lima, arachide, pois cajan, soja

Oléagineux

Plantes: pois bambara, moutarde, graines de gombo, arachide, sésame

Arbres: avocatier, anacardier, caroubier, karité

Cultures de base

Maïs, sorgho, banane, manioc, taro, plantain, patate douce, igname

L’urbanisation progressive et la déforestation menacent la persistance de certaines plantes comestibles et utiles présentes dans les jardins domestiques, mais presque à l’état sauvage, et d’ailleurs rarement utilisées. La concentration des efforts sur un petit nombre de cultures de base, comme le maïs et le riz, et la modification des habitudes alimentaires en faveur d’une consommation croissante d’aliments préparés ont rétréci la base alimentaire des citadins et même, dans une certaine mesure, des habitants des campagnes. Tous ces facteurs amènent à souhaiter que des mesures soient prises pour que le potentiel des plantes que l’on retrouve dans les jardins domestiques et arborés soit mieux exploité, grâce aux améliorations génétiques, au perfectionnement de la gestion des jardins et aux progrès de la transformation et de l’utilisation.

L’agriculture irriguée

Les systèmes agro-alimentaires et les types de production agricole africains ont traditionnellement privilégié les cultures pluviales. L’accroissement des besoins vivriers était principalement couvert par l’extension des superficies cultivées. Mais les bonnes terres deviennent rares et les agriculteurs n’ont plus guère d’autre choix que de dynamiser les systèmes de production pour augmenter les rendements par unité de surface et par heure de travail. Si la production alimentaire doit se maintenir à la hauteur de la croissance démographique et s’il faut éviter de dépendre des importations commerciales et spéciales, une augmentation de production de l’ordre de 4 pour cent par an sera nécessaire. Des essais d’augmentation de la production agricole des zones arides par le développement de l’irrigation sont actuellement menés. La culture irriguée convient particulièrement bien à la production horticole très rentable à la périphérie des villes; elle permet aussi d’étendre la période de production d’autres cultures, comme le blé, le riz ou l’orge, qui poussent mal sur la plus grande partie de l’Afrique.

L’Afrique dispose d’un vaste potentiel physique pour l’agriculture irriguée: les superficies irrigables sont importantes; d’énormes réserves d’eau peuvent servir à l’irrigation. En moyenne, 27 pour cent de ce potentiel sont exploités en Afrique continentale, avec de larges disparités selon les régions. L’Afrique du Nord exploite déjà 79 pour cent de son potentiel, mais dans les pays d’Afrique centrale qui disposent de ressources hydriques assez abondantes, une grande proportion de ce potentiel reste encore à exploiter. L’Afrique subsaharienne, qui compte à peine 4 pour cent de terre arable irriguée, est encore loin de rejoindre la moyenne mondiale de 18,5 pour cent.

Diverses considérations d’ordre institutionnel, économique et social figurent parmi les obstacles majeurs au développement d’un programme global de production irriguée, notamment sous la forme d’unités de production à régie centrale, telles que les fermes d’Etat. Les grands programmes d’irrigation tendent à coûter cher, tant à l’installation qu’à l’entretien, de telle sorte qu’il faut évaluer soigneusement leur viabilité et leur prix avant d’en recommander l’installation comme stratégie d’augmentation de la production alimentaire. D’autres approches ont également un bon potentiel d’accroissement durable de la production alimentaire à la mesure des besoins; ce sont les petits systèmes communautaires d’irrigation basés sur les technologies artisanales locales et qui comprennent des procédés de recueil des eaux, des petits systèmes de pompage et l’aménagement des marais des vallées intérieures (connus sous le nom de fadema au Nigéria et de vleis, dambos ou mapani en Afrique australe).

Il faut également tenir compte des risques écologiques associés aux projets d’irrigation. La saturation hydrique et la salinisation du sol sont des causes majeures de la baisse des rendements sur les terres irriguées. La saturation peut se produire quand les conditions de drainage sont insuffisantes. La salinité du sol augmente parce que les plantes absorbent de l’eau pure et que le sel contenu dans l’eau d’irrigation reste là presque dans sa totalité. La dégradation des ressources hydriques qu’entraîne une exploitation excessive de la nappe phréatique par le creusement de puits artésiens est désormais reconnue comme cause de désertification dans plusieurs pays, notamment l’Inde (encadré 16). La Chine a développé une approche novatrice, «le concept des quatre eaux», et démontré ainsi qu’au prix d’un contrôle global et de la supervision de toutes les eaux, qu’il s’agisse de la nappe phréatique, des eaux de surface, de l’humidité superficielle ou des pluies, il est possible d’empêcher la salinisation et de récupérer les terres salines (FAO, 1995d).

Les projets d’agriculture irriguée, dont on attend une augmentation de la disponibilité alimentaire et, par suite, une amélioration de l’état nutritionnel de la population, ont souvent eu des effets négatifs sur la santé. Ainsi, on a pu attribuer l’augmentation de la prévalence de la schistosomiase et du paludisme à la mise en œuvre de nombreux projets de développement des ressources hydriques (tableau 15). Il ne fait pas de doute qu’en climat chaud la présence d’un système d’irrigation, avec ses grandes longueurs de berges, de réservoirs et de canaux, peut assurer aux vecteurs de la schistosomiase et du paludisme l’habitat le plus favorable, mais on n’a pas encore déterminé dans quelle mesure les pratiques d’irrigation contribuent par elles-mêmes à l’incidence de ces maladies.

Des études récentes ont montré que, dans la schistosomiase, l’infection intervient moins au cours de la phase d’irrigation que pendant le contact avec l’eau polluée, surtout si l’eau courante et l’hygiène font défaut. La fourniture d’eau pure, l’hygiène, les soins de santé et l’éducation sanitaire réduisent de manière significative l’incidence de la schistosomiase, comme cela a été démontré en Egypte, affectée par la schistosomiase depuis le temps des pharaons. De même, des études conduites en Inde semblent montrer qu’il n’y aurait pas de corrélation directe entre l’indice annuel des larves d’anophèles et la présence ou l’absence de paludisme. Selon les recherches, des facteurs autres que la seule présence d’eau d’irrigation, par exemple un mauvais drainage, peuvent contribuer à la diffusion des maladies transmises par vecteur. Il faut encore approfondir la recherche pour arriver à mieux comprendre ces relations complexes entre agriculture, environnement et santé (Biswas, 1994).

ENCADRÉ 16
CONSÉQUENCES D’UNE EXPLOITATION NON VIABLE DE LA NAPPE PHRÉATIQUE
PAR PUITS ARTÉSIENS

Le succès de l’expansion de l’irrigation, ces dernières décennies, est dû en grande partie à l’exploitation des nappes phréatiques à l’aide de puits artésiens. Il s’agit de petites réalisations rapides et économiques, sans perte de terrain agricole ni destruction d’habitats, contrairement aux grands projets d’irrigation par gravité et retenues d’eau. Le nombre de ces puits s’est accru très rapidement. En Inde par exemple, il est passé de près de 90 000 en 1950 à plus de 12 millions en 1990. Toutefois, derrière ce succès, on passe sous silence le fait qu’un développement agricole fondé sur les nappes phréatiques n’est pas viable s’il utilise de l’eau «fossile» ou si les taux d’extraction dépassent les taux de renouvellement.

L’expansion rapide de l’irrigation par puits artésiens a amené des pressions extrêmes sur une ressource d’ordinaire statique car elle se renouvelle lentement. Le problème a été exacerbé par les pressions qui s’exercent généralement loin des sites d’extraction, surtout par la déforestation des bassins versants situés en altitude, le surpâturage ou d’autres formes de dégradation des terres, qui accélèrent le ruissellement des eaux de pluie et réduisent leur infiltration dans le sol. En conséquence, le niveau des nappes phréatiques baisse, ce qui cause de nombreux problèmes sur le plan écologique, économique et social. Dans beaucoup de régions côtières, la salinisation du sol devient problématique. Le surpompage accroît le montant des investissements et les coûts d’opération, car l’abaissement du niveau de l’eau exige des puits plus profonds et donc davantage de combustible pour la pomper. Dans certains cas, les agriculteurs pauvres, qui ne disposaient pas du capital nécessaire pour faire creuser davantage leur puits, ont dû se remettre à l’agriculture en sec. Dans d’autres cas, les ajustements nécessaires ont été trop tardifs et les terres ont été désertifiées.

Source: FAO, 1995d.

Le nomadisme et les systèmes agro-alimentaires des zones semi-arides

Les enclos agricoles et les jardins arborés forment un système agro-alimentaire viable dans les régions régulièrement arrosées par les pluies, mais certaines zones climatiques n’offrent quasiment aucune possibilité à l’agriculture pluviale. Les populations des zones peu arrosées par les pluies, au Sahara, au Sahel et dans les zones soudano-sahéliennes semi-arides, pratiquent des systèmes agro-alimentaires très différents de ceux des cultivateurs des zones humides et doivent affronter de nombreux problèmes très délicats pour leur bien-être nutritionnel (encadré 17).

TABLEAU 15

EXEMPLES DE PRÉVALENCE ACCRUE
DE SCHISTOSOMIASE SUITE À DES PROJETS DE DÉVELOPPEMENT DES
RESSOURCES HYDRIQUES

Projet

Date de la mise en service

Pays

Prévalence avant le projet
(%)

Prévalence après le projet
(%)

Intervalle écoulé
(années)

Barrage d’Assouan (premier)

1900

Egypte

6

60

3

Projet de Gezireh (irrigation)

1925

Soudan

0

30-60

15

Arusha Chini (irrigation)

1937

Tanzanie

Faible

53-86

30

Lac Kariba

1958

Tanzanie et Zimbabwe

0

16 (adultes)
69 (enfants)

10

Lac Volta

1966

Ghana

Faible

90

2

Lac Kainji

1969

Nigéria

Faible

31

1





45

2

Source: Rosenfield et Bower, 1978.

L’extension de l’agriculture aux zones marginales met en péril le système agro-alimentaire des éleveurs nomades. Sur ces sols fragiles, la fertilité des terres s’éteint rapidement après la destruction des pâturages saisonniers. L’érosion et la dégradation définitive de l’environnement s’ensuivent souvent.

Pour renforcer la viabilité des systèmes de production alimentaire tiraillés entre les

éleveurs nomades et les cultivateurs itinérants, il est parfois nécessaire de pratiquer plus systématiquement l’agroforesterie et le paillage des semis. Une végétation permanente peut réduire le risque d’érosion en assurant une couverture végétale, en aidant à conserver l’humidité sous les paillis, en augmentant le contenu organique du sol et en stimulant le recyclage des nutriments. La plantation en ligne des Acacia et des Leucaena, de la famille des Mimosacées, fournira de la paille et du foin et enrichira le sol grâce à leur propriété de fixateurs d’azote. D’ailleurs, un système agro-alimentaire qui intègre ces éléments, des cultures arbustives permanentes, des cultures annuelles et des petits animaux fait déjà partie de la tradition de certaines zones soudano-sahéliennes de l’Afrique occidentale. Un tel système offre plus de perspectives de stabilité écologique et de sécurité alimentaire que des systèmes moins diversifiés.

ENCADRÉ 17
LE SYSTÈME ALIMENTAIRE D’UNE FAMILLE D’ÉLEVEURS NOMADES DU MALI
SAHÉLIEN ET SES CONSÉQUENCES
SUR LA NUTRITION

Cette famille peule «noble» de six personnes vit dans des huttes rondes faites de troncs séchés, qui résistent bien à la pluie quand elles sont nouvellement construites. Elle possède 24 têtes de gros bétail et 10 chèvres, et cultive du mil pendant la saison des pluies.

Lors de la saison humide, les pasteurs campent autour d’étangs remplis d’eau de pluie. En novembre, lorsque les étangs s’assèchent, les jeunes hommes, associés en coopératives regroupant plusieurs foyers, partent avec le gros du troupeau à la recherche de meilleurs pâturages. Le reste de la famille garde les chèvres, les animaux les plus faibles et quelques vaches laitières, et campe alternativement à la lisière d’un village pendant les mois froids de la saison sèche (de novembre à février), achetant ou troquant de l’eau de citerne, et autour d’un puits pendant les mois chauds de cette même saison.

Les hommes assument la responsabilité du gros du troupeau et des principales opérations de la culture du mil. Les garçons s’occupent des chèvres et des veaux. Les femmes et les filles vont chercher le bois de feu et l’eau nécessaires aux usages domestiques; elles aident à la moisson, pilent le mil et préparent les repas.

L’apport énergétique alimentaire du foyer atteint son maximum en octobre, après la moisson, avec 14 700 kcal par jour (65 pour cent provenant du mil et 35 pour cent du lait). Si l’on considère que 9 105 kcal suffisent à couvrir l’ensemble des besoins des enfants et les besoins d’entretien des adultes, cela signifie que ces derniers disposent de 5 595 kcal pour travailler et reprendre du poids. Par contre, de décembre à juin, la consommation du foyer n’est que de 7 840 à 8 820 kcal par jour (9 à 20 pour cent provenant du lait), ce qui signifie que son bilan énergétique est déficitaire. A la saison des pluies, le régime est complété par des produits de cueillette. L’apport énergétique en juin/juillet est de 9 996 à 10 740 kcal par jour (43 à 50 pour cent provenant du mil, 8 à 12 pour cent du lait et 42 à 45 pour cent des produits de cueillette).

L’homme (1,72 m) et la femme (1,63 m) ont atteint leur poids maximal en novembre/ décembre, pesant respectivement 55,3 kg et de 49,6 kg. La période de nourriture abondante, avec relativement peu de travail, qui a suivi la récolte, leur a permis de prendre respectivement 2,3 et 0,7 kg de poids par rapport à juillet/août. Pendant la saison sèche, la diminution des rations alimentaires et l’allongement des distances à parcourir pour l’eau et la pâture ont entraîné des pertes de poids de 2,2 et 1,5 kg, respectivement, en mai/juin. Malgré de meilleures rations alimentaires pendant la saison des pluies, les efforts exigés par la culture du mil les ont empêchés de reprendre du poids jusqu’à la fin de la moisson.

L’évolution du poids des quatre enfants (âgés de 5 à 12 ans) entre juillet/août et novembre/ décembre a oscillé de + 0,6 à + 1,5 kg, contre - 0,7 à + 0,5 kg entre novembre/décembre et juillet/août. Malgré le ralentissement de leur croissance pendant la saison sèche, leur poids est rarement inférieur à 80 pour cent du poids normal pour leur taille. Les foyers qui disposent de suffisamment de lait ou de céréales à échanger pendant la saison sèche, peuvent se permettre de réduire leurs ventes de bétail et leur dépendance à l’égard du marché. Cependant, l’épuisement des réserves alimentaires pendant les mois chauds de la saison sèche oblige parfois à vendre à perte de jeunes animaux.

En 1982/83, les ventes de bétail ont représenté 93 pour cent des revenus en espèces des foyers, dont le revenu global se composait à 68 pour cent de céréales qu’ils troquaient et 5 pour cent de laitages qu’ils troquaient également. La moitié de leurs dépenses en espèces étaient consacrées à l’achat de céréales, et 55 pour cent de leurs échanges en nature à procurer des laitages.

La situation s’est récemment aggravée en raison de la détérioration des termes de l’échange due à la sécheresse. Un taureau reproducteur qui valait en 1982 l’équivalent de 1300 kg de mil ne valait plus que 520 kg un an plus tard, le prix du mil ayant doublé alors que le prix du bétail chutait.

De nombreux pasteurs réduits à vendre leurs troupeaux, se sont trouvés en situation de dépendance économique. Si la majorité d’entre eux ont désormais suffisamment reconstitué leur cheptel pour reprendre leur activité, ceux qui n’ont pas eu la même chance se trouvent dans une position difficile par rapport au marché.

Source: FAO, 1985b.

Au Botswana et au Swaziland, la loi confère aux savanes et aux herbages naturels le statut de pâturage communautaire pour le bétail, notamment pour les bovins, qui forment une composante essentielle des systèmes agro-alimentaires de ces pays. Ces terres de pâture sont une source de fourrage et de combustible, dont la nécessité devient aiguë pendant la froide saison hivernale. Un système sylvopastoral efficace, couplé avec une procédure contrôlée de rotation des troupeaux dans les pâtures, compléterait la pratique actuelle de manière fort intéressante.

La figure 17 montre quelles relations lient les uns aux autres certains éléments d’un système agro-alimentaire à dominante animale, typique du Swaziland. Naguère encore efficaces, ces systèmes se dégradent à présent, d’une part à cause des demandes croissantes d’une population en expansion et, d’autre part parce que le bétail est passé des mains d’éleveurs confirmés dans celles d’agriculteurs et d’épargnants sans véritable expérience de la gestion des troupeaux. La recherche et la vulgarisation ne contribuent guère à freiner cette tendance et persistent à sous-estimer l’efficacité des systèmes traditionnels, ainsi que la productivité potentielle des ressources naturelles. Il convient de souligner que l’on trouvera probablement de meilleures solutions dans un appui aux systèmes mixtes de transhumance et d’agriculture par un meilleur usage des engrais, des légumineuses fourragères et des cultures de rapport, bien plus que dans le creusement de puits, la multiplication des services vétérinaires et la protection farouche des herbages. Les circonstances socio-économiques sous-jacentes ne sont pas favorables à de telles solutions, en raison des relations parfois tendues entre éleveurs et cultivateurs.

Il faut aussi tenir compte du besoin croissant de techniques visant à fournir du fourrage économique aux exploitants des systèmes d’élevage sédentaire. Les sources principales de fourrage sont les résidus des récoltes et les herbes sauvages poussant autour des champs cultivés. Ces deux sources pourraient être mieux gérées, mais il faudrait alors ajouter des apports extérieurs pour augmenter la production. Bien que les céréales tirent leur importance du grain qui entre dans la consommation humaine, la paille ne manque pas d’intérêt, par sa contribution à la productivité de l’élevage. Il faut en tenir compte dans le développement de variétés végétales destinées aux systèmes agro-alimentaires couvrant à la fois l’agriculture et l’élevage; le programme de recherche génétique sur l’orge, au Centre international de recherche agricole dans les zones arides (ICARDA), en est un bon exemple.

L’élevage et la production animale

En Afrique subsaharienne, l’élevage et ses produits dérivés contribuent pour environ 19 pour cent à la valeur de la production du secteur de l’agriculture, des forêts et des pêches. Cependant, cette mesure sous-estime l’importante contribution que l’élevage apporte souvent à la production végétale sous forme d’énergie de traction et de fumier. Dix pays sont responsables de 70 pour cent de la valeur de la production animale et cinq pays de la moitié de la production: Ethiopie, Kenya, Nigéria, Soudan et République-Unie de Tanzanie. Au tableau 16, figurent les effectifs de plusieurs espèces animales de l’Afrique subsaharienne en 1994.

Les produits animaux, surtout la viande et le lait, sont des produits d’élasticité

FIGURE 17
Relations entre certains éléments d’un système agro-alimentaire
à dominante animale typique du Swaziland

Source: Sam-Aggrey, 1983.

revenu très élevée, ce qui signifie que leur consommation augmente avec le revenu et l’urbanisation. En moyenne, la viande et ses produits dérivés ne représentent pas plus de 3,2 pour cent de la disponibilité énergétique alimentaire (DEA) en Afrique subsaharienne. Cependant, dans certains pays, la contribution de la viande à la DEA est bien plus élevée. Peu consommé, le lait ne fournit que 2,5 pour cent de la DEA, sauf parmi les populations pastorales où ce produit peut fournir plus de la moitié de l’apport énergétique total de la ration (voir au chapitre 7 la section sur la composition des régimes alimentaires africains). L’intérêt des protéines animales est beaucoup plus grand que ne le suggère leur quantité dans les rations. En effet, la consommation de protéines animales, même en petite quantité, améliore la qualité protéique d’un régime alimentaire basé sur les céréales et l’utilisation de toute la ration protéique par l’organisme.

TABLEAU 16

Effectifs du cheptel de l’Afrique subsaharienne, 1994
(sélection de pays et d’espèces animales)

Pays

Bovins

Ovins

Caprins

Porcins

Volailles

Angola

3 280 000

255 000

1 570 000

805 000

6 400

Bénin

1 223 000

960 000

1 190 000

555 200

20 000

Botswana

2 800 000

238 000

1 850 000

16 000

2 100

Burkina Faso

4 261 400

5 686 000

7 242 100

550 900

18 776

Burundi

420 000

350 000

920 000

80 000

3 800

Cameroun

4 870 000

3 780 000

3 770 000

1 400 000

20 000

Congo Rép.

68 000

111 000

305 000

56 000

1 800

Côte d’Ivoire

1 231 000

1 251 000

978 000

403 000

26 919

Djibouti

190 000

470 000

507 000

-

-

Ethiopie

29 450 000

21 700 000

16 700 000

20 000

54 200

Gabon

39 000

172 000

84 000

165 000

2 600

Gambie

400 000

121 000

150 000

11 000

500

Ghana

1 680 000

3 288 000

3 337 000

595 000

11 500

Guinée

1 780 000

475 000

580 000

38 000

13 500

Kenya

12 500 000

5 500 000

7 300 000

102 000

25 000

Lesotho

600 000

1 200 000

750 000

60 000

1 400

Libéria

36 000

210 000

220 000

120 000

3 500

Madagascar

10 288 000

740 000

1 300 000

1 558 000

23 000

Malawi

980 00

196 000

890 000

245 000

8 750

Mali

5 541 500

5 172 500

7 380 000

62 800

23 250

Mauritanie

1 100 000

5 280 000

3 520 000

-

3 900

Mozambique

1 270 000

120 000

384 000

172 000

22 500

Namibie

2 035 790

2 619 520

1 639 210

17 843

2 000

Niger

1 968 100

3 678 400

5 565 760

38 500

20 000

Nigéria

16 316 000

14 000 000

24 500 000

6 926 000

122 000

Ouganda

5 150 000

1 850 000

3 450 000

910 000

22 000

République centrafricaine

2 735 100

163 700

1 340 000

524 100

3 282

Rwanda

453 827

280 000

950 000

90 000

1 400

Sénégal

2 800 000

4 600 000

3 200 000

320 000

38 000

Sierra Leone

360 200

301 900

165 800

50 000

6 000

Somalie

5 000 000

13 000 000

12 000 000

9 000

3 000

Soudan

21 750 000

22 800 000

16 400 000

-

36 000

Swaziland

626 356

27 000

428 000

30 000

1 000

Tanzanie, Rép.-Unie

13 376 000

3 955 000

9 682 000

335 000

24 000

Tchad

4 620 750

2 151 540

3 178 260

16 813

4 400

Togo

248 000

1 200 000

1 900 000

850 000

5 685

Zaïre (ex-)

1 475 276

1 046 878

4 212 409

1 191 546

35 000

Zambie

3 300 000

69 000

620 000

295 000

22 000

Zimbabwe

4 300 000

450 000

2 580 000

246 173

13 500

Total

170 523 300

129 468 400

152 738 500

18 864 880

652 712

Source: FAO, 1996e.

En Afrique subsaharienne, les animaux contribuent aussi indirectement à la nutrition humaine. Le bétail est la première source du revenu liquide utilisé par les éleveurs pour l’achat de céréales alimentaires. Dans les populations d’agriculteurs sédentaires, le bétail améliore la viabilité économique et la durabilité des systèmes agro-alimentaires. La présence du bétail diversifie les options de production et de gestion, augmente la production et le revenu de l’exploitation, procure de l’emploi toute l’année et sert de garantie dans les périodes incertaines. Le bétail constitue souvent la réserve majeure de capital des ménages d’agriculteurs sédentaires et d’éleveurs nomades.

Les disponibilités de poisson

En Afrique, la terre ferme est la principale source de vivres en ce qui concerne les végétaux et les produits de l’élevage, mais les rivières, les lacs et les eaux littorales jouent également leur rôle dans l’approvisionnement alimentaire du continent en fournissant du poisson. Ce dernier et les autres produits de la pêche fournissent en moyenne 3,8 pour cent des protéines alimentaires totales de l’Afrique subsaharienne. La figure 18 montre la superficie de certaines étendues d’eau de l’Afrique continentale. Le tableau 17 donne le bilan alimentaire du poisson et des autres produits de la pêche des pays africains pour la période triennale 1988-1990.

La pêche joue un rôle important dans la production d’aliments, la création de revenus et l’offre d’emplois. Selon le Centre international d’aménagement des ressources bioaquatiques (ICLARM), le nombre de pêcheurs à plein temps en Afrique subsaharienne s’élève à environ 1,5 million. En outre, on dénombre plusieurs millions de pêcheurs à temps partiel.

L’aquaculture diffère de la pêche exactement comme l’agriculture diffère de la chasse et de la cueillette. L’impact potentiel de l’aquaculture sur la sécurité alimentaire des ménages est résumé au tableau 18. D’autres informations sur le rôle que peut jouer l’aquaculture dans l’amélioration de la situation nutritionnelle des ménages sont données au chapitre 5.

Il serait encore possible d’augmenter de beaucoup les captures de poisson dans les eaux continentales africaines, mais les pêcheurs sont si nombreux en divers endroits que souvent il ne leur est plus possible de gagner décemment leur vie en pêchant. Dans ces communautés, la pauvreté devient une cause majeure de détresse nutritionnelle. Le problème de la pêche s’aggrave encore du fait des chalutiers étrangers qui viennent concurrencer l’industrie halieutique nationale dans certaines eaux territoriales, sans aucun bénéfice pour les communautés locales ni pour l’économie nationale, ou si peu.

FIGURE 18
Superficie des eaux intérieures de l’Afrique continentale

Source: FAO, 1992d.


TABLEAU 17

Disponibilités de poisson et de produits de la pêche (moyenne), 1988-1990

Pays ou région

Production
(tonnes, poids vif)

Importations
(tonnes, poids vif)

Exportations
(tonnes, poids vif)

Disponibilités
(kg/an)

Afrique de l’Ouest

1 389 092

927 143

330 327

11,3

Bénin

40 263

4 052

122

9,8

Burkina Faso

7 649

8 930

0

1,9

Cap-Vert

7 475

69

1 918

16,9

Côte d’Ivoire

82 584

227 253

76 503

20,2

Gambie

14 311

7 047

6 493

16,8

Ghana

371 835

31 946

18 392

26,4

Guinée

33 333

8 861

0

7,6

Guinée-Bissau

5 163

533

465

5,5

Libéria

16 337

17 805

618

13,4

Mali

66 087

2 211

1 860

7,4

Mauritanie

90 247

412

70 975

10,1

Niger

3 538

1 365

0

0,7

Nigéria

298 473

541 366

5 525

8,9

Sainte-Hélène

867

4

271

99,3

Sénégal

282 867

35 837

144 779

24,4

Sierra Leone

52 154

3 340

2 199

13,6

Togo

15 909

36 114

206

15,1

Afrique centrale

458 316

343 787

11 827

11,6

Angola

104 594

97 426

1 963

22,4

Cameroun

79 272

75 307

5 020

13,4

Congo, Rép,

45 342

36 545

3 618

36,1

Gabon

22 487

13 661

1 127

31,4

Guinée équatoriale

4 000

2 681

99

19,1

République centrafricaine

13 089

1 771

0

5,2

Sao Tomé-et-Principe

3 200

544

-

32,2

Tchad

23 000

-

-

4,2

Zaïre (ex-)

163 333

115 851

0

7,7

Afrique de l’Est

1 146 871

50 366

56 317

6,0

Burundi

13 278

349

0

2,6

Comores

6 750

523

0

13,9

Djibouti

415

948

0

2,8

Ethiopie

4 435

41

13

0,1

Kenya

162 110

422

19 526

6,3

Madagascar

101 135

454

7 890

7,7

Malawi

84 300

404

275

9,5

Maurice

16 335

10 949

6 999

19,4

Mozambique

37 714

12 647

5 323

3,2

Ouganda

223 906

-

-

12,9

Réunion

2 009

12 991

642

24,2

Rwanda

1 776

327

0

0,3

Seychelles

4 705

8 054

8 693

59,2

Somalie

17 967

5

4 359

1,6

Tanzanie, Rép,-Unie

382 352

343

988

15,4

Zambie

63 933

618

1 576

8,0

Zimbabwe

23 750

1 291

33

2,6

Afrique australe

104 872

7 239

7 456

5,0

Botswana

1 900

4 607

789

4,6

Lesotho

30

2 632

0

1,5

Namibie

23 032

-

-

12,5

Swaziland

110

-

-

0,2

Source: FAO, 1995b.

TABLEAU 18

Impact potentiel de l’aquaculture sur la sécurité alimentaire des ménages

Eléments clés de la sécurité alimentaire du ménage

Poisson/aquaculture liés à la sécurité alimentaire du ménage

Conditions préalables

Activités susceptibles de renforcer le potentiel pour la sécurité alimentaire et la nutrition du ménage

Accès aux disponibilités alimentaires

Disponibilité physique de poisson

Argent pour acheter du poisson


Production propre

Terrain, eau, facteurs de productiona, travail, temps, compétence

Vulgarisation, crédit pour les facteurs de production, recherche de moyens dont pourraient bénéficier les groupes ne disposant pas de ces ressources

Revenu des ventes

Surplus, produit vendable, demande existante

Formation sur le traitement du poisson, assistance à l’évaluation du marché, promotion pour créer une demande, quand cette dernière n’existe pas

Moyens de commercer pour obtenir d’autres aliments

Autres aliments disponibles pour des échanges


Apport alimentaire satisfaisant en qualité et diversité (apport adéquat de nutriments) et en quantité (apport adéquat d’énergie)

Consommation de poisson

Envie de manger du poisson (ou de l’utiliser), prise de conscience de l’importance de la diversité; type de poisson culturellement acceptable

Promotion des avantages du poisson; utilisation dans la nourriture des enfants (éducation nutritionnelle)

Intégration avec l’élevage de canards, la culture du riz et des légumes

Connaissance du potentiel, des avantages et des méthodes d’élevage

Vulgarisation pour promouvoir l’intégration avec d’autres activités

Argent pour acheter d’autres aliments (ou moyen de commercer)

Disponibilité d’autres produits à acheter ou à commercer, par exemple accès au marché


Argent pour acheter de l’huile ou du sucre, afin d’accroître la densité énergétique (ou moyen de commercer)

Connaissance de l’avantage d’ajouter de l’huile ou du sucre à la nourriture des enfants pour en réduire le volume

Education nutritionnelle

Stabilité des apports alimentaires pour assurer une disponibilité et un accès en tout temps

Poisson pour combler les déficits saisonniers de condiments/protéines

Saison d’élevage et époque de récolte coïncidant avec les déficits saisonniers; connaissance et utilisation des techniques de transformation pour faciliter le stockage

Formation de vulgarisateurs pour adapter les techniques aux besoins des exploitants, promotion et enseignement des techniques de transformation

Extension de la saison d’élevage en utilisant l’eau des mares, pour combler les déficits avec des légumes

Compétence en matière d’intégration des légumes pour un bénéfice maximal

Promotion de l’intégration

Diversification de la production alimentaire et des revenus, étalement des risques

Disponibilité permanente de poisson

Promotion de bonnes pratiques de récoltes intermittentes

Etang de pisciculture pour aider à surmonter les crises



a Par facteurs de production, on entend les alevins et autres poissons servant à démarrer un élevage, le compost, le fumier, l’engrais et les aliments pour animaux/poissons, selon le type d’élevage de poisson pratiqué.

Source: FAO, 1993d.


[3] La notion de région fait ici référence à l’ensemble des pays voisins qui entretiennent entre eux des échanges commerciaux de produits alimentaires.

Page précédente Début de page Page suivante