Ce qui, dans la différence de contexte intellectuel, entre le monde occidental chrétien et le monde musulman, après le 13° siècle, a favorisé ou non l’émergence de la pensée scientifique

 

Un point de vue personnel « express » (Juste des intuitions sur cette importante question).

 

Benjamin LISAN, le 29/12/2020

 

1         Une plus grande coercition des esprits en terre d’islam qu’en terre chrétienne, au 12-13° siècle

 

Je pense que l'atmosphère intellectuelle dans l'Occident médiéval chrétien, vers le 12-13° siècle, était particulière.

Il y avait, bien sûr, une chape de plomb de la religion chrétienne sur les esprits, mais moindre que la chape de plomb musulmane sur les esprits dans l'oumma. A l’époque, le caractère totalitaire de l’islam était plus marqué que celui du christianisme (?).

 

Les découvertes scientifiques ont eu besoin d'esprits originaux, non conformistes, souvent individualistes.

 

Des découvreurs ou penseurs ayant une certaine indépendance d'esprit comme Léonard de Vinci, Johannes Gutenberg, Bernard de Palissy, Johannes Kepler, Galileo Galilée, Isaac Newton ... (Certains étant de véritables monomaniaques) auraient eu plus de mal à innover, à exister et se réaliser, dans le monde musulman, après le 13° siècle (à cause du contrôle de l'oumma, de la chape de plomb du dogme de l’islam ...).

 

Gutenberg a mis au moins 14 ans (si je ne me trompe pas) à mettre au point son imprimerie, après beaucoup d'essais et d'erreurs (entre son système de presse, son système de caractères mobiles en plomb, les encres grasses et siccatives ...), d'épreuves personnelles, dont des procédures judiciaires lancées par son bailleur de fonds, qu'il n'a pas pu enrichir par son invention (il est sûrement vrai que Gutenberg était un vrai monomaniaque). Et finalement, il n'est pas mort riche.

 

Est-ce qu'un non-conformiste aurait pu prospérer dans le monde musulman après le 13° siècle ? Pas si sûr.

 

L'imprimerie de Gutenberg, à caractères mobiles en plomb, a révolutionné la diffusion des idées et informations.

Malheureusement, la diffusion d'une telle innovation a été bloquée durant presque 5 siècles, dans le monde musulman, à cause de la sclérose et de l'immobilisme de la pensée, causés par l'islam.  Et même si l'écriture arabe se prête moins à l'imprimerie à caractères mobiles, une telle imprimerie, avec caractères arabes, a pourtant fonctionné à Istanbul, au 17°, avant d'être abandonnée.

 

Les deux observatoires astronomiques du monde musulman, celui d'Istanbul, celui d'Ulugh Beg, à Samarcande, ont été détruits sous la pression des oulémas. La lunette de Galilée, puis la lunette astronomique, le télescope de Newton, avaient-ils été diffusés (ou auraient pu être diffusés largement) dans le monde musulman, avant le 20° siècle ? J'en doute (Il faut vérifier cette donnée, malgré tout).

 

2         La transmission de l'héritage de la pensée antique via l'Espagne musulmane

 

Je me suis demandé si la transmission de l'héritage de la pensée antique, par l'Espagne musulmane (via des traductions de l'arabe vers le latin), au 12° siècle, à l'Occident chrétien a été le point de départ du développement scientifique de l'Occident ou bien un accélérateur de cette évolution ?

De mon point de vue, c'est une question essentielle.

 

Ibn Rush (Averroès) s'est inspiré de la pensée antique pour élaborer une doctrine conciliant foi et raison, pensée persécutée par les oulémas de l'époque et qui n'a eu guère de descendance en terre d'islam. Alors que sa pensée a eu une descendance, en terre chrétienne, via la pensée de Thomas d'Aquin, qui s'en est inspiré (mais sans vraiment reconnaître l'influence de Ibn Rush sur sa pensée).

 

3         Le rôle du concept de "Bila Kayf" («sans savoir comment ni quoi»)

 

« Je suis contre la religion, parce qu'elle nous enseigne à être satisfait de ne pas comprendre le monde », Richard Dawkins.

 

L'expression arabe Bila Kayf, également prononcée comme Bila Kayfa, est à peu près traduite par «sans demander comment», «sans savoir comment ni quoi», ou «sans modalité» ce qui signifie sans considérer comment et sans comparaison.

 

Littéralement, "sans comment" mais au sens figuré comme "d'une manière qui convient à Sa majesté et à sa transcendance". C'était une manière de résoudre les problèmes théologiques de l'Islam sur le questionnement apparent dans l'āyāt (versets du Coran) en acceptant sans remettre en question.

 

Un exemple est la contradiction apparente entre les références à Dieu ayant des caractéristiques humaines (comme la «main de Dieu» ou le «visage de Dieu») et le concept de Dieu comme transcendantal. La position d'attribution de mains réelles ou d'un visage réel à Dieu était connue en arabe sous le nom de tajsim ou tashbih (corporéisme ou anthropomorphisme).

 

Une autre était la question de savoir comment le Coran pouvait être à la fois la parole de Dieu, mais qu'il n'avait jamais été créé par Dieu car (comme beaucoup de hadith en témoignent) il a toujours existé.

 

3.1        L'histoire de ce concept

 

Al-Ash'arī (c. 873–936) est à l'origine de l'utilisation du terme dans son développement de la théologie orthodoxe Ash'ari contre certains des paradoxes du rationaliste Muʿtazila. Au lieu d'expliquer que Dieu a un visage littéral, qui anthropomorphiserait Dieu, il a expliqué que les premiers musulmans acceptaient simplement les versets tels qu'ils se présentent - sans se demander comment ni pourquoi. Cette opinion était partagée par la grande majorité des musulmans sunnites des premières générations de l'islam. [ citation nécessaire ].

 

Une autre source attribue à Ahmad ibn Hanbal, fondateur de l' école Hanbali du fiqh (jurisprudence islamique) le créateur originel de la doctrine.

 

3.2        Interprétations

 

Le terme «bi-la kayf» est la croyance que les versets du Coran avec une «signification non apparente» devraient être acceptés tels qu'ils sont venus sans dire comment ils sont signifiés[1].

 

Selon mon amie, Sara, « cette doctrine de la toute toute-puissance divine (la révélation prime sur la raison) a été forgée par les ach' arites, pour contrer le rationalisme des mu'tazilites, mouvement fondé par Wasil Ibn Atar. Ils se caractérisent par la volonté d'aborder le phénomène religieux … avec rationalité et affirment qu'il y a une volonté humaine libre et autonome. Puis, vinrent les hanbelites, ennemis jurés des mu'tazilites, qui finirent par les combattre et persécuter jusqu'au dernier, mettant fin à toute avancée intellectuelle dans le monde musulman ».

 

Selon mon ami historien, Yves Montenay[2], [via l’élaboration de ce concept] « Il s’agissait de couper court à l'usage la raison et des raisonnements, vus comme contraire à la foi. Les islamistes (c’est moi qui les baptise ainsi, le mot n’existait pas à l'époque) ont voulu couper, car non musulmanes, les racines grecques qu’ils avaient héritées de Byzance et qui étaient la source de leur propre développement et de celui de l'Europe (disons que le développement de ces deux régions était alors grossièrement équivalent, mais c'est impossible à mesurer aujourd'hui). Ils ont brûlé les livres grecs etc. Et le développement arabe s’est arrêté ».

 

Selon Sarah, « Si l'occident a réussi à arriver à une relativisation des choses de la foi et a intégré une vision critique de l'histoire, les musulmans ne l'ont pas fait. Ils vivent encore dans l'éternité des textes éternels. L'absence de la contextualisation des faits historiques, d'une vision distanciée et critique à l'égard de la religion, fait que l'islam littéraliste est dominant aujourd'hui, l'épaisseur historique est oubliée ».

 

Table des matières

1       Une plus grande coercition des esprits en terre d’islam qu’en terre chrétienne, au 12-13° siècle. 1

2       La transmission de l'héritage de la pensée antique via l'Espagne musulmane. 1

3       Le rôle du concept de "Bila Kayf" («sans savoir comment ni quoi»). 2

3.1         L'histoire de ce concept. 2

3.2         Interprétations. 2

 

 



[1] Bila kayf, https://en.wikipedia.org/wiki/Bila_Kayf 

[2] Yves, « Je valide, en tant qu'historien dans ce domaine (J'ai enseigné l'histoire du monde arabe à l'ESCP). La civilisation arabe, en fait largement perso-byzantino–arabe, a été sabotée par la première réaction islamiste, il y a maintenant 1000 ans, au travers du concept de "Bila Kayf", [qu'elle a élaboré / inventé] ».