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close this bookLa canne à sucre (Maisonneuve et Larose, 1991)
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La canne à sucre (Maisonneuve et Larose, 1991)

LE TECHNICIEN D'AGRICULTURE TROPICALE

1. Le Riz pluvial , par Michel JACQUOT et Brigitte COURTOIS.

2. Le Maïs , par Guy ROUANET.

3. Le Bananier plantain , par Hugues TEZENAS DU MONTCEL.

4. Le Stockage des produits vivriers (en deux volumes), par Jean APPERT.

5. Le Cotonnier en Afrique tropicale , par Gérard SEMENT.

6. Le Manioc , par Pierre SILVESTRE.

7. Le Désherbage des cultures tropicales , par E.M. LAVABRE.

8. Insectes nuisibles aux cultures vivrières et maraîchères (en deux volumes), par Jean APPERT et Jacques DEUSE.

9. Les légumineuses vivrières tropicales , par Marc BORGET.

10. Le théier , par Denis BONHEURE.

11. Le caféier , par H.R. CAMBRONY.

12. L'écrevisse rouge des marais , par Jacques C.V. ARRIGNON, Jay V. HUNER et Pierre J. LAURENT.

13. Aménagements villageois et du terroir , par Gérard JOSSET.

14. Le cacaoyer , par Guy Mossu.

15. Les plantes tropicales à épices , par M. BORGET.

16. Les crustacés tropicaux d'élevage , par J. ARRIGNON, J.M. GRIESSINGER, D. LACROIX, P. GONDOUIN et M. AUTRAND.

17. La canne à sucre , par R. FAUCONNIER.

LE TECHNICIEN D'AGRICULTURE TROPICALE

Collection dirigée par
René COSTE
Membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer
Ingénieur général d'agronomie (H.)

Agence de Coopération
Culturelle et Technique
13, quai André-Citröen
F 75015 PARIS

Centre technique de Coopération
agricole et rurale (C.T.A.)
Postbus 380
NL 6700 AJ WAGENINGEN

Editions Maisonneuve et Larose
15, rue Victor-Cousin
F 75005 PARIS

Les opinions exprimées ainsi que les orthographes des noms propres et les limites territoriales figurant dans le présent document n'engagent que les auteurs et nullement la position officielle et la responsabilité de l'Agence de Coopération Culturelle et Technique et le Centre Technique de Coopération Agricole et Rurale.

PHOTOGRAPHIES

Tous les clichés de ce livre sont de R. FAUCONNlER, sauf les n° 10 à 17 qui sont de J. ORLANDO FILHO, Planalsucar, Brésil, ainsi que les n° 20 (Ph. FELDMANN lRAT), n° 21 (J. LEROY, IRAT), n° 43 (D. BASSEREAU, IRAT) et n° 54 (Ets LEGRAS).

© G.-P Maisonneuve et Larose et A.C.C.T., 1991
ISBN: 2-7060-1024-6 et 92-9028-174-X
ISSN: 0298.3540

La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, d'une part, que les «copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective» et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, «toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite» (alinéa l" de l'article 40).

Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.

Avant propos

Ce petit livre expose les connaissances sur la canne à sucre et sa culture utiles, en priorité, à l'encadrement agricole des sucreries et aux planteurs indépendants , utilisateurs privilégiés de cette plante.

Mais ces connaissances peuvent aussi intéresser des agronomes (généralistes, agronomes d'études ou décideurs), des conseillers (de sociétés privées ou d'état, de groupements coopératifs, d'organismes bancaires ou de services publics), des fournisseurs (d'équipements ou de produits), des spécialistes (de la recherche, de l'enseignement ou de l'assistance technique) et des étudiants

Alors que la récolte de la canne est inséparable de son traitement industriel, ce livre s'arrête volontairement à la livraison de la matière première canne à la sucrerie.

Cette limite provient d'une séparation pratique importante entre planteurs et agronomes d'une part et industriels et usiniers d'autre part. Même quand l'intégration complète de cette agro-industrie le permet, la taille et la complexité des installations et des techniques sont telles que l'encadrement doit se spécialiser pour gagner en efficacité.

L'assouplissement et la bonne perméabilité de la frontière naturelle entre champs et usine doit d'ailleurs être l'un des soucis constants des directeurs de ces ensembles. Des incompréhensions et même des «incidents de frontière» sont fréquents sur les points de livraison et, en particulier, sur la cour à cannes de l'usine, que le motif en soit le rythme, la qualité ou la forme des livraisons des cannes.

Ce livre a été rédigé en pensant plutôt à l'Afrique et à Madagascar, zones m'ayant offert une grande diversité d'expériences et de situations. Mais ont toujours été présents à mon esprit, tant les départements français d'outre-mer que l'ensemble du monde de la canne. L'aperçu sur l'économie sucrière a été supprimé.

Qu'il me soit permis de remercier ici mes amis brésiliens, chez qui j'ai appris mon métier de planteur de cannes et l'IRAT-CIRAD, grâce auquel j'en suis devenu un conseiller.

L'IRAT-CIRAD a participé à l'élaboration de ce livre, par les remarques constructives de ses spécialistes ( P. Baudin, phytopathologiste, M. Betbeder-Matibet, entomologiste et J.C. Mauboussin, sélectionneur) et par une aide matérielle substancielle pour laquelle je remercie vivement, entre autres, M. Martin-Fleitz et M. Guizot .

R. Fauconnier

I. Généralités

1.1 - Historique et distribution géographique

La canne à sucre ( Saccharum spp .) aurait été «domestiquée» dès 8000 avant J.C., en Nouvelle Guinée, par des horticulteurs néolithiques qui l'ont progressivement diffusée à l'Ouest vers la Chine et l'Inde, comme à l'Est vers les îles du Pacifique.

Après croisements naturels, les S. sinense (Chine) et les S. barberi (Inde) qui en résultèrent étaient eux aussi connus 6000 ans avant J.C. La production de sucre (sarkara) existait en Inde 3000 ans avant J.C.

A partir de 500 avant J.C., les Perses en devinrent des spécialistes jaloux, mirent au point les premiers «pains de sucre» et apportèrent le S. barberi jusqu'à la Méditerranée. Mais ce furent les Arabes qui la diffusèrent jusqu'au Maroc à partir du VIII e siècle et lui firent faire les plus grands progrès (en techniques de culture et en fabrication du sucre).

Jusqu'au XV e: siècle, l'Europe fut abondamment fournie de cet «épice» par la Syrie, Chypre, la Crète, la Sicile et surtout l'Egypte et le Maroc. Ensuite, les îles de l'Atlantique eurent leur période faste (XV e-XVIe) pour être détrônées, au XVII e siècle, par les «îles à sucre» des Antilles et le Nord-Est du Brésil.

Puis l'ère moderne commença, avec le remplacement de S. barberi par S. offcinarum (canne «noble» originaire de Nouvelle Guinée et rencontrée à Tahiti en 1768), la mondialisation de la canne et sa continentalisation, l'évolution d'un artisanat en fabriques puis en industrie avec une augmenta lion constante des unités de production. L'industrie de la betterave, elle, ne s'est développée qu'au XIX e siècle.

1.2 - Présentation de la canne à sucre

La canne est une Graminée dont les talles ou tiges, groupées en touffes et généralement dressées, contiennent, à leur récolte, 10 à 18 % de saccharose et 10 à 15 % de fibre. Ces tiges, coupées en morceaux portant quelques bourgeons (yeux), peuvent être mises en terre sous le nom de boutures. A partir des yeux plantés ainsi, naissent des tiges qui tallent et grandissent jusqu'à leur récolte, 10 à 24 mois plus tard. Après une première coupe (qu'elle soit pour boutures ou pour usine), les yeux souterrains de la souche repartent en tiges qui donneront, au même âge ou un peu plus tôt, une deuxième récolte, puis une troisième, etc. Ce sont les repousses. Le système racinaire se renouvelle entièrement à chaque repousse.

La canne aime la lumière. Elle a besoin d'eau et de chaleur pour ses phases végétatives de croissance mais il lui faut du froid relatif (elle gèle à partir de 0° C) ou bien de la sécheresse pour que le saccharose s'accumule dans les tiges. La campagne de récolte se réalise donc pendant l'hiver sec tropical.

1.3 - Caractéristiques de base

Dans certains pays, les cannes sont aussi une sorte de fruit: cannes de bouche et jus frais de canne. Mais c'est comme matière première d'un artisanat plus ou moins rustique et surtout de l'industrie sucrière qu'elles sont produites en grand. Sachant la minutie et la difficulté pratique des artisanats sucriers (Inde, Chine, Colombie, Philippines, etc.), ce livre se limitera à la canne industrielle.

La canne à sucre est équatoriale, tropicale ou subtropicale . Sa principale limitation technique est le gel , mais sa limite économique dépend de la protection artificielle que peuvent lui apporter les Etats.

Puissante graminée à nombre chromosomique élevé et à cycle de carbone en C 4, la canne à sucre n'a été sélectionnée, jusque récemment, que pour la production de saccharose (sucre cristallisable). Son potentiel en canne à sucre est de l'ordre de 200 t de tiges contenant 14 % de saccharose, par hectare et par 12 mois. Des recherches récentes ont montré que le potentiel de la canne au titre de plante énergétique , après croisement avec d'autres Saccharum ou des espèces voisines, dépassait certainement les 400 t en frais, soit environ 160 t de matière sèche par hectare - 12 mois. Cette canne énergétique est forcément bien moins riche en sucre.

La canne repousse après chaque coupe et donne, avec des soins, des productions rentables car moins chères à obtenir, puisque le coûteux ensemble «préparation du sol - plantation» en est exclu. Le nombre de repousses successives dépend du lieu, des soins, de la fumure, des variétés et même des maladies ou des ennemis. La canne est une culture pluriannuelle dont le cycle total dure de 4 à 10 ans.

A la récolte, la canne produit de gros tonnages qui occupent des volumes considérables dus à la faible densité des chargements (0,2 à 0,4). Il y a donc tout intérêt à rapprocher les champs de cannes de la sucrerie. Par ailleurs, la canne est une graminée à enracinement vigoureux, résistante aux parasites du sol et maladies des racines, qui peut être replantée sur les mêmes sols, sans dommages exagérés.

La canne est donc très généralement cultivée en monoculture dans des «terres à cannes» proches de la sucrerie. Ces sols permanents justifient des améliorations foncières même coûteuses. Sauf exceptions (lessivage ou entraînements profonds, salage progressif ou manque systématique d'engrais, etc.), ils s'améliorent avec la culture grâce aux racines de cannes et aux résidus des fumures et malgré le brûlis des feuilles sèches avant récolte. La croissance constante, au XX e siècle, de la taille des sucreries, en augmentant les surfaces correspondant à chaque usine, a renforcé cette tendance à la monoculture. Mais ce n'est pas l'idéal agronomique, bien au contraire, et il est excellent de rompre cette monoculture, entre chaque cycle de cannes, par une culture dérobée d'engrais verts dont l'effet, sur les nématodes par exemple, peut être considérable.

En résumé, la canne à sucre est une monoculture industrielle et pluriannuelle bonne conservatrice des sols.

II. La canne a sucre et son environnement (naturel et humain)

La canne à sucre est une plante facile à cultiver, car c'est une robuste graminée qui s'adapte à des conditions très varices. Ses seules exigences fondamentales sont relatives à l'eau et à la chaleur. De plus, elle aime la lumière. Mais il n'est pas facile d'en tirer, toujours et partout, les meilleurs rendements et le meilleur profit.

Comme les régions «chaudes» du globe présentent des climats, des sols, des milieux phytosanitaires et socio-économiques différents, la canne à sucre, elle aussi, est chaque fois différente et, pourtant, toujours la même. Il convient donc de bien connaître et la plante canne à sucre et les divers effets de son environnement. C'est l'objet de ce chapitre.

2.1 - La plante et ses cycles

La canne à sucre (ou, pour simplifier, la canne) se multiplie par boutures. C'est la seule façon d'établir une parcelle de cannes, les graines de cannes étant réservées à la création de nouvelles «variétés». Une bouture est une partie de la tige qui comporte au moins un bourgeon latéral (œil) et, en moyenne, trois ou quatre bourgeons.

Le cycle de la canne peut se résumer ainsi:

- Plantation: les boutures portant des yeux en bon état sont recouvertes d'un peu de terre humide.

- Levée : grâce aux réserves de la bouture et surtout à l'eau contenue dans le sol qui l'entoure, les bourgeons germent et donnent des tiges, dites primaires, pendant que des radicelles, issues des primordia de la zone radiculaire de la bouture, commencent l'alimentation de la jeune tige; cette tige «primaire» est elle-même composée d'entrenœuds et de nœuds successifs souterrains et très rapprochés, d'où partiront, très rapidement, de nouvelles racines dites de tige, devant prendre le relai (plus direct) de l'alimentation hydrique et minérale de la tige primaire.

- Tallage: certains yeux souterrains des tiges primaires se développent en donnant des tiges «secondaires» qui, elles aussi, comportent des nœuds et entrenœuds rapprochés d'où sortiront progressivement leurs propres racines et éventuellement des tiges nouvelles dites «tertiaires» et ainsi de suite; le tallage se poursuit jusqu'à ce qu'un équilibre se produise, entre le nombre de tiges, leurs divers besoins et les possibilités du milieu.

- Croissance: le bourgeon végétatif terminal de chaque tige donne naissance à une suite de nœuds (qui portent un bourgeon) et d'entrenœuds (dont la longueur finale peut dépasser 20 cm); les tiges s'allongeant, le feuillage prend progressivement son aspect normal: sept feuilles encore enroulées dans le fouet foliaire, une dizaine de feuilles vertes et d'autant plus de feuilles déjà sèches que cette tige est plus âgée; parallèlement, les racines se ramifient et s'allongent pour supporter cette croissance. Le pas de temps entre apparition (ou création) d'une feuille et de la suivante varie avec la température (de l'air et surtout du sol), de 1 à 3 semaines.

- Floraison: à partir d'un certain âge et sous certaines conditions, le bourgeon apical végétatif peut se transformer en bourgeon floral, lequel donnera une inflorescence en deux à trois mois. Les influences de la latitude, par la vitesse de réduction de la durée du jour, et de la variété sur le «fléchage» sont prépondérantes; cette floraison, plus intense entre 7° et 12° et nulle vers les 30° de latitude, apparaît à l'automne, c'est-à-dire vers la fin de la saison des pluies dans les climats tropicaux usuels.

- Maturation et surmaturation : ce n'est qu'après la floraison, quand elle survient, que, sous l'influence souvent combinée du froid (même relatif) ou du manque d'eau, le saccharose s'accumule dans les tiges tandis qu'y diminuent le glucose, l'acidité et la teneur en eau; cette maturation technologique reste à son meilleur niveau pendant une durée qui varie avec la variété et les conditions du milieu; au-delà, il peut y avoir surmaturation, fréquente dans les climats chauds à saisons contrastées et surtout avec certaines variétés «tenant» mal (et ayant, souvent, beaucoup fleuri). La surmaturation se note par un départ en végétation des bourgeons latéraux aériens ou souterrains de la tige, par son dessèchement progressif et par une perte de saccharose et surtout de pureté du jus.

- Récolte et repousses : en éliminant le sommet trop aqueux (bout blanc) de la canne et les feuilles, la tige entière est utilisée, après avoir été coupée au niveau du sol; la souche comporte la partie souterraine des différentes tiges que l'on vient de couper et tout le système racinaire qui leur correspondait; à partir des nombreux yeux souterrains en réserve, restés latents, se développent (avec chaleur et eau), quantités de tiges que l'on peut alors qualifier de primaires et qui comportent, elles aussi, de nombreux nœuds souterrains permettant la levée de tiges secondaires et surtout le dévelopement progressif d'un nouveau système racinaire plus direct car issu des seules tiges nouvelles; ce remplacement racinaire demande un délai normalement court (deux semaines environ), mais peut atteindre plusieurs mois dans certaines conditions.


1. Levée: démarrage des tiges primaires.


2. Nœud: œil, zone radiculaire et cicatrice foliaire.


3. Début de tallage.


4. Levée sous pivot circulaire (Analaiva, Madagascar).


5. Belle croissance: entrenœud de 30 cm (Maroc)


6. Jeunes cannes en pleine croissance (Brésil).


7 Inflorescence de canne (Mayotte).


8. Belle canne vierge de 19 mois estimée à 160 t/ha (Nzoia, Kenya).


9. Belle parcelle surmature de 21 mois estimée à 180 t/ha (Siranala, Madagascar).


10 Démarrage des repousses après récolte

Le cycle recommence donc: tallage, croissance, maturation et coupe jusqu'à ce que le rendement agricole soit jugé insuffisant et que l'on procède à une nouvelle plantation par boutures. En vieillissant, la souche présente en effet les tendances suivantes: elle se soulève, elle s'élargit, elle a de plus en plus de parties mortes et ses jeunes pousses sont plus nombreuses et, de ce fait, moins vigoureuses.

Il y a donc deux cycles de la canne selon que l'on considère celui qui s'écoule de plantation à plantation ou celui de plantation (ou de coupe précédente) à coupe suivante. Le premier, que l'on appelle cycle de culture (ou cycle total ), peut durer de trois à dix ans (parfois plus si la culture est mal gérée). Le second, que l'on peut appeler cycle des récoltes (ou souvent cycle annuel ), a une durée très généralement comprise entre 10 et 24 mois.

Cette durée du cycle «annuel» est plus longue:

- en cannes vierges, plus lentes à s'établir et donc à mûrir, qu'en repousses;

- en climats assez frais pour ralentir la croissance (semi-altitude ou altitude);

- en climats qui, comme le climat méditerranéen, permettent une maturation (et donc une récolte) tant en saison des pluies, car elle est fraîche, qu'en saison chaude car elle est sèche.

Même si le cycle des récoltes est de 24 mois (Hawaii par exemple), la campagne sucrière a lieu chaque année, au moment où les cannes d'âge idoine atteignent leur bonne maturité. Les autres sont laissées en attente. La campagne sucrière doit être la plus longue possible pour mieux étaler les travaux et leurs coûts. Comme la canne ne se conserve pas après récolte (effet de la température sur les blessures), les campagnes agricoles et industrielles sont superposées, leur durée dépendant surtout du climat, un peu des sols et de l'effort des hommes pour l'allonger. Au pire, une campagne ne dure que 3 à 4 mois (Martinique), au mieux dix à onze mois (Hawaii, Kenya d'altitude).

2.2 - Description des principaux organes

Les tiges sont composées d'entrenœuds et de nœubs successifs. Les yeux sont alternés et la gaine est longtemps enveloppante. A la récolte, on compte de 20 à 30 entrenœuds, eux-mêmes de 10 à 20 cm de long (leur longueur variant avec les conditions climatiques et leur nutrition). La longueur des tiges atteint normalement 2,0 à 3,0 m (1,5 à 4,0 m) pour un diamètre de 2,0 à 4,0 cm en moyenne, ce qui donne des cannes de 500 g à 2 kg. Leur couleur dépend de la variété et de l'exposition au soleil (qui les fonce), le vert-jaune et le violet étant les plus fréquentes. Groupées en touffes (effet du tallage) comportant de 5 à 20 cannes quand elles sont adultes, ces tiges (d'âges, de tailles et de diamètres différents) ont un port dressé, ouvert, étalé ou enchevêtré selon la variété, l'âge des cannes et les conditions de la culture. Elles sont plus ou moins débarrassées de leurs feuilles sèches. Leur richesse en sucre peut varier d'une tige à l'autre (les gros rejets tardifs aqueux, appelés «babas» sont très pauvres) et du pied au sommet (normalement moins riche).

Les racines méritent toujours d'être mieux connues et mieux observées. Après les racines de boutures , à la vie passagère, minces, ramifiées et superficielles, viennent les racines de tiges , plus directes, plus longues et plus durables. Les racines ont deux rôles: absorption et fixation. Il convient avec H. Evans d'en distinguer trois sortes: des racines superficielles (ramifiées, absorbantes), des racines de fixation (plus profondes) et des racines cordons (qui peuvent descendre jusqu'à six mètres en conditions de sol favorables). 50 % des racines se trouvent jusqu'à 25 cm et 90% à moins de 60 cm dans le sol. Le rapport souvent cité poids de tiges sur poids de racines n'a aucune signification, mais il ne peut exister de belles cannes sans racines bien développées. Les racines sont très sensibles à l'excès d'humidité, au manque d'air et à la température du sol.

Les feuilles , alternées, sont composées d'une gaine et d'un limbe reliés par une articulation souvent utilisée pour distinguer des variétés. Les limbes, eux aussi caractéristiques par leur couleur, leur port, leur taille, etc., ont de 2 à 10 cm de large pour 60 à 150 cm de long. Pour une bonne culture en pleine croissance, la surface foliaire pourrait atteindre dix fois la surface du sol occupé par la canne.

L'inflorescence (ou flèche) est une particule branchue à axe vertical dont la taille, la forme et la couleur sont, elles aussi caractéristiques des clones cultivés. La «graine» de canne, très petite, est en réalité un fruit ou caryopse. Le développement ou non de l'inflorescence (époque, pourcentage, étalement...) est très important pour l'agronome et pour le généticien.

2.3 - Eléments de physiologie

2.3.1 - Fonctions physiologiques

L'assimilation, maximale vers 30-32° et plus active à la base des jeunes feuilles et lors des matinées, permet de synthétiser le glucose à la lumière. Le processus peut se poursuivre ensuite (saccharose et polysaccharides) sans lumière. La migration et l'accumulation des sucres ont lieu jour et nuit.

La respiration est maximale vers 37° C: aux très hautes températures, il y a perte de carbone dans la plante si la lumière n'est pas suffisante. Les racines sont très sensibles au manque d'oxygène (drainage insuffisant ou sols trop compacts).

L'absorption de l'eau et des éléments minéraux est surtout le fait des racines qui peuvent se développer très vite (10 cm par jour) vers les zones humides et poreuses. Mais les feuilles utilisent l'eau des rosées et les solutions nutritives qui leur sont appliquées. Nulle au-dessous de 15° C et très faible au-dessous de 19-20° C (sécheresse physiologique), l'absorption est maximale pour un air à 28-30° C. L'intégralité ou presque de l'eau absorbée est transpirée ensuite, dans la journée surtout (régulation thermique).

2.3.2 - Floraison

L'agronome n'aime pas la floraison tandis que le sélectionneur en a besoin. L'agronome choisira des variétés fleurissant peu ou tentera souvent de bloquer la floraison tandis que le sélectionneur tentera d'augmenter la floraison ou d'en modifier les dates. La physiologie de la floraison est complexe. Les conditions requises pour que s'accumule un stimulus permettant la transformation du bourgeon végétatif apical en bourgeon floral, puis celle du bourgeon floral en inflorescence sont en résumé:

- durée du jour d'abord voisine de 12 h 30 pour tendre ensuite vers 12 h (d'où floraison en automne);
- température minimale supérieure à 18° C (optimum situé entre 22° et 24° C);
- bon état végétatif du système foliaire et particulièrement des jeunes feuilles;
- humidité suffisante de la plante;
- manque relatif d'azote.

Par ailleurs, l'époque d'apparition des fleurs dépend de la latitude: en équinoxe à l'équateur, un mois après entre les latitudes 10° et 20°, deux à trois mois après aux environs des tropiques et au-dessus.

Ces données sont utilisées en culture pour tenter d'atténuer les effets de la floraison sur les rendements tant en cannes (perte d'un certain nombre de mois de croissance) qu'en sucre (perte de qualité sucrière, surtout après un certain délai après floraison).

2.4 - Les effets du climat sur la canne

Les facteurs climatiques ont un effet dominant sur la canne à sucre, qu'il s'agisse de sa physiologie ou des phases de son cycle. Les autres facteurs viennent après, qu'ils soient édaphiques, nutritionnels, biologiques ou humains.

La canne à sucre aime toujours le soleil. Elle a besoin d'eau et de chaleur pour croître correctement et, au contraire de sécheresse nu de froid pour mûrir.

Le tableau I expose et résume les effets des facteurs climatiques sur la canne. Un degré de plus ou de moins en température, un air un peu plus ou un peu moins sec, une période nuageuse peuvent avoir des effets sensibles...

Jamais une culture de cannes ne pourra être efficace si l'on ne tient pas le plus grand compte du climat du lieu. C'est d'ailleurs pour cela que toute plantation importante de cannes doit disposer de sa propre station météorologique et veiller à ce que les relevés en soient permanents et fiables.

L'aire naturelle de la canne est limitée par le gel (les jeunes feuilles, très aqueuses, gèlent à 0° C et l'importance des dégâts est proportionnelle aux froids atteints) et par la sécheresse (il faut au moins 1000 mm annuels de pluies bien réparties sur des sols à bonne rétention et sans ruissellement). En outre, si les pluies dépassent les 3 m étalés sur l'année, la canne, sauf exception de zones fraîches, a des difficultés à mûrir. Notons que les îles, avec leurs climats marins, sont souvent moins douées pour la production sucrière. En outre, leur topographie souvent accidentée pose de sérieux problèmes. En fait, les îles, par exemple l'ensemble des petites Antilles, n'étaient de grands producteurs de sucre qu'à l'époque historique où les transports terrestres étaient chers, lents et difficiles. A terme, le sucre devrait y devenir marginal. Mais l'aire de culture de la canne est plus vaste que l'aire naturelle parce que la sécheresse est souvent corrigée par des irrigations ou parce que des encouragements financiers (protection, prix du sucre élevés) sont donnés aux producteurs de cannes dans des pays à climats pourtant peu favorables, par exemple trop frais.

Le rendement agricole potentiel ou climatique d'un lieu est le tonnage maximal de cannes que l'on peut y atteindre, en 12 mois, sur de petites surfaces très soignées. Une bonne exploitation de cannes devrait obtenir en moyenne la moitié de ce potentiel. Si le résultat est nettement moindre (mettons 0,3 du potentiel, ce qui est fréquent, hélas, dans le monde), une augmentation très payante des rendements agricoles est facile à réaliser, avec quelques soins, quelques frais et quelques réflexions. Si, au contraire, on est déjà à 0,6 ou même 0,7 du potentiel, il convient de vérifier si la culture, telle que pratiquée, n'a pas certains aspects trop luxueux (frais excessifs pour des efficacités insuffisantes).

2.5 - Les sols et la canne à sucre

La canne à sucre est une plante très tolérante aux conditions de sols. On la cultive avec succès aussi bien sur des argiles très lourdes que sur des tourbes presque pures ou sur des sols sableux. Ses seules exigences sont celles d'une certaine profondeur, d'une bonne aération, d'une ouverture suffisante aux mouvements de l'eau et à la descente des racines, d'un pH ne dépassant pas des limites très larges (pour un optimum situé entre pH 5,5 et pH 8, la canne tolère cependant des pH allant jusqu'à 4 ou 10) et d'une absence de sels toxiques (sulfures, sols salés, etc.). Il faut aussi que ces sols offrent de l'eau et des aliments minéraux, facteurs essentiels de la croissance qui sont traités au chapitre suivant 2.6.

Tableau I. Effets des facteurs climatiques sur la canne à sucre


Température de l'air

Température du sol

Eau (pluies et irrigation)

Humidité de l'air

Lumière et radiations

Vents et cyclones (*)

Latitude (et altitude)

1 - Effets sur la physiologie








L'assimilation est

max. à 30-33°

max. si ³ 24°

encouragée

encouragée

croissante avec

-

Effets de la latitude par les variations des durées des jours et des températures saisonnales

La respiration est

max. à 36-38°

max. si ³ 25°

racines gênées si eau en excès

-

-

-


L'absorption est.

max. si ³ 28°
nulle si £ 15°

max. si ³ 23°
nulle si ³ 18°

encouragée

réduite

croissante avec

-


La transpiration

croissante avec

max. si ³ 23°

encouragée

réduite

croissante avec

croissante avec


est..................

nulle si £ 15°

nulle si £ 18°






2 - Effets sur les phases du cycle








La levée est.........

opt. à 26-33°
min. à 18°

opt. à 23-28°
min à 19-20°

provoquée par l'eau

-

peut se faire dans le noir

-

-

Le tallage est....

favorisé par nuits fraîches

moindre si sol chaud

aidé par humidité suffisante

-

dépendant de la lumière

-

dense à des latitudes élevées

La croissance est

opt. de 30 à 33° faible à £ 20°

opt. à 23-29° faible à £ 21°

en rapport avec l'eau disponible

meilleure en air humide

corrélative des radiations

gênée par vents et cyclones

varie avec saisons à latitudes élevées

La floraison est

bloquée par quelques nuits à18°; favorisée par nuits chaudes

max. en sols chauds

bloquée par sécheresse et opt. en sols humides

certaine humidité est nécessaire

provoquée par durée lentemente décroissante des jours

-

est max. à 7-11° est nulle à 30° floraison est en équinoxe à 0°, à+ 1 mois à10-20° et + 2-3 mois à 20-28°

La maturation est ........

provoquée par froids nocturnes(min. £ 20°, opt. £ 15°)

meilleure à températures basses

provoquée par manque d'eau

meilleure en air très sec

très dépendante de l'ensoleillement

meilleure avec vents, mauvaise après cyclones

opt. se trouve:
à 1000 m
à 0° L à 500 m à 15-20° L
à 0 m à 25-30°

La surmaturation est.....

provoquée par retour des chaleurs(lente en zones fraîches)

encouragée par élévation de température

provoquée par eau disponible après sécheresse

-

plutôt ralentie si luminosité est forte

encouragée par vents forts qui couchent les cannes

freinée aux latitudes ou aux altitudes élevées

(*) La canne est l'une des plantes cultivées qui supporte le mieux les cyclones.

La richesse chimique d'un sol (y compris ses carences) étant plus facile à corriger, ce sont les caractères physiques qui importent le plus: porosité, profondeur, perméabilité, capacité de rétention, pentes, etc. Les bons sols à canne peuvent divers.

La canne est exploitée sur les terres situées à faibles distances des sucreries de façon à réduire les frais de transport des gros tonnages produits. Cette graminée, très conservatrice des sols, est relativement résistante à l'«autoempoisonnement», qu'il soit d'origine biologique (nématodes, parasites, maladies...) ou mécanique (mécanisation brutale, sur sols souvent humides, avec travaux trop fréquents néfastes à leur structure, etc.). On peut donc traiter la canne en monoculture, mais il ne convient pas d'oublier que ce n'est pas un idéal et que tout effort doit être consenti aux sols à cannes, puisque les sucreries ne se déplaceront pas.

Les soins aux sols les plus payants sont la restitution de tous les sous-produits de l'usine, l'apport d'amendements minéraux (chaux et magnésie surtout), celui d'amendements organiques (engrais verts), une aération importante en tête de cycle, avant plantation (dont l'effet ne durera que si elle a été faite à bonne époque et sur un sol déjà bien amendé), et tout effort permettant d'obtenir une augmentation durable de sa profondeur utile. La culture doit se faire en courbes de niveaux , dès que les pentes sont visibles à l'œil nu.

Mais on peut parfaitement brûler toutes les cannes sur pied avant récolte sans endommager les sols le moins du monde, à condition de réaliser une culture de type intensif (fertilisations suffisantes, rendements obtenus corrects, système racinaire important et, mieux encore, engrais verts).

Avec le développement de la mécanisation, la topographie surtout, la portance et l'absence d'obstacles ensuite, ont pris une importance de plus en plus grande. La canne à sucre fuit alors les collines pierreuses et craint les pluies en sols mous.

Les sols évoluent en bien ou en mal plus vite qu'on ne l'imagine. Ils récompensent ou punissent rapidement les soins ou les négligences.

2.6 - La nutrition hydrique et minérale et ses contrôles

2.6.1 - Rôle primordial du sol

La canne installe ses racines dans le sol et c'est par le sol qu'elle obtient l'essentiel de sa boisson et de ses aliments. Ce garde-manger est meilleur quand il est vaste, facile à remplir et aisément disponible . Pour l'eau par exemple, il s'agit de la perméabilité, la porosité, la profondeur et la capacité de rétention ainsi que des réserves utilisables et facilement utilisables (RFU = 2/3 RU). A l'inverse, un sol superficiel, trop argileux ou trop sableux, ne retenant ni l'eau ni les engrais, demandera des interventions très fréquentes et précises de l'homme pour produire correctement: il faudra à la fois dépenser beaucoup plus et être beaucoup plus compétent et attentif. La moindre erreur peut entraîner des conséquences parfois difficiles à rattraper et l'on imagine combien il peut y avoir de risques d'erreurs sur des milliers d'hectares...

2.6.2 - L'eau et la canne

Il faut en moyenne 1500 mm de hauteur d'eau (pluie ou arrosage), soit 15000t d'eau par ha pour obtenir, d'une parcelle bien conduite, 100 t de cannes usinables à la récolte. Le rendement ou l'efficience de l'eau est alors de 1 pour 150 (15 mm/t.c.), l'essentiel de cette eau étant transpirée par la plante.

L'évapotranspiration réelle (E.T.R.) est la somme de l'évaporation au niveau du sol et de la transpiration de la plante. La plante transpire d'autant plus que son feuillage est développé (l'évaporation directe du sol tombe alors pratiquement à zéro), qu'elle est en pleine croissance (et présente alors beaucoup de tissus foliaires jeunes et très aqueux), que les facteurs climatiques l'y encouragent (radiations, températures plus fortes, air sec et mobile) et que l'eau lui est librement assurée. A ce moment, l'E.T.R. s'approche de l'E.T.P. ( évapotranspiration potentielle ). L'évapotranspiration maximale de la canne a été mesurée de 13 mm par jour, en case lysimétrique (étude de l'IRAT au Burkina Faso).

En conditions climatiques très favorables à la croissance végétative (le terme radiatif est alors très prépondérant dans la formule de PENMAN évaluant l'E.T.P.), cette croissance de la canne est exactement proportionnelle à la fois à son évapotranspiration et à l'évaporation de la nappe d'eau libre du bac classe A (Organisation Mondiale de la Météorologie). Dans ces conditions, on peut alors estimer le rendement potentiel de la canne (1 t.c./ha/10 mm E.T.P.) à partir des données du bac classe A.

En période active de croissance et en conditions favorables à celle-ci, l'évapotranspiration de la canne est de l'ordre de 1,2 fois l'évaporation du bac classe A. Ce coefficient cultural k maximum de 1,2 tombe à 1,0 environ quand les conditions climatiques sont moins favorables à la croissance car, alors, le bac évapore mécaniquement beaucoup plus tandis que les feuilles de cannes tendent à réguler biologiquement leur transpiration (zones arides).

Comme cela a été précisé, le manque d'eau tend à pousser la plante à accumuler du saccharose dans ses tiges, cette action étant d'ailleurs encouragée par une bonne luminosité (eau de constitution réduite). Cet effet étant progressif et cumulatif, l'évapotranspiration élimine d'abord, en conditions de sécheresse, les réserves d'eau du sol puis, se réduisant sensiblement, commande la maturation. Pendant ce temps, l'E.T.R. s'abaisse pour tendre ensuite à s'annuler.

A signaler que les racines de cannes, dans certaines conditions de sols profonds, présentent deux aptitudes très intéressantes: trouver encore de l'eau au-dessous du «point de flétrissement» du sol et aller chercher de l'eau en profondeur (la croissance d'une racine de canne peut être très rapide).

De nombreuses études sur ces coefficients dits «culturaux» permettent de dresser le tableau II, qu'il conviendra d'adapter (en le lissant) aux conditions réelles étudiées.

Tableau II Valeurs du coefficient cultural (k) selon les situations


Sur sol nu*

Sur sol paillé (repousses non brûlées)


en climat favorable

en climat adverse

en climat favorable

en climat adverse

- avant 1/4 de couverture du sol par le feuillage

0.3

0.3

0.1

0.1

- de 1/4 à 1/2 couverture du sol par le feuillage

0.6

0.5

0.4

0.3

- de 1/2 à totale couverture du sol

0.9

0.7

0.8

0.6

- à couverture totale avec croissance active**

1.2

1.0

1.2

1.0

- pour des cannes fleuries ou couchées

1.0

0.8

1.0

0.8

- de 2 à 1 mois avant la récolte

0.7

0.6

0.7

0.6

- pendant le mois précédant la récolte

0.0

0.0

0.0

0.0

(*) en cannes vierges (couverture complète à 4-5 mois) et en repousses de cannes brûlées à la récolte (couverture complète à 3 mois).

(**) il ne peut y avoir plus de 4 mois de pleine croissance même si le cycle le permet: la canne freine ensuite son développement et demande moins d'eau.

La méthode du bac classe A , comme d'ailleurs celle utilisant des batteries de tensiomètres , est surtout utilisée en culture irriguée de la canne. Les tensiomètres ont pour chiffres clés: 0.1 atmosphère pour la capacité de rétention, 0,33 atmosphère pour l'humidité équivalente, 4.0 atmosphères pour la fin de la réserve facilement utilisable et 15.0 atmosphères pour le point de flétrissement.

En pratique de culture irriguée , il faut, à partir des mesures d'un bac classe A correctement installé et suivi, calculer les besoins de base de chaque parcelle à chaque période, puis ajuster ces calculs pour tenir compte:

- des ambitions en ce qui concerne les rendements agricoles (lesquels n'atteignent jamais les rendements potentiels);

- des nombreuses pertes d'eau (réseau, évaporation directe, ruissellement, percolation);

- des disponibilités et du coût de l'eau et de l'énergie nécessaires (arbitrage entre les parcelles);

- de l'isolement relatif du bac classe A par rapport aux cultures de cannes (surestimation qui peut aller jusqu'à 20 %).

En culture pluviale , on pourra estimer le degré de satisfaction en eau des cannes et mieux comprendre les résultats de la culture. A moins qu'il ne pleuve vraiment beaucoup, cette culture pluviale ne peut obtenir de bons résultats que sur des sols à grande capacité en eau, capables d'absorber puis de répartir ces pluies au fur et à mesure des besoins de la canne. Comme les besoins sont plus grands par temps chaud, c'est à cette époque que la pluie doit tomber (ou être suppléée par l'irrigation).

Le tableau III tente d'illustrer ce que pourrait être, en culture pluviale située dans l'hémisphère Nord, une bonne distribution des pluies pour des sols à capacités de rétention différentes et pour des climats à températures (minimales surtout) plus ou moins basses. Les moyennes réelles des pluies devraient être un peu plus élevées pour tenir compte des variations interannuelles souvent très importantes en climats tropicaux (années sèches).

Ces seuls chiffres montrent déjà que le minimum de pluies nécessaires est très différent selon la répartition de cette pluie, selon la capacité de rétention des sols (souvent assimilable à la profondeur et au taux d'argile) et selon les niveaux des températures

Tableau III Hauteurs de pluies très suffisantes en culture pluviale (hémisphère Nord)


Sur sols à forte capacité de rétention

Sur sols à faible capacité de rétention


en climats frais

en climats chauds

en climats frais

en climats chauds

Janvier

40 mm

60 mm

60 mm

70 mm

Février

30

50

50

60

Mars

50

70

70

80

Avril

70

90

90

110

Mai

100

130

120

140

Juin

140

160

160

190

Juillet

160

180

180

190

Août

160

180

180

190

Septembre

150

170

180

180

Octobre

120

140

140

150

Novembre

80

100

100

110

Décembre

50

70

70

80

Année

1 150 mm

1 400 mm

1 400 mm

1 550 mm

Mais d'autres conséquences pratiques importantes dépendent de ces conditions, à preuve les estimations réunies dans le tableau IV.

En climats chauds, quand les pluies deviennent excessives et tendent à supprimer toute saison sèche, les deux termes richesse en sucre des cannes (exprimée ici en rendement industriel) et durée de la campagne s'approchent de la limbe inférieure de rentabilité. C'est pourquoi l'on préfère souvent des climats plus secs que l'on compense par l'irrigation.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur l'eau et la canne. Des compléments sont donnés dans les chapitres 34, Irrigation et 361, Maturation, mais il convient d'ajouter, ici, en vrac:

- qu'il existe des variétés plus ou moins exigeantes en eau, répondant plus ou moins à l'irrigation ou plus ou moins tolérantes à l'asphyxie des racines causée par un excès d'eau dans le sol;

- qu'à deux stades végétatifs, la canne supporte sans dommages une sécheresse même forte: au stade dit herbacé quand la canne ne présente que peu d'entrenœuds, alors que ses racines ont déjà atteint une bonne profondeur et au stade de canne adulte prête à mûrir ou en cours de maturation,

- qu'au retour des pluies, la canne ne perdra rapidement sa richesse en sucre que si son système racinaire est peu développé ou trop superficiel;

- que la canne, qu'elle soit en croissance ou en maturation, déteste les «chocs hydriques».

Tableau IV Estimation de quelques résultats techniques d'une culture pluviale de canne, selon quatre hypothèses (hémisphère Nord)


Sols à forte capacité de rétention

Sols à faible capacité de rétention


en climat frais

en climat chaud

en climat frais

en climat chaud

Rappel du minimum

1 150 mm

1 400 mm

1 400 mm

1 550 mm

annuel de pluies bien





distribuées

15 nov.

1er déc.

1er déc.

1er déc

Dates de la campagne

15 mai

15 avril

30 avril

31 mars

début

6 mois

4.5 mois

5 mois

4 mois

fin

150 jours

112,5 jours

125 jours

100 jours

durée





soit à 25 jours/mois





Rendements moyens





(pour un bon travail)





- agric. (tonnes canne/ha)

85 t/ha

95 t/ha

75 t/ha

85 t/ha

- indus. (kg sucre/t.c.)

120 kg/t.c

100 kg/t.c

115 kg/t.c.

95 kg/t.c

- agro-indus. (kg sucre/ha)

10,2 t/ha

9,5 t/ha

8,6 t/ha

8,1 t/ha

mm de pluie/t.c./ha

13,53 mm

14,74 mm

18,67 mm

18,24 mm

kg de sucre/ha/mm de pluie

8,87 kg

6,79 kg

6,14 kg

5,23 kg

sucre produit par une usine





de 3 000 t/jour (25 jours/m.)

54 000 t

33 750 t

43 125 t

28 500 t

surface récoltée par an

5 294 ha

3 553 ha

5 000 ha

3 529 ha

2.6.3 - Nutrition minérale de la canne

Exportations et besoins

La plante canne à sucre est constituée pour 99 % de C, de H et de O. Les éléments minéraux, indispensables aux plantes, sont donc des impuretés à éliminer de la fabrication du sucre (saccharose, C 12H22O11) et de l'alcool (C 2H5OH) ou des inutilités contenues dans la bagasse. Tous les éléments minéraux de la canne vont se retrouver dans les divers sous-produits de son usinage ou être détruits à cette occasion.

Le bilan s'établit ainsi pour chaque élément nutritif.

Disponible et entrées

Sorties

- Stock initial dans le sol

- Entraînements par ruissellement

- Apports de fertilisants (minéraux, organiques, etc.)

- Lessivage par percolation profonde

- Remontées éventuelles par des racines profondes (cannes) engrais verts, végétaux

- Dégradation éventuelle des éléments volatils (N surtout)

- Restitution des sous-produits

- Exportations par les tiges


- Exportations par les feuilles

D'où stock final dans le sol pour le prochain cycle.

Les quantités exportées par une culture de cannes varient avec la teneur du sol, l'assimilabilité des éléments, la fertilisation apportée, le développement végétatif, les méthodes de culture et, dans une moindre mesure, les variétés utilisées.

Le tableau V précise les quantités exportées et nécessaires à une culture bien établie donnant 100t/ha de cannes à la récolte (faite brûlée). On notera que les besoins sont plus élevés car ils doivent compenser les diverses pertes.

Tableau V Exportations et besoins pour 100 t de canne

Eléments majeurs

Exportations par les tiges

Besoins en fertilisants

Possibilité de consommation de luxe

K2O

80 à 200 kg/ha

150 (200) kg ha

oui

N

45 à 90 kg/ha

120 (150) kg ha

oui

P2O5

30 à 50 kg/ha

50 (60) kg/ha


CaO

15 à 50 kg/ha

environ 50 kg/ha environ


MgO

20 à 60 kg ha

40 kg/ha environ 30 kg/ha


S

15 à 35 kg/ha

très rarement


SiO2

25 à 200 kg/ha

déficient

oui

Oligoéléments


Correction des carences éventuelles avec, en tête de cycle

Fe2O3

2 à 10 kg

30-50 kg sulfate

Mn

0,20 à 0,5 kg

10-20 kg sulfate

Zn

0,20 à 1,0 kg

10-15 kg sulfate

Cu

0,15 à 0,5 kg

10-30 kg sulfate

Bo

0,10 à 0,4 kg

20-30 kg borax

Mo

0,01 ou moins

1-2 kg molibdate Na

Les besoins pour une récolte non brûlée sur pied seraient les mêmes sauf peut-être en azote où, en principe, il n'y aurait pas lieu de compenser la perte de l'azote contenu dans la paille, soit 20 à 40 kg de moins pour 100 t.c. (?). Les corrections de carences peuvent aussi se faire par pulvérisation foliaire (les doses sont alors bien moindres). A signaler ici les possibilités d'empoisonnement de la canne par les excès de sels toxiques : chlorures (de sodium surtout), soufre, aluminium, fer, manganèse, etc.

Une terre récemment mise en culture doit souvent être progressivement ajustée à la canne car ses réserves initiales sont mal équilibrées: une terre de forêt a trop d'azote, la plupart des sols tropicaux n'ont pas assez de phosphore, de calcium et de magnésium, etc.


11 . Carence en P (manque de tallage).


12. Déficience en K (feuille normale à g.).


13. Déficience en K à g.; pourriture rouge à dr


14. Carence en cuivre.


15. Carence en cuivre.


16. Carence en fer.


17. Déficience en fer.


18. Carence en manganèse.

En restituant aux sols les divers sous-produits de l'usine, on réduit très sensiblement et très économiquement les besoins en fertilisants . Un bilan global concernant les macro-nutrients en jeu pour une récolte de 100 t de cannes est donné dans le tableau VI dont les chiffres ne peuvent être pris à la lettre, tant ils sont variables selon les conditions de culture et d'usinage. Les pertes ou gains sont calculés en s'arrêtant à la mélasse mais, si elle est distillée, il convient de restituer les vinasses aux sols.

Tableau VI Bilan des macro-nutrients pour 100 t de cannes (en kg d'éléments)

En kg

Exportation par les cannes (100 t.c.)

Dans les écumes fraîches (4,0 t env.)

Dans les cendres (0,5 t env.)

Dans la mélasse (3,5 t env.)

Dans les vinasses mélasse (15 m 3 env.)

Pertes ou gains

N

70-90

10-15

-

20

10-15

- 35 à 55

P2O5

30-50

25-30

15-20

10

3-5

0

K2O

120-160

5

30-35

80-120

80-120

0

CaO (*)

25-35

30-60 (*)

20

45

30-40

+ 70 à 100

MgO

25-35

10

10

15

15

0

S

15-20

5-20 (#)

-

10

5

-5

* Chaulage des jus à l'usine à 1 kg CaO par t.c. et sulfitation éventuelle à 0,7 kg S par t.c.

D'autres commentaires sur les sous-produits sont faits au chapitre 33, Amendements et Fertilisation mais, à la limite, il suffirait d'acheter de l'azote, ainsi qu'un petit complément de phosphore et de potasse justifié par le fait que les cendres d'usine (silice pour 60 à 80 %) des installations modernes sont trop vitrifiées pour être utilisables (insolubles).

Remarques sur les éléments nutritifs

Le manque d' azote provoque un jaunissement des feuilles (petites, fines et moins nombreuses), un manque de vigueur (tiges fines et moins nombreuses) et un équilibre physiologique différent (moins d'eau et plus de sucre dans les tissus). En excès ou mis tardivement, l'azote freine la maturation (cas des sols trop riches, surtout s'ils sont humides). On admet qu'il faut 8 mois en cycle court et 12 mois en cycle long pour que la canne puisse «digérer» son azote (donner une richesse normale).

Le manque de phosphore limite le tallage et la croissance, rend les feuilles et les tiges très fines et les entrenœuds courts. Les feuilles peuvent présenter un bronzage (bleuissement) et sèchent précocement. Le système racinaire est très réduit. En carence sévère, de petites taches rougeâtres sont éparses sur le limbe et le rendement est pratiquement nul. Le phosphore est souvent insoluble ou bloqué dans le sol. Il migre peu et doit être placé près des futures racines. On l'applique souvent à fortes doses, en tête de cycle.

Un manque moyen de potasse ne se voit pas et réduit pourtant le rendement. Il faut une forte carence pour provoquer des symptômes foliaires typiques: jaunissement et dessèchement, en V inversé, du bout puis du bord des limbes des feuilles adultes et rougissement par taches limitées à la face supérieure (interne) de la nervure centrale. En outre, on constate une levée médiocre après plantation, un faible nombre de feuilles vertes (jusqu'à la moitié du normal), ainsi que des feuilles et des tiges parfois très amincies. La potasse est l'élément le plus abondant dans la canne avec nette prédominance dans les tissus jeunes. Elle peut être absorbée en excès (luxe).

Les autres éléments sont Ca, Mg, S, Si et les oligo (Fe, Mn, B. Cu, Zn, Mo). Le tableau VII résume leurs rôles essentiels, les symptômes de leurs carences et les correctifs conseillés en cas de manque.

Tableau VII Données sur les autres éléments minéraux

Eléments

Rôles

Symptômes de manques et de carences

Correctif


l'élément

Organes atteints

Types de taches

Couleur et évolution (autres symptômes)

proposé

Calcium (Ca)

Croissance et maintien cellulaire. Protège des excès de Fe, Al, Mn, Ni etc.

Feuilles âgées (aspect de sécheresse); tiges fines et racines réduites.

Chlorose. Petites taches.

Taches jaunes qui passent au brun puis au rouge, se réunissent et se nécrosent.

Chaulage surtout utile au sol dès que pH < 5,0.

Magnésium (Mg)

Chlorophylle et enzymes.

Feuilles âgées sur toute la surface foliaire; tiges et racines réduites.

Jaunissement et très petites taches.

Taches jaunes brunissent puis se nécrosent (aspect de rouille).

Calcaire magnésien ou dolomie (ou sulfate de Mg).

Soufre*(S)

Constitution des protéines.

Feuilles jeunes. Tiges fines et courtes.

Absence.

Vert jaune puis pourpre clair

Engrais avec S, Sulfate de Ca hydraté à 100 kg ha.

Silice (Si)

Ne serait pas indispensable (?)

Feuilles âgées: haut du limbe et nervures.

Petites.

Taches brun-rouge qui se nécrosent ensuite.

(Méta) Silicate Ca, Basalte broyé, Ciment.

Fer* (Fe)

Chlorophylle Enzymes.

Feuilles et gaines jeunes surtout.

Chlorose des espaces internervures.

Manque total de chlorophylle. Racines courtes.

Solution de sulfate de fer à 1 %.

Manganèse*. (Mn)

Activateur d'enzymes.

Centre et bout des jeunes feuilles.

Chlorose des espaces internervures.

Rougissement nécrotique des feuilles âgées (peuvent se fendre et se tordre).

10-20 kg SO 4 Mn Solution sulfate à 0,5 -1,0 %.

Bore (B)

Métabolisme du déplacement des sucres.

Base des très jeunes feuilles.

Stries jaunes.

Frisures, torsions chlorose réduction de taille (cf. Pokkah Boeng) Faible richesse et pureté.

20-30 kg borax Solution acide borique à 0 5 %

Cuivre* (Cu)

Photosyntèse et enzymes.

Jeunes feuilles et sommités allongées et affaissées.

Chlorose «îles» vert foncé.

Non-ouverture des jeunes feuilles.

30 kg sulfate Cu. Solution à 0,5-1,0 %.

Zinc (Zn)

Croissance et longueur des entrenoeuds.

Nervure des côtés et bouts des limbes des jeunes feuilles.

Jaunissement.

Zone proche de nervure centrale reste verte; feuilles courtes et moins denses; mort du sommet.

20 kg sulfate Zn Solution à 0,5 - 1,0 %.

Molybdène (Mo)

Permet la fixation de l'azote.

Bout des feuilles âgées.

Stries de 1 à 3 mm sur 5 à 12 mm.

Jaunes avec centres devenant pourpres puis nécrosés.

Chaulage pour élever pH du sol 1 kg/ha de molydate de soude.

* Empoisonnement possible par excès: Fe, Al, Mn, Na, Ni, Cu, Cl, S; les taches de rousseur et le faible nombre de feuilles actives sont des symptômes fréquents.

2.6.4 - Contrôles de la nutrition hydrique et minérale

Les contrôles hydriques et nutritifs sont regroupés ici tant sont grandes les intéractions entre l'eau et les «aliments».

Les contrôles de croissance et de maturation sont souvent basés sur un repérage précis des organes végétatifs: le fouet foliaire dont le limbe montre un début de déroulement est la feuille n° 1 , l'entrenoeud n° 1 étant situé en-dessous de la gaine n° 1. La TVD (top visible dewlap) est le 1 er limbe dont l'articulation avec sa gaine est visible. Cette articulation (ochréa) sert de référence valable aux mesures de la croissance. La croissance est moyenne à 1cm/j, rapide à 2 cm/j (boom végétatif) et maximale à 3 cm/j. La hauteur réelle de la tige peut se calculer en soustrayant la longueur d'une gaine. La TVD est souvent, à tort, confondue avec la 3° feuille, alors qu'elle peut être la 4e et même la s. feuille.

Contrôles de croissance

Méthodes physico-chimiques : analyses de sol, essais de doses et de rationnements sur parcelles de cannes, simulation de la satisfaction de besoins, restitution des exportations.

Méthodes physiologiques:

- notations sur le développement végétal: levée et manques, tallage (densité), élongation, poids des gaines et des limbes, surface foliaire, etc.;

- contrôles d'humidité de tissus végétatifs:

· gaines n° 3 à 6 (à 3-5 mois): ³ 83 % H20
· fouets foliaires (à 3-5 mois): ³ 79 % H20
· entrenœuds 4-5 (à 3-5 mois): ³ 91 H20
· entrenœuds 8-10 (à 6 mois): ³ 86% H20

- diagnostic foliaire

· méthodes des seuils ou niveaux critiques: limbe ou partie de limbe de feuilles n° 3 ou TDV, gaines foliaires n° 3 à 6, entrenœuds n° 8 à 10, etc;

· méthode d'équilibre entre les éléments ou DRIS (Diagnose and Recommendation Integrated System).

Contrôles de maturation

- analyses périodiques d'échantillons de cannes;

- suivi de l'assèchement progressif de l'humidité des gaines n° 3 à 6: cette humidité doit s'abaisser de 80-81 % environ à 75 % (± 2 %) selon le lieu: climat, durée du cycle, variété, etc.

Dans les deux cas, il convient de visiter la parcelle de cannes afin d'y déceler toute anomalie qui fausserait les résultats.

Commentaires sur ces contrôles

Les essais d'engrais à préférer sont soit du type présence-absence (déceler un effet), soit du type doses croissantes d'un élément (mesurer une dose). Les interactions sont inutiles à rechercher.

Le diagnostic foliaire n'est valable, surtout celui basé sur des niveaux critiques d'éléments, que si la canne est jeune, en pleine croissance et donc en complète satisfaction hydrique (un ou deux mois après que la saison des pluies soit bien établie). Il ne faut pas faire d'analyse foliaire si les gaines sont à moins de 80 % d'humidité.

On constate aussi que si l'humidité des tissus (les gaines 3-6 étant préférées) dépasse certains niveaux, cela prouve une complète satisfaction de la plante et une croissance très active. L'analyse foliaire (de nutrition minérale) est alors inutile, car il ne peut y avoir de limitation de croissance (et donc de rendement agricole) dont la cause serait un manque d'éléments minéraux.

La méthode des équilibres entre éléments (DRIS) se pratique à partir des résultats obtenus sur des analyses de limbes mais elle peut s'adapter à la comparaison d'autres seuils. Elle a l'avantage d'être moins affectée par l'âge des cannes, par les conditions climatiques et par la variété. Mais elle est plus complexe et sa mise au point n'est pas terminée.

Les seuils de satisfaction , couramment admis pour une jeune repousse de 3 à 4 mois (ou vierge de 4 à 5 mois) en pleine croissance (climat favorable), sont les suivants, une correction variétale restant à faire:

Seuils de satisfaction

N % mat. sèche

P % mat. sèche

K % mat. Sèche

Limbe 3 e feuille (ou TVD)

1,8 à 2,0

0,18 à 0,20

1,3 à 1,4

Gaines foliaires 3-6

0,4 à 0,5

0,09 à 0,10

2,3 à 2,5

Entrenœuds 8-10 (6 mois)

0,3 à 0,4

0,05 à 0,06

1,0 à 1,1

Pour les autres éléments, ces seuils sont moins précis, l'ordre de grandeur des chiffres obtenus à partir des limbes de 3 e feuille (ou TVD) étant le suivant:

- en % de matière sèche Ca: 0,20 à 1,00, Si: 1,5 à 2,0, Mg: 0,15 à 0,45, S: 0,15 à 0,25

- en p.p.m. Fe: 170 à 400 Mn: 140 à 250 Zn: 23 à 26 B: 6 à 30 Cu: 9 à 15 Mo: 0,15 à 0,40

Les équilibres DRIS corrects pour 3 e limbes sont approximativement N/P: 10,5 à 11,5; N/K: 1,3 à 1,4; K/P: 7,8 à 8,8.

2.7 - Les variétés de canne

Les « variétés» actuelles sont en fait des clones hybrides, issus chacun d'une seule graine obtenue en station. Dans une parcelle, les cannes sont génétiquement semblables car elles ont été reproduites par bouturage à partir du même clone.

Les mélanges de variétés sont rarement voulus et souvent néfastes (vieilles souches malades qui subsistent). Mais pour une usine ou pour une zone sucrière, on utilise, en général, plusieurs variétés, ce qui permet de mieux s'adapter aux conditions et au calendrier de la culture.

2.7.1 - Les Saccharum

L'origine génétique de la canne à sucre est encore hypothétique. Le schéma généalogique simplifié (d'après Daniels et Roach, 1987), donné ci-après, semble recueillir de fortes présomptions.

En pratique, on distingue la famille continentale (groupe A) avec S. spontaneum , S. sinense (Chine, variété Uba) et S. barberi (Inde), très longtemps utilisées sur place. Les S. barberi sont celles qui ont été introduites par les Arabes jusqu'au Maroc et par Christophe Colomb dans les Antilles, la principale variété cultivée dans les Amériques et en Afrique, jusqu'à la fin du XVIII e siècle, étant appelée Puri, Mirim, Créole, Criolla (ou Creoula).

Le groupe B. ou famille insulaire , a eu la Nouvelle Guinée pour base avec S. robustum et S. officinarum (canne noble), dont les sujets les plus marquants ont été sélectionnés et répartis au cours des temps et, en particulier à partir de Tahiti (Bougainville, 1768) puis des Mascareignes, par les Français dans la 2 e moitié du XVIII e siècle. Une variété noble a dominé le XIX e siècle dans le monde entier, en prenant des noms différents selon les pays: Tahiti, Otaheité, Bourbon, Blanche, Jaune, Caiana, Lahaina, Batavia, Vellai, etc.


Origine génétique des Saccharum

On a découvert depuis seulement un siècle (Java et Barbades, 1888) que la graine de canne pouvait germer et donner de nouvelles plantes. Les premiers croisements dirigés se sont faits entre S. officinarum seuls. Puis au début du siècle, en Inde et à Java, les S. spontaneum , hybridés aux S. officinarum , ont permis de rendre de la vigueur aux cannes cultivées. Les croisements interspécifiques sont devenus plus complexes (mobilisation). Maintenant, deux tendances existent: l'ouverture vers les genres voisins ( Miscanthus, Erianthus, Narenga, Sorghum (?)) et le retour aux sources (collectes botaniques en Nouvelle Guinée) avant qu'il ne soit trop tard. Malgré certains espoirs, la culture in vitro n'a pas encore permis d'obtenir de façon stable des sujets nouveaux.

2.7.2 - L'obtention de variétés (clones) en station

La création variétale coûte cher car il lui faut des moyens suffisants, de bons spécialistes et du temps pour obtenir des variétés meilleures que celles qui pourraient être importées de pays voisins (ou même lointains). On constate en effet que les variétés excellentes en un lieu sont souvent bonnes ailleurs. Les remarquables POJ 28-78 (Java), Co 290 (Sud de l'Inde), B 43-62 (Barbade), NCo 310 ou NCo 376 (Inde - Afrique du Sud) ont été utilisées dans le monde entier tant comme variétés en culture que comme géniteurs. On constate aussi que des variétés jugées moyennes peuvent donner de très beaux résultats sur des petites parcelles bien soignées: on accuse souvent la variété quand on ne peut pas (ou sait pas) cultiver très bien la canne sur une grande échelle. D'où l'intérêt fréquent des variétés «rustiques».

Par ailleurs, plus les conditions écologiques et économiques d'une zone de culture de cannes sont particulières et spécifiques, et plus il y a de chances de pouvoir créer pour elles, par hybridation raisonnée et sélection bien faite, des variétés satisfaisantes. Ainsi, les fines, droites, hâtives, riches et précoces variétés de Louisiane conviennent bien à une zone très originale qui gèle tous les ans et utilise des coupeuses-andaineuses sur des terres lourdes et humides.

Les croisements variétaux se décident, en station, en fonction des besoins: «dégénérescence» progressive des variétés, faiblesse des repousses, manque de richesse en sucre ou son médiocre étalement au cours de la campagne, sensibilité jugée excessive aux maladies endémiques ou apparition de nouveaux fléaux, besoin de s'adapter à des conditions locales (écologiques et économiques) particulières, etc.

Les parents à hybrider sont mis en serre contrôlée dans des «lanternes». Les nombreuses graines (fuzz) sont semées en casiers, bien arrosées et nourries. Les plantules (seedlings) sont repiquées à 1 ou 2 mois (10 à 15 cm de haut) en groupes (bunch) ou individuellement, puis installées en planches (3-4 mois), seuls les sujets vigoureux étant retenus à chaque opération. Ces seedlings doivent ensuite être triés (sélection).

On peut aussi obtenir des variétés en les faisant venir d'ailleurs (en général par importation de boutures). Pour éviter les maladies, fréquentes et graves, on place ces variétés en quarantaine et sous contrôle (voir chapitre 28) le temps voulu et on les multiplie ensuite pour les introduire dans les derniers stades de la sélection ou les utiliser comme géniteurs. Elles sont aussi distribuées aux usiniers dont certains déposent des demandes d'importation à l'organisme chargé de la quarantaine.

2.7.3 - La sélection variétale

Il faut de 7 à 12 ans pour sélectionner une ou quelques variétés à partir des 50000 à 2000000 de graines semées chaque année par chaque station de sélection. On comprend que ces stations, souvent propriété des producteurs, les réservent à leurs membres ou à leur pays (ce qui diminue l'offre de variétés dites «libres»).


19. Salle des seedlings de Copersucar (Piracicaba, S.P, Brésil).


20. Plante régénérée à partir d'un tissu foliaire


21. Zymogramme d'électrophorèse (cartes d'identités variétales).


22. Trojan (Australie).


23. C0775 (Inde).


24. R570 (Ile de la Réunion).

Les principaux critères de sélection sont:

- vigueur végétative (grosse production à l'hectare en vierge et surtout en repousse);

- bonne richesse en sucre des cannes et pureté élevée (à tonnages égaux de sucre par hectare, on préférera la variété la plus riche);

- qualités de précocité (permettant d'avancer avec profit le début de la campagne sucrière) ou de tardivité (permettant d'allonger la campagne) et donc intérêt d'une longue PMI ( période de maturation industrielle ); ceci explique que l'adaptation aux cycles de culture (utilisés ou prévisibles) soit à introduire assez tôt dans le processus de sélection;

- résistance suffisante à toutes les maladies graves du pays et tolérance éventuelle à certains ennemis (borers, nématodes, rats, etc.) ou à certaines conditions (danger de gels ou de cyclones, sécheresse, salure, sols particuliers, etc.);

- facilité et bon marché de la culture ; selon les conditions du lieu, on attribuera beaucoup d'importance à certains des caractères suivants: bonne levée à la plantation, couverture rapide du terrain, feuilles vertes non coupantes et à gaines glabres, feuilles sèches se détachant naturellement ou aisément, tiges de bon diamètre, floraison la plus faible possible (sauf pour les variétés précoces en cycle annuel), cannes droites ou ne se couchant pas malgré de forts tonnages, tolérance à de médiocres conditions de culture et à des erreurs de calendriers, etc.

On distingue deux types de sélection:

- la sélection en station d'hybridation qui fait appel à des sélectionneurs aidés de statisticiens et de phytopathologistes et traite un nombre très élevé de sujets;

- la sélection finale ou régionale ou sélection d'usine qui compare des petits nombres de variétés déjà remarquées, soit par la station locale qui les a créées, soit par les zones d'où elles ont été importées (après quarantaine).

Ce livre n'abordera que la sélection d'usine, réalisée en général par des agronomes praticiens.

«En usine» la méthode suivante est recommandée:

Les variétés existantes ou à venir sont distribuées en trois groupes A, B et C: A, pour les variétés prometteuses qui méritent l'essai en grand (essai industriel), B. pour les variétés à mieux connaître et C, pour les variétés jugées sans intérêt (à éliminer ou à mettre au «musée»).

Le groupe B reçoit, à mesure, toutes les variétés nouvelles (très rapidement multipliées par boutures d'un œil). Il en sort des variétés A et des variétés C.

Le «musée» conserve les variétés saines à titre d'assurance pour l'avenir (par exemple, 5 mètres linéaires par variété, à replanter tous les 3 ou 4 ans). Les variétés « foyers d'infection » seront détruites sans pitié.

Le circuit des variétés est illustré par le dessin ci-contre:


Circuit des variétés en sélection d'usine.

La sélection se fait en trois stades:

1er stade: présélection en collections de caractérisation.

Chaque année et sans délai, l'ensemble des variétés du groupe B est planté en deux collections,/'une suivant le calendrier du cycle précoce et l'autre celui du cycle tardif . Chaque collection comprend une ligne par variété en y incluant au moins deux témoins: toutes ces parcelles, d'environ 20 m linéaires, sont tirées au hasard à chaque plantation et bordées de deux lignes de protection de chaque côté. Dix mètres linéaires sont utilisables pour les boutures de plantations d'essais de première sélection, les autres étant destinés à la caractérisation variétale qui consistera en comptages, mesures, descriptions, notations, pesées, contrôles et analyses de trois échantillons successifs de cannes (par exemple, 4 semaines et 2 semaines avant récolte puis à la récolte) et pesée des cannes sur 10 m (en ajoutant les poids des échantillons).

Ces collections sont entretenues sur deux cycles au moins, car les mêmes observations sont à faire sur la 1 re repousse. Pour ne pas alourdir ces parcelles, le nombre de variétés B doit être maintenu à un niveau raisonnable, ce qui implique un excellent travail de caractérisation vers les groupes A et C. En pratique, on peut «traiter» un flux moyen allant jusqu'à 10 variétés nouvelles par an.

Le tableau VIII résume, en cinq niveaux très clairs, les observations qualitatives et quantitatives. L'exemple suivant, valable pour l'Afrique de l'Ouest, sera facilement adapté à d'autres régions où les critères à retenir seront en partie différents.

Les critères de 2 e importance , à résumer aussi en un tableau, pourraient être dans ce cas: facilité-rapidité de la levée, couverture du terrain et tallage, résistance au borer, nombre de cannes/ha (à la récolte), importance du ligneux (fibre), tolérance aux nématodes, fragilité des tiges (à la récolte) et sensibilité aux maladies foliaires.

Il est clair qu'au Maroc, par exemple, les critères n° 3, 5 et 12 de cette liste sont sans objet. A l'inverse, ceux de la résistance à la mosaïque et de la résistance au gel sont primordiaux. Au Sénégal, la résistance au sel et la résistance aux sols lourds sont des caractères de première importance. Très souvent, le mode de récolte influe sur le choix des critères, selon le degré de mécanisation pratiqué et selon le type de machines utilisé (Hawaii versus Louisiane par exemple). Il faut donc bien peser les critères essentiels pour chaque zone.

Les 8 tableaux annuels (2 cycles x 2 récoltes x 2 niveaux de critère), obtenus à partir des collections de caractérisation, contribuent peu à peu à la connaissance variétale que l'on résume sous forme d'un grand tableau à double entrée (une ligne par variété et les caractères sur autant de colonnes).
Tableau VIII Critères de 1 re (Afrique de l'Ouest)


Classement en 5 niveaux

1 - Vigueur en vierge (t.c.ha)

t. vig.

vig.

moy.

faible

t. faible

2 - Vigueur en repousse (t.c.ha)

t. vig

vig.

moy.

faible

t. faible

3 - Résistance au charbon

t. résist.

a. résist.

moy.

a. sens.

t. sens.

4 - Résistance au Leaf Scald

t. résist

a. résist.

moy.

a. sens.

t. sens.

5 - Fléchage à la récolte

t. fort

a. fort

faible

t. faible

nul

6 - Richesse en sucre

t. riche

a. riche

moy.

a. pauvre

t. pauvre

7 - Précocité - Tardivité

t. préc.

a. préc.

moy.

a. tard.

t. tard.

8 - Durée de période de maturation (PMI)

t. long..

a long.

moy.

a. courte

t. courte

9 - Port à la récolte

t. droite

a. droite

ouvert

couché

enchevêt.

10 - Poids d'une canne

t. grosse

a. grosse

moy.

a. fine

t. fine

11 - Facilité de l'épaillage

naturel

facile

moy.

a. diff.

t. diff.

12 - Tenue de la qualité après fléchage

t. longue.

longue

moy.

courte

nulle

13 - Tolérance à la sécheresse

t. résist.

a. résis

t. moy.

a. sens.

t. sens.

Cet inventaire permanent se précise progressivement, avec les résultats des stades suivants de la sélection. Une pré-sélection bien faite réduit considérablement le travail ultérieur de la sélection.

A l'issue de la présélection, les variétés sont des précoces possibles (bonne richesse et tonnage honnête), des tardives possibles (gros tonnage et très peu de fleurs) ou des variétés sans intérêt (groupe C): trop faible tonnage, trop basse richesse, sensibilité élevée à une maladie éliminatoire, etc. Notons qu'une variété pauvre en sucre qui fleurit beaucoup doit être classée en C à moins que son tonnage remarquable en fasse une mi-campagne potentielle (NCo 376). Les sujets riches, à bons tonnages et ne fleurissant pas, doivent être étudiés dans les deux cycles.

2e et 3 e stades: première et deuxième sélections

Le tableau IX résume les deux stades suivants de la sélection, réalisés aussi selon les cycles (pour la 2 e sélection, on peut ajouter, au besoin, un 3 e cycle de mi-campagne).

Tableau IX Sélection variétale


Première sélection

Deuxième sélection

Nombre de cycles étudiés

2

2 (ou 3)

Nombre de variétés par essai

max. 20 à 25

max. 7 à 9

Nombre de témoins par essai

2, doublés

1

Nombre de répétitions

4 (min. 3)

8 (min. 6)

Dispositif

blocs Fisher

blocs Fisher

Nombre de lignes utiles

3 (min. 2)

4 à 5

Nombre de lignes de bordure

Aucune

1 de chaque côté

Longueur utile des parcelles

5 à 7 mètres

6 à 10 mètres

Nombre de repousses à suivre

min. 1

min. 2

La qualité du travail de terrain doit être excellente: les essais sont trop chers pour les rater et les renseignements fiables sur les nouvelles variétés sont urgents à obtenir.

Toutes les boutures pour un essai, y compris celles des témoins, seront du même âge et proviendront d'une même parcelle (sinon, ne pas faire d'essai). On ne fera pas de replantations si ce n'est, à 45 jours, par souches entières avec sol et racines dans les «manques» de plus de 60 cm. Ne seront ainsi «sauvés» que les essais présentant peu de manques. Les autres seront annulés. En cette prévision, quelques mètres d'interlignes auront été plantés en supplément pour chaque variété. Des visites systématiques seront faites à 2 et 5 mois en vierge et à 3 mois en repousses, comme pour tous les essais , et les résultats seront classés dans le dossier agronomique de l'essai (à consulter sans faute à la récolte).

Un jugement chiffré sur les variétés, comparées entre elles et au(x) témoin(s), portera, à la récolte, sur:

1 - les rendements agricoles (t.c. ha) que l'on pondérera selon les cas:

· pour deux récoltes réalisées sur un cycle normal de 6 récoltes, la vierge sera pondérée à 1 et la repousse à 3;

· pour 3 récoltes sur 6, on utilisera les pondérations de 1 pour la vierge, 2 pour la 1 re repousse et 3 pour la 2 e repousse;

2 - le sucre blanc extractible pour cent cannes (S.E. % C) où, pour prévoir le rendement industriel, on prendra la formule (qui demande une pureté supérieure à 75):

Le coefficient 0.85 exprime la différence de propreté, de qualité et de fraîcheur entre un échantillon choisi au champ avant récolte et la canne tout venant livrée à l'usine (on peut admettre 0,88 en sucrerie de roux).

3 - la valeur comparative globale d'une variété pour laquelle la formule convenable n'a aucune signification (bien qu'elle soit parfois appelée «sucre économique», mais permet de donner un avantage mérité aux variétés plus riches:

Valeur d'une variété: t.c. ha (S.E. % C - 2) (et non S.E. % C - 4 ou pire S.E. % C-6).

Sans laboratoire d'analyse de cannes, on peut, à partir d'un Brix jus corrigé , admettre les formules suivantes:

- cas d'un échantillon d'au moins 6 cannes entières prises avant récolte de la parcelle (et passées si possible dans un petit moulin à 3 cylindres): S.E. % C = Brix 10,3;

- cas d'un échantillon pris après les coupe-cannes de l'usine: S.E. % C = 1,2 Brix 12,5.

Le résultat n'est certainement pas plus faux que celui, souvent utilisé, qui consiste à admettre: S.E. % C = A. Pol % C - K. ce qui demande déjà d'estimer Pol % C (il faut donc une analyse de laboratoire) et qui admet pour K (total des pertes en Pol) 2.0, 2.5, 2.8 OU 3.0 selon les performances de l'usine, le type de sucre produit et l'optimisme de l'utilisateur de la méthode, mais ne tient pas compte de la pureté (contrairement à celles proposées ci-dessus à partir du Brix). Le coefficient A varie, lui, de 0,85 à 0,90 en général (selon la propreté et la fraîcheur des cannes).

En cours de sélection (1 re ou 2 e), on vérifiera vite sur le terrain toute anomalie de résultats (rendements, analyses, etc.) et on en cherchera les causes, bien souvent accidentelles et indépendantes de la valeur de la variété. Tous les 3 ou 4 ans, on remettra en compétition du type essai de 2 e sélection, mais en variant les terrains, les nouvelles variétés ayant donné les meilleurs résultats lors des années précédentes. Après multiplication rapide, on essaiera ensuite en culture industrielle les sujets confirmés. Ces confirmations, indispensables pour éviter les déboires coûteux, ne doivent pas empêcher, quand on rencontre une variété très brillante, de lui faire sauter des étapes de cette sélection et d'en planter rapidement une parcelle industrielle ou deux.

2.7.4 - La reconnaissance des variétés et leur nomenclature

En pratique, on reconnaît facilement les variétés de cannes en culture. Les tiges (couleurs, diamètre, densité, port, forme des bourgeons, etc.) et les feuilles (port, souplesse, largeur, couleur, ochréa, ligule, gaine, poils, taches foliaires, chute naturelle, etc.) sont toujours typées. Mais il peut y avoir des doutes pour de nouvelles variétés. Plus en détail, il faut descendre à la pubescence des yeux et des gaines ou pratiquer une observation au microscope de l'épiderme. Une technique moderne in vitro , sûre et économique a été créée par l'IRAT-CIRAD et fait appel à l'électrophorèse (zymogrammes). Cela consiste à relever les «empreintes enzymatiques» des variétés en cause et à les comparer. On espère pouvoir bientôt, pour les quelques centaines de variétés les plus cultivées dans le monde, créer une banque évolutive de données pouvant être consultée à la demande.

La numérotation des «variétés» est en général la suivante: une lettre ou un groupe de lettres (sigle) indique le pays, la région, l'organisme ou la station de création puis deux groupes de chiffres précisent l'année (de semis ou de 1 re sélection) et le numéro d'ordre. Parfois, l'année manque et les numéros ne sont alors donnés qu'au moment où la variété est jugée apte à la culture (libérée). Enfin, certaines stations utilisent des mots particuliers.

L'International Society of Sugar Cane Technologists (ISSCT) coordonne et enregistre la répartition des sigles dans le Ci-dessous sont précisés les principaux sigles ainsi que les variétés très utilisées dans les années 1980-90 (celles soulignées ayant été très cultivées, aussi, en dehors de leur pays d'origine).

B (Barbade): B 52-298 , B 62-163, B 63-118 , B 69-566, B 74-541

BJ (Barbade-Jamaïque): BJ 70-28, BJ 74-65

BL (Barbade-Lyallpur, Pakistan): BL 4

BO (Bihar-Orissa, Inde): BO 70, BO 91

BR (Barbade-Romana, Rép. Dominicaine):

BT (Barbade-Trinidad): BT 64-134, BT 72-686

C (Cuba): C 87-51, C 819-67

CAC (College of Agriculture Cane, Philippines): CAC 57-60

CB (Campos, Brésil): CB 41-76, CB 47-355

Cl (Clewiston, Floride, USA): C1 59-1052, C1 61-620

Co (Coimbatore, Inde): Co 740 , Co 975 , Co 1148 , Co 62-175 , Co 63-04 , Co 68-06, Co 74-13, Co 77-17

avec, comme pour Barbade, CoA 76-02, CoC 67-1, CoJ 64 et CoJ 67, CoL (Pakistan), CoS 611, Cos 81-18, CoT 82-01

CP (Canal Point, USA): CP 70-321, CP 70-1133, CP 72-1210, CP 74-383, CP 79-318

D (Demerara, Guyana) et D.B. (avec graines de Barbade): D 141-66 , DB 156-56 , DB 66-113

EA (East-Africa, Kenya), EA 70-97

F (Formose, Taïwan): F 160 , F 177 (cf. Roc à partir de 1979)

F (anciennement Floride, abandonné)

FR (IRAT-CIRAD, France) depuis 1980: FR 80-234

H (Hawaii, USA): H 59-3775, H 62-4671, H 65-7052, H 68-1158, H 73-6110, H 74-1715

HJ (Hawaii-Jamaïque): HJ 57-41

IAC (Instituto Agronomico de Campinas, Brésil): IAC 51-205, IAC 64-257

JA (Cuba): JA 60-5, JA 64-11

Kw ou ks (Kwt, Kwangtung ou Kws, Kwangsi, Chine): Ks 54-143

L (Louisiane, USA), L 62-96 , L 66-79

M (lle Maurice): M 574-62, M 3035-66, M 1049-70

Mex (Mexique): Mex 55-32, Mex 57-473, Mex 69-290

My (Mayari, Cuba): My 54-65, My 54-129 (idem UCW), série terminée

N (Natal, Afrique du Sud): N52-219, N14, N17

NCo (Natal avec graines de l'Inde): NCo 310 , NCo 376

Na (Norte-Argentina): Na 56-79 , Na 63-90

NG (clône d'origine Nouvelle Guinée + année de la collecte)

Phil (Philippines): Phil 56-226 , Phil 58-260

POJ (Proefstation Oost Java, Indonésie): POJ 28-78

PR (Porto Rico): PR 61-632 (auparavant: PR 1007 , etc.)

Ps (Pasuruan, Indonésie): Ps 41, Ps 56, Ps 59

PT (Ping-Tung, Taïwan): PT 51-204

Q (Queensland, Australie): Q 96 , Q 135, Q 136

R (Réunion, France): R 570 , R 574

RB (République du Brésil): RB 72-454, RB 76-5418

ROC (République de Chine, Taïwan): ROC 1, ROC 9, ROC 10

SES ( Sacch. spont . indiens) non commerciaux

SP (Sao Paulo, Brésil): SP 70-1143, SP 71-1406, SP 71-6163, SP 75-3046, SP 79-1230

TUC (Tucuman, Argentine): TUC 67-24, TUC 68-19, TUC 77-42

U.S. ( Sacch. non commerciaux, Etats-Unis): US 1694, US 67-22-2

Pindar, Ragnar, Pelorus (CSR, Australie)

Bourbon, Louzier, Rat gros ventre, Rose bambou, etc.: Sacch. Offic . (Nobles).

2.7.5 - La conservation des variétés et les échanges

Les variétés sont conservées dans des collections plus ou moins importantes dans chaque pays. Des collections «mondiales» existent aux USA (en Louisiane), au sud de l'Inde (à Coimbatore) et maintenant au Brésil. De plus, certains pays conservent les sujets provenant des expéditions de sauvegarde des gènes réalisées en Nouvelle Guinée. L'ISSCT joue pour cela un rôle actif.

Une méthode récente, en cours de mise au point par l'IRAT-CIRAD, consiste à conserver, in vitro , le matériel commercial et génétique. Ces vitrothèques utilisent, pour le moment, une douzaine de tubes à essai par variété. Si la culture in vitro a été réalisée à partir de produits sains, les variétés peuvent être expédiées ailleurs sous cette forme, ce qui gagne beaucoup de temps par rapport à l'expédition par boutures (à passer ensuite en quarantaine). La remise en culture, à partir de tubes, demande une technicité élevée. Cela s'apprend.

Du fait de la gravité potentielle de nombreuses maladies de la canne, les échanges (ou envois) de variétés se font toujours en y associant étroitement des phytopathologistes spécialisés en canne à sucre. Le pays receveur doit exiger du pays donneur un certificat phytosanitaire. Mais cela ne suffit pas et il vaut mieux ne s'adresser qu'aux organismes les plus sérieux. En tout état de cause, la canne «valise» est à proscrire, même si c'est le cadeau d'un personnage très haut placé.

2.8 - Les maladies et les ennemis

Les maladies et les ennemis de la canne sont très nombreux et souvent très graves. Ce livre ne peut donc en donner qu'un aperçu. Il conviendra d'alerter de bons spécialistes en cas de besoin.

2.8.1 - Les principales maladies

Le tableau X est un résumé sur les maladies de la canne normalement considérées comme les plus graves mais il en existe plusieurs dizaines d'autres dont certaines peuvent être dramatiques selon l'occasion. Les maladies sont causées par:

- des champignons : CHARBON, MILDIOU, POURRITURE ROUGE, ROUILLE
- des bactéries : ÉCHAUDEMENT, GOMMOSE, RABOUGRISSEMENT
- des virus : MOSAIQUE, MALADIE DE FIDJI

Tableau X Données de base sur quelques graves maladies de la canne

Agent causal et noms communs

Nom scientifique

Existence de races distinctes

Autres plantes hôtes

Répartition géographique (plus grave en climat)

Principaux symptômes

Modes de transmission

Méthodes de lutte utilisées








Variétés des résistantes (tolérantes)

Bain des boutures à l'eau chaude

Désinfection des couteaux

Arrachages sanitaires

Pépinières saines

Réduction du nombre repousses

Champignon Charbon, smut, carbon, carvao

Ustilago scitaminea

Oui

Quelques graminées

Sauf Australie et Îles voisines (secs et chauds)

Fouet sommital noir, tiges longues et fines, surtallage, nanisme

Boutures, spores, terre

Oui (*)

20 min 52-54° ou 30 min 50°

Non

Oui, si peu de cas, précoce

Oui

Oui

Champignon Mildiou, downy mildew, anublo lanoso

Sclerespora sacchari Glomerella

Autres espèces possibles

Graminées, maïs, sorgho

Australie, Chine, Taiwan, Philippines (secs et frais)

Stries pâles, duvet blanchâtre sur face inférieure des feuilles, rabougrissement

Boutures, spores

Oui (*)

2 h à 50°

Non

Oui, précoce

Oui

Oui

Champignon Pourriture rouge, morve rouge, red rot muermo rojo

Physalospora tucumanensis (colletotrichum falcatum)


Genres voisins

Monde entier (humides et frais)

Taches rouges sur nervures médianes supérieures, tiges rougies, avec peu de sucre, levée boutures médiocre

Boutures, vent blessures, insectes

Oui (*)

Vapeur 2 h à 54 0 eau chaude

Non

Non

Oui

Oui

Champignon Rouille, rust, roya, ferrugen

Puccinia melanocephala

Oui


Afrique, Am. Latine, Asie

Petites taches jaunes devenant oranges, pour occuper toute la surface du limbe réduction sensible du tonnage

Boutures, spores et vent

Oui

Inutile

Non

Non

Non

Non

Bactérie Echaudement, leafscald escaldadura.

Xanthomonas albilineans

Oui

Graminées poacées

Pratiquement partout

Lignes et feuilles blanches, feuillage en forme de, coupe, départ des ailerons

Boutures, couteaux, bineuses, coupeuses etc.

Oui

48 h à 20-25° puis 3 h à 50° (en station)

Oui

Oui

Oui

Non

Bactérie Gommore, gumming, diseuse, gomosa

Xanthomonas vasculorum

Oui

Trois palmiers Tripsacum Thysanolaena

Assez répandue en zones venteuses mais a disparu de certains pays

Stries foliaires jaunes se nécrosant ensuite, gomme

Boutures, couteaux, contact des feuil les vent

Oui

Possible mais peu courant

Rarement utile

Non

Non

Non

Bactérie Rabougrissement des repousses, ratoon stunting disease, RSD, raquitismo das soqueiras

Clavibacter xyli (corynobactérie)


Nombreuses graminées, sorgho

Probablement partout (zones sèches et fraîches)

Aucun symptôme visible (virgules rouges au niveau des nœuds, parfois), réduction des tonnages de canne

Boutures, couteaux de coupe, coupeuses

Tolérantes; doutes sur immunité possible

3 h à 500 Si répétée tous les ans 2h à 50,5°

Oui

Non par manque de symptômes

Oui

Oui

Virus, mosaïque, mosaic, mosaico

Sugarcane mosaïc virus (SCMV) (potyvirus)

Oui

Nombreuses graminées, sorgho, maïs, etc.

Plus fréquent et grave en zones tempérées ou à saison fraîche (altitude) Guyana, Maurice, Africa de l'Ouest indemnes

Petites taches allongées, irrégulières, non nécrosées, vert-jaune ou vert foncé sur fond clair, visibles sur jeunes feuilles placées à l'ombre, reduction de toute la plante

Boutures, divers pucerons (P. maïdis)

Oui (*)

Seulement en laboratoire (bains successifs chauds)

Non

Oui

Oui

Non

Virus, maladie de Fidji , Fidji disease, Fidji

Fidji disease, Virus (FDV) (Fidji virus)



Australie, Fidji Philippines, Thaïlande, Madagascar (Côte Est?.)

Petites galles jaunes et allongées sur face inférieure jeunes feuilles apoplexie générale, départ et mort des ailerons, feuilles courbes, dressées et déformées

Boutures, insectes du genre Perkinsiella

Oui (*)


Non

Oui

Oui

Oui

(*) Obs. - Divers pays interdisent les variétés jugées trop sensibles. Tous les pays réglementent le transport des boutures.

Le tableau X (pp. 63 à 65) montre certains faits majeurs.

- Les boutures peuvent véhiculer toutes les maladies citées, d'où l'importance de bonnes stations de quarantaine d'une part et de pépinières saines d'autre part.

- La lutte comporte toujours l'utilisation de variétés résistantes d'où l'intérêt de leur obtention et de leur sélection. Mais elles peuvent être sensibles à d'autres maladies que celle combattue ou même à d'autres races de cette maladie. Elles peuvent aussi être tolérantes et donc porteuses de la maladie et dangereuses pour les autres variétés.

- La lutte, soit curative (bains chauds), soit préventive (désinfection des couteaux, arrachages sanitaires), est réservée aux seules pépinières.

- Sauf exception de la maladie de Fidji et peut-être de la rouille, ces maladies ont toujours des hôtes alternatifs , ce qui renforce la difficulté de l'élimination totale d'une maladie une fois qu'elle est apparue dans une région nouvelle.

- Les symptômes des maladies sont décrits dans le tableau de façon très résumée. En fait, ils sont plus complexes et peuvent prendre des formes plus ou moins typiques. En outre, des confusions sont possibles entre maladies, accidents végétatifs, piqûres d'insectes, carences alimentaires et effets de produits chimiques, herbicides notamment . Il convient donc d'être prudent dans le diagnostic et davantage se fier, sur le terrain, à la répétition de symptômes suspects et probables qu'à un cas très visible mais unique. Au laboratoire, les spécialistes font beaucoup appel, pour les virus et les bactéries, aux diagnostics sérologiques.

Les plus citées, parmi les autres maladies de la canne, sont les suivantes.

Maladie du charbon

En haut:


25. A gauche, fouet bien développé


26. A droite, début de charbon (couvert)

Ci-contre:


27. Touffe très atteinte


28. Rouille


29. Echaudement.


30. Début de mosaïque.


31. Mosaïque.


32. Quarantaine de l'IRAT-CIRAD à Montpellier.


33. Station de traitement des boutures à la chaleur (Borotou, Côte d'Ivoire).


34. Larves d'Hoplochelus marginalis, ver blanc de la Réunion.


35. Dégats de borers: Diatraea S. et Castnia L. en Guyane.


36. Termitière géante du Cameroun (N'Koteng).


37. Agressivité des termites sur jeunes cannes (Camsuco).

Champignons: fusarioses (wilt et Pokkah Boeng), maladie de l'ananas, pourriture des racines, sclerophtora (balai de sorcière), taches jaunes (cercospora), brûlure de la feuille (leaf scorch), iliau, taches brunes (brown stripe), taches ocellées (eye spot), pourriture et taches rouges des gaines.

Bactéries: stries rouges (red stripe), rayure bigarrée (mottled stripe), bigarrure bactérienne (bacterial mottle).

Virus: stries chlorotiques (chlorotic streak), feuille blanche (white leaf), grassy shoot (balai de sorcière), dwarf (nanisme), streak, striate mosaic.

2.8.2 - La lutte contre les maladies en sucrerie de cannes

La lutte contre les maladies de la canne est inséparable de la sélection variétale. Cette lutte est basée sur certaines règles auxquelles il est très payant d'obéir.

1 - Ne pas introduire de nouvelles maladies ou de nouvelles races de maladies: utiliser les seuls envois d'une quarantaine très sérieuse (mentions spéciales peuvent être faites de celles de l'IRAT-CIRAD à Montpellier et de l'USDA à Beltsville), et respecter les zones à l'intérieur desquelles la circulation des boutures peut se faire librement (zones phytopathologiques).

2 - Réaliser des inventaires périodiques des maladies existantes et garder constamment à l'esprit les caractéristiques des maladies les plus graves ainsi que les principales méthodes de lutte.

3 - Lutter de façon d'autant plus intense et donc chère contre les maladies que la surface en cause est plus réduite, ce qui amène, automatiquement, à pratiquer la méthode des pépinières en cascade.

4 - Maintenir les pourcentages d'infestation par les graves maladies à un niveau tel que la variété la plus sensible ne pourra subir que des pertes financières minimes en fin de cycle (à la dernière repousse). Ceci veut dire qu'il faut éliminer de la culture les variétés qu'on ne pourrait pas maintenir en état correct jusqu'à la dernière repousse, du fait d'une maladie: on s'expose tôt ou tard à de très grosses pertes financières en prétendant «vivre très bien avec telle ou telle maladie».

5 - Assortir la lutte dans les pépinières de comptages systématiques de degrés d'infestation en sondages, à réaliser sans arrachages dans les parcelles de la culture commerciale, de façon à bien surveiller l'évolution chiffrée des maladies les plus dangereuses. Ces comptages se font une fois par an, par sondages au 1/20° ou même au 1/50° (on contrôle alors les lignes entières n° 10, 30, 50, etc., ou les n° 25, 75, 125, etc.).

6 - Enregistrer, dépouiller, résumer et comparer soigneusement tous les chiffres de comptages (avec ou sans arrachages) obtenus sur les différentes variétés et sur toutes les parcelles, quelles qu'en soient la nature, la dimension et la localisation. Des fiches de terrain et de bureau seront mises au point et utilisées.

L'exemple de lutte contre les maladies , tel qu'il est résumé dans le tableau XI, illustre également le système des pépinières en cascade qui est valable pour de nombreux pays (d'Afrique et d'Amérique Latine notamment), atteints, à la fois, des graves maladies suivantes: charbon, échaudement, rabougrissement et mosaïque. La surface totale industrielle a été supposée de 5000 ha en gestion directe, pour un cycle de 5 récoltes en 5 ans. Pour des cycles et des surfaces différents, l'adaptation du tableau est facile.

Ce tableau mérite certains commentaires.

Les pourcentages d'infestations se calculent à partir du comptage des touffes existantes lors du premier contrôle ou s'estiment en admettant deux touffes au mètre linéaire, soit 13000 touffes par hectare (à 1,50 m d'écartement et en tenant compte de quelques manques à la levée). On peut aussi compter le nombre de cas de maladie par hectare.

Les rogueings doivent être faits le plus tôt possible: commencer dès l'âge de 2 mois et poursuivre à 2 semaines d'intervalle tant que l'infestation n'aura pas été ramenée à des chiffres négligeables. Ainsi, l'infestation secondaire sera très freinée (en cas de forte infestation de mosaïque, éviter de planter au début ou en pleine saison des pluies, car les insectes vecteurs sont alors plus actifs), le repérage et l'arrachage seront beaucoup plus faciles, rapides et bon marché et la récupération sera plus importante, par tallage des touffes saines voisines;

Pour rendre intéressantes les comparaisons (dans le temps et dans l'espace), il faut réaliser les sondages à la même époque de l'année et sur des cannes ayant toujours le même âge. A 3 mois, les symptômes sont bien visibles.

La mauvaise levée des pépinières , plus fréquente pour les primaires (dont les boutures ont subi le traitement long) ne peut se corriger qu'en faisant subir aux boutures de remplacement les mêmes traitements à la chaleur. On peut aussi planter dans les interlignes un supplément de boutures en vue de réaliser des transferts de souches entières le cas échéant. Le plus sûr pour les primaires est d'utiliser des cannes relativement âgées (yeux mieux aoûtés), de mettre une double file continue de boutures, de soigner la plantation, de prévoir assez large en surface (coefficient d'utilisation faible) mais de ne pas replanter.

La désinfection des couteaux limite la recontamination, plus rapide qu'on ne le pense, de l'échaudement et du rabougrissement à l'intérieur des pépinières Cette désinfection se fait en plongeant le couteau pendant 1/2 minute (2 couteaux serviront alternativement) dans un récipient assez profond muni d'une anse et rempli en permanence d'une solution de formol à 25 %, de lysol à 0,5 % ou d'un mélange ammonium quaternaire-formol à 1 %.

Par désinfection totale des couteaux, on entend une désinfection des couteaux faite au moins trois fois par touffe individualisée (coupe de la pépinière) et au moins une fois par canne quand il y a eu mélange (coupe des boutures sur la parcelle à planter, soit en tas, soit le long des sillons). Elle ne ralentit qu'à peine le travail. La désinfection partielle des couteaux, qui n'a que très peu d'effet, consiste à ne l'exiger que toutes les heures et aux reprises du travail.

Les traitements à la chaleur conseillés en usine sont de 2 heures à 50° 5 pour le long et de 20 minutes à 54° pour le court (après remontées en température).

Ces durées, plus courtes que celles demandées par les spécialistes, rendent les traitements plus économiques sans abaisser du tout, en pratique, l'état sanitaire des boutures traitées (du fait de traitements répétés tous les ans et de la désinfection des couteaux).

Un traitement protecteur à température ambiante suit toujours le traitement chaud. La solution utilisée pour un bain de 3 à 5 minutes est à base, soit de benomyl, soit de triadimefon, produits systémiques très actifs contre le charbon.

Ces traitements se pratiquent d'habitude avec des cannes que l'on épaille et coupe en boutures sur la station. La station est située près de l'usine pour profiter de l'eau et de l'énergie. Le volume de l'eau doit être de 6 fois au moins celui des boutures et la pompe doit faire circuler l'eau 6 fois par heure.

Tableau XI Contrôles sanitaires annuels sur une plantation équilibrée de 5000 hectares

Les maladies contrôlées sont désignées par les majuscules suivantes: C pour charbon, E pour échaudement, M pour mosaïque, R pour rabougrissement et D pour diverses ou suspectes.

Les boutures plantées sont exclusivement des cannes vierges récoltées sur des pépinières qui ont été elles-mêmes plantées environ un an avant: les parcelles industrielles sont plantées avec des vierges de tertiaires, les tertiaires sont plantées avec des vierges de secondaires, etc.

Les pépinières primaires (cycle de 2 ans) et secondaires (cycle de 3 ans) sont situées au centre des plantations, près de la station de traitement des boutures.

Les tertiaires sont réparties à proximité des parcelles industrielles qu'elles permettront de planter (pépinières industrielles).

Nature des parcelles

Renseignements sur la plantation de ces parcelles

et sur leur utilisation

Travaux sanitaires en cours d'année


Surface totale à planter par an

Provenance des boutures

Traitement des boutures à la chaleur

Désinfection des couteaux

Parcelles à planter avec ces pépinières

Désinfection des couteaux sur la pépinière

Rogueings par arrachage ou destruction des touffes atteintes

Sondages au 1/20 e (ou au 1/50 e)

Observations sur les rogueings et les sondages. L'unite de comptage est toujours la touffe

1 - PÉPINIÉRES primaires (surfaces au prorata de l'intérêt des variétés)

± 4 ha (max, 5 ha)

Pépin.primaires de l'année précédente (+ collections d'introductions)

Long (C.R.D.) (toutes les variétés)

Totale (E.R.D.)

Pépin. primaires et secondaires de l'année suivante + collections et petits essais

Totale (E.R.D.)

6 à 7 fois par an (C.E.M.D.)

Non

Réduire le nombre de rogueings sur les variétés résistances

Secondaires (surfaces au prorata...)

± 16 ha (max. 20 ha)

Pépin. Primaires de l'année précédente

Court (C.) (toutes les variétés)

Totale (E.R.D.)

Pépin. tertiaires et tous essais

Totale (E.R.D.)

5 à 6 fois par an (C.E.M.D.)

Non

Idem

Tertiaires (au prorata...)

100 à 110 ha (max. 120 ha)

Pépin. secondaires de l'année précédente

Court (C.) (variétés sensibles)

Partielle (E.R.D.)

Parcelles industrielles voisines

Partielle (E.R.D.)

4 à 5 fois par an (C.E,M.D.)

Non

Augmenter le nombre de rogueings sur variétés assez atteintes de C.,E. ou M., abandon des pépinières trop atteintes (ou des variétés)

2 - REPOUSSES DES PÉPINIÈRES CENTRALES (prim. et second.)

1re R. primaires + 1 re et 2 e Rep. second: 36 ha

-

-

-

Utilisables, en cas de besoin pour prim., second ou tertiaires, si très bien suivies

Selon

5 à 6 fois par an sur variétés sensibles (C.E.M.D.)

1 par an sur variétés résistante

Maintenir saine l'en semble de la pépinière centrale dont surface totale est ici:
2 x 4 + 3 x 16 = 56 ha

3 - PARCELLES INDUSTRIELLES Cannes vierges

890 à 900 ha

Pép. tertiaires de l'année précédente

Non

Partielle (E.R.D)

-

-

Seulement p. charbon en cas d'épidémie (de 4 à 8 passages)

oui: 1 seul à 3-4 mois (C.E.M.) (au 1/20°)

Ajouter, pour le char bon, le comptage des fouets à celui des touffes

Repousses
qui comprennent celles des tertiaires)

(1 000 ha)

-

-

-

-

-

Idem

Idem

Compter les cas de charbon par touffes et par fouets. Ne sonder que les variétés un peu sensibles à 1 maladie au moins (C.E.M.)

Repousses

(1 000 ha)

-

-

-

-

-

Idem

Idem (au 1/50°)

Idem

Repousses

(1 000 ha)

-

-

-

-

-

Idem ou labourer

Idem (au 1/50°)

Idem

Repousses

(1 000 ha)

-

-

-

-

-

Idem ou labourer

Idem (au 1/50°)

Idem

Surface totale: 5056 ha









A noter enfin que toutes ces manutentions exposent les boutures à de multiples blessures pouvant provoquer la mort des yeux, alors que les soins prodigués rendent les boutures plus tendres et plus sensibles aux blessures. Il conviendra de toujours manipuler les boutures avec d'infinies délicatesses.

2.8.3 - Les ennemis les plus fréquents (ravageurs et prédateurs)

Les ennemis sont en général plus spécifiques de certaines zones géographiques que les maladies. Il n'est donc pas possible, ici, d'entrer dans le détail des espèces et même des genres qui sont rarement les mêmes d'une région à une autre. En 1953, une liste mondiale d'ennemis de la canne comprenait 1168 espèces, dont 462 coléoptères, 333 hémiptères, 265 lépidoptères, etc.

En exceptant tous les ravageurs occasionnels (gros mammifères, oiseaux, etc.) ou trop peu spécifiques de la canne (sauterelles, etc.), le classement se fera ici selon la partie de la canne attaquée.

1 - Ennemis du système racinaire

- Coléoptères (scarabéides et dynastides): vers blancs ( Heteroligus melies au Nigéria, Eulepida baumanni au Burkina Faso, Hoplochelus marginalis à la Réunion, etc.).

Ce sont des hannetons et des scarabés dont l'habitat préféré se trouve en zones plutôt sèches et en terres légères ou volcaniques. Les dégâts varient selon les espèces (larves et/ou adultes) et concernent les racines (sectionnées et consommées). La lutte est agronomique (irrigation, soins à la culture, travail du sol, réduction du cycle), chimique (efficace mais chère et avec danger de déséquilibres biologiques) ou biologique (scolies et maladies, par exemple les mycoses à Beauveria à la Réunion).

- Homoptères (cicadidae): cigales ( Yanga guttulata de Madagascar) et Mahanarva posticata ou froghopper d'Amérique latine.

Les larves piquent et aspirent la sève brute des racines. Le même genre de lutte est utilisé.

- Isoptères: termites qui attaquent les boutures, les racines et même les tiges sur pied (grâce aux trous de borers) et construisent des monticules qui peuvent beaucoup gêner la mécanisation des travaux.

Les dégâts sont surtout en zones et périodes sèches et la lutte, surtout chimique, mais avec une bonne connaissance de la biologie des termites (Cameroun par exemple, RCA et Congo).

- Nématodes: dégâts très graves, à la longue, en terres légères et en régions sous-arrosées, surtout sur vierges et 1 res repousses.

La lutte chimique est efficace mais coûteuse. La lutte agronomique se fait par rotation des cultures (engrais verts dont certains sont résistants aux nématodes locaux de la canne) ou par incorporation de fortes doses de sous-produits d'usine (mélasse surtout).

2 - Insectes piqueurs des feuilles et des tiges

Ils ne sont à redouter qu'en cas de pullulation intense ou s'ils transmettent de graves maladies:

- nombreuses cochenilles dont l'espèce cosmopolite, Sacharicoccus sacchari , ou c. rose (farineuse) freine la croissance de cultures déjà médiocres et réduit fortement la levée des boutures;

- Perkinsiella saccharicida (cicadelle) qui transmet la maladie de Fidji et peut aussi abaisser les rendements;

- pucerons (Aphis maïdis et autres) qui propagent la mosaïque.

Lepidoptères foreurs des tiges ou «borers»

Les borers sont le principal ennemi de la canne . On estime les pertes totales à 10% de la récolte mondiale. Ils sont très nombreux, plus graves en climats peu favorables à la maturation et s'attaquent:

- aux entrenœuds de la tige: borers ponctués ( Diatraea spp. , Chilo spp., Eldana saccharine ); ce sont les plus fréquents et les plus graves; à citer aussi le borer géant ( Castnia licus ); - au sommet végétatif: borers roses, borers du sommet ou «top borers»,

· soit de cannes adultes ( Scirpophaga spp., Diatraea spp .),
· soit, plus visible mais sans gravité, de jeunes tiges ( Sesamia spp.; Diatraea spp.; Chilo spp .);

- aux nœuds, par des galeries annulaires cassant les tiges (Argyroploce).

On estime ainsi les infestations par les borers des tiges:

- pourcentage d'infestation: tiges attaquées % tiges;
- degré d'intensité de l'infestation: entrenoeuds attaqués % nombre total d'entrenœuds.

Les pertes de sucre dues aux borers de la tige s'estiment généralement à 2 ou 4 % si le nombre d'entrenœuds attaqués est de 4 ou de 8 % au moment de la récolte. Au-delà de 10 % d'intensité d'infestation, la perte devient probablement plus que proportionnelle par perte de cannes cassées et laissées à la récolte et par abaissement du taux de saccharose dans les tiges. Le taux d'équilibre dépend surtout du climat. A 2 % ou 3 %, il devient inutile d'organiser une lutte spécifique.

La lutte est difficile car le borer, aidé par sa très grande fécondité, est protégé par la tige où il se loge et par les stades très variés des parcelles de cannes voisines. Trois types de lutte sont utilisés.

a. La lutte agronomique qui consiste à ne planter que des boutures exemptes de borers ou traitées contre eux (bains à l'eau chaude), à éliminer les hôtes végétaux (mauvaises herbes et débris de canne après la récolte), à raccourcir légèrement les cycles annuels (âges des cannes) et à employer des variétés moins attaquées (dites résistantes), ou qu'elles soient plus dures ou qu'elles disposent d'une autre protection naturelle. Il n'a jamais été prouvé que le fait de brûler les pailles avant la récolte avait la moindre influence sur le taux de borers.

Le piégeage lumineux nocturne, quand il est possible, est réservé à l'alerte au traitement chimique ou aux lâchers de parasites.

b. La lutte chimique qui, en l'absence d'insecticides spécifiques systémiques et à longue durée d'action (on conçoit la difficulté de trouver de telles molécules), ne s'utilise valablement que dans deux situations: le traitement des boutures et l'épandage d'insecticides, lequel peut contrôler le développement des premières générations de Diatraea sp . dont les papillons adultes émergent de façon très groupée après un hiver particulièrement froid: cas de la Louisiane.

c. La lutte biologique , quoique plus complexe, est la voie choisie en général par les entomologistes car elle déplace, au détriment du borer, son équilibre biologique. En favorisant les divers ennemis du borer, on cherche à augmenter un tant soit peu sa mortalité, ce qui entraîne alors une différence considérable dans l'infestation. Ce mécanisme joue sur la grande fécondité du borer. Schématiquement, si n papillons femelles pondent chacun par exemple 100 œufs et fournissent n papillons femelles au bout d'un cycle (équilibre biologique), une augmentation de la mortalité de 4 environ (passant par exemple de 98,0 % à 98,4 %), fera qu'il n'y aura plus que 0,8 n femelles au bout du cycle, soit une réduction de 20 % de l'infestation et donc des dégâts. Ces modifications peuvent donc être rapides et importantes (d'ailleurs dans les deux sens).

Les ennemis naturels du borer sont principalement les fourmis et les parasites des oeufs et c'est souvent leurs bonnes activités qui règlent le niveau d'attaque des borers. Pourtant, ce sont des insectes que l'on a introduits, multipliés et lâchés, avec des résultats très variables. Ces travaux sont réalisés par les stations de recherche, souvent relayées par les services agronomiques des grandes sociétés sucrières. Un essai de désinfection totale du sol au bromure de méthyl (Burkina Faso) a éliminé nématodes et fourmis: la canne a doublé son rendement mais l'infestation par le borer est passée de 3 % à 30 %! Il convient donc de se méfier des traitements chimiques réalisés avec des produits trop violents, surtout s'ils ne sont ni localisés, ni enfouis (par exemple par avion).

4 - Chenilles défoliatrices

Deux familles de chenilles phyllophages sont à citer: les Noctuidae qui dévorent très vite les limbes (nervures centrales exceptées) puis disparaissent et les Pyralidae, moins voraces, qui déforment les feuilles. La lutte, essentiellement chimique, est rarement efficace et payante car trop tardive.

5 - Les rats

Les pertes dues aux rats peuvent être considérables dans certains pays. Les pertes indirectes aussi sont importantes: cannes cassées qui sècheront et pourritures et infestations secondaires à partir des blessures.

Les espèces en cause sont nombreuses et variées. Les rats préfèrent les cannes sucrées et peu ligneuses. Ils se réfugient dans les abords abandonnés des champs de canne (ruisseaux, pierres, broussailles, etc.). Quand il y a des rats dans les cannes, il y a souvent aussi des serpents qui s'en nourrissent. Les rats consomment les entrenoeuds situés à leur hauteur (près du sol), mais certaines espèces peuvent grimper le long des cannes pour dévorer, sur pied, la base du bout blanc (cas du Mali).

La lutte ne peut réussir à bon compte que si l'on connaît très bien la biologie et les habitudes des espèces en cause dans le lieu donné. On épand surtout des appâts empoisonnés (graines, sachets nutritifs), soit en vrac, soit au bord des champs ou sur les lieux de passage. Les produits, outre l'agent appétent, sont à base de phosphure de zinc, de sulfate de thalium, de coumarine (anticoagulant), etc. Mais on utilise aussi des produits encore plus dangereux, endrine et autres, pour lesquels de très grandes précautions sont à prendre.

2.9 - Le choix des cycles de culture

2.9.1 - Nécessité d'équilibrer la culture et d'en schématiser les cycles

Le climat surtout, les sols ensuite, commandent partout les calendriers agricoles à utiliser en culture de canne . C'est le climat qui impose la période de campagne et sa durée approximative, les époques favorables ou acceptables pour plantations et les âges des cannes convenant le mieux à leur récolte. Pour les sols, ce sont leurs qualités de portance et les profondeurs d'enracinement de la canne qu'ils permettent qui rendent possible ou non l'allongement de la campagne après le retour des pluies.

Une des conditions de base pour obtenir de bons résultats financiers (et techniques) en culture de canne est d'avoir, tous les ans, les mêmes charges de travail (surfaces à planter et à récolter, tonnages à traiter, etc.), et des délais constants pour les réaliser . La culture est alors «équilibrée».

On appelle cycle de culture, le calendrier agricole global qui, en culture équilibrée, situe les principales opérations de la vie d'une parcelle depuis sa plantation en année x jusqu'à sa replantation suivante en année x + n. Le cycle est alors de n années.

Il est très utile de représenter ce cycle par un schéma dont le modèle, simple à établir, rapide à interpréter et valable en toutes circonstances, permet alors la simulation complète de la culture et donc sa mise au point, sa programmation et sa conduite les plus efficaces.

En fait, on utilise en général deux cycles mais aussi trois, selon le nombre de groupes variétaux dont l'emploi s'avère nécessaire: cycle des variétés précoces et des tardives (+ milieu de campagne), ou cycles a, b (et c).

2.9.2 - Quelques cycles de culture et leurs schémas

Sont donnés ci-après des exemples de cycles mis au point pour quelques pays d'Afrique noire, soit d'Ouest en Est, le Sénégal, la Côte d'Ivoire, le Cameroun et le Kenya.

Pour dessiner les schémas de ces cycles, on a supposé par commodité que les rendements agricoles étaient constants tout au long du cycle, ce qui est une approximation admissible car elle n'entraîne qu'un minimum de différences dans les calendriers des récoltes. Grâce à cela, les tonnages de cannes, les surfaces correspondantes et les délais pour les récolter sont alors tous proportionnels entre eux et donc représentés sur le schéma par les mêmes symboles graphiques.

Sur ce schéma , on suit à la fois:

- la vie d'une parcelle , depuis sa plantation jusqu'à sa replantation ultérieure, un cycle plus tard;

- le déroulement des campagnes , c'est-à-dire l'ordre dans lequel les différents groupes de parcelles sont récoltés (variétés précoces ou tardives, vierges et chaque repousse).

Ce déroulement a été calculé de façon que les âges des cannes (en mois), à leurs dates de récolte, permettent toujours une bonne croissance et une bonne maturation. De même, des délais suffisants de préparation du sol après dernière coupe ont été prévus et intégrés aux schémas. Ces délais ont parfois imposé de modifier le déroulement normal du cycle: par exemple, sur le cycle de Côte d'Ivoire (voir figure), la coupe de la dernière repousse du cycle b a été avancée de 0,5 mois de façon à disposer, en moyenne, de 1,5 mois avant la replantation. On voit que toutes les conséquences sur le cycle sont acceptables Tous les éléments en cause doivent être bien pesés avant de choisir le cycle de culture qui convient le mieux à un lieu donné.

Pour ceux qui n'ont pas l'habitude de ce schéma, il faut avoir présent à l'esprit qu'il est valable en permanence: l'année suivante, par exemple, les mêmes surfaces seront plantées et récoltées aux mêmes époques mais ce ne seront plus les mêmes parcelles qui, elles, auront vieilli d'un an (et seront donc décalées d'une ligne vers le bas du schéma).

Richard Toll . Dans ce climat sahélien à saisons très contrastées, la canne «fatigue» vite et la récolte est annuelle. Elle peut durer 7,5 mois. Malgré une croissance très rapide, la maturation est excellente. La formule canne sur canne serait la bonne mais la salure (des sols, de la nappe et de l'eau d'irrigation) impose souvent un lessivage avant replantation des parcelles.

La longue durée de la campagne et la difficulté de trouver des variétés de bonne maturation en fin de campagne font qu'il vaut mieux utiliser 3 cycles. Seul le cycle précoce (a) serait annuel (canne sur canne). On lui réserverait les sols les moins lourds (moins salés aussi), aptes à une maturation plus précoce des cannes. Les 2 autres cycles (b. mi-saison et c, tardif) seraient ici de 5 récoltes en 6 ans, l'année étant utilisée au dessalement des sols et à l'obtention de cannes plus âgées et donc plus productives (12,5 mois au lieu de 11,5 mois sur toutes les repousses).


Richard Toll, Sénégal (latitude 16,5°N). Culture irriguée.

Ferkéssédougou. Dans ce climat soudanien à saisons contrastées (températures, pluies, humidité de l'air), la canne «fatigue» vite et la récolte doit être annuelle. Elle peut durer 5 mois. La grande irrégularité des pluies et l'aridité du climat en saison sèche rendent très utile une irrigation de complément. La formule intensive canne sur canne est bien adaptée et la maturation sera très bonne, même pour des cannes de moins de 12 mois.

Deux cycles devraient suffire avec en a les variétés précoces et qui peuvent fleurir et en b les variétés tardives (incluant les mi-campagnes) qui doivent fleurir le moins possible. A cette latitude, peu utilisée dans le monde sucrier, la canne fleurit beaucoup et la sélection de bonnes variétés tardives pose problème (rendu plus difficile encore avec l'élévation des températures minimales en fin de campagne). Cela fait que l'on donne aux précoces la moitié ou plus des surfaces en culture alors que dans un climat moins difficile, les proportions normales sont 1/3 de précoces (au maximum 2/5) pour 2/3 de tardives (au minimum 3/5).

N'Koteng. Ce climat de type équatorial, avec ses températures très stables et déjà marquées par l'altitude (630 m), ne fatigue la canne que si la grande saison sèche est très accentuée. Le choix est limite entre l'intérêt d'une récolte annuelle (assurance contre la sécheresse) et celui d'allonger certains cycles avec des rendements agricoles et industriels améliorés (bien utiles sous ce climat à faible ensoleillement).

Cette possibilité dépend de la sélection de variétés « flexibles» ou « souples» qui, ne fleurissant pas, pourront sauter une campagne (cannes dites «bis»). Ce groupe est celui du cycle b du schéma proposé. Son emploi permet aussi de régulariser, malgré des pluies variables, les tonnages à passer à l'usine. En année sèche, on récolte toutes les surfaces et en année humide, on laisse en «bis», pour l'année suivante, les excédents. Sauf en cycle c qui peut être conduit canne sur canne, les autres prévoient de larges délais pour préparation du sol. A noter qu'une 2 e période de récolte serait envisageable en juillet-août.

N'Zoia. Sur les plateaux proches de l'Ouganda, à 1650 m d'altitude sous l'équateur, les basses températures (les maxima sont frais, eux aussi à 28° toute l'année) ralentissent la croissance mais assurent une maturation permanente, dès que la canne a quelques 18-20 mois en vierge ou 16-18 mois en repousses. La récolte ne s'arrête que pour réviser les équipements de l'usine. On profite pour cela des mois les plus pluvieux. La constance et la fraîcheur des températures ne fatiguent pas du tout les cannes qui peuvent toujours atteindre 30 mois et parfois beaucoup plus sans s'altérer. Les variétés trop fléchantes doivent être évitées car on utilise cette très longue période de maturation industrielle (PMI) pour régulariser les campagnes (la durée de la PMI est ici le 1 er critère de sélection avec le tonnage par ha). En années pluvieuses, l'âge des cannes récoltées tendra à augmenter; en années sèches, cet âge tendra à s'abaisser. Comme toutes les cannes sont bonnes entre 20 et 30 mois, on a retenu un cycle moyen de 24 mois. Les deux types de sols (zones hautes et zones basses) et les deux périodes les plus favorables à la plantation (pluies et températures suffisantes) déterminent quatre cycles types car il convient de récolter les zones basses, plus humides et argileuses, au cours de la saison la moins pluvieuse.


Cycles de Ferjessédougou au Nord de la Côte d'Ivoire

Ferkéssedougou, Côte d'lvoire (latitude 9,6°N). Culture irriguée.


Cycles de N'Koteng près de Yaoundé, Cameroun

M'Bandjock, Cameroun (latitude 4,5°N). Culture pluviale.


Cycles de N,Zoia ô l'ouest du Kenya

Nzoia, Kenya (latitude 0,5°N). Culture pluviale.

La durée totale des cycles sera d'un nombre pair d'années augmenté d'une demi-année environ, délai suffisant pour la préparation des sols. Sauf exceptions, l'âge des vierges à la récolte sera un peu plus grand que celui des repousses. A noter enfin que la notion usuelle de variétés précoces, c'est-à-dire celles qui peuvent donner plus de sucre (par tonne de canne), rapidement après la fin des pluies, cette notion n'existe pas sous ce climat. Elle est remplacée par la hâtivité (en mois) à pouvoir être récoltée (et par la lenteur plutôt que la tardivité). Pour simplifier, le schéma a cependant conservé, pour les zones hautes, plus sèches, le cycle précoce d (récolte juste après les fortes pluies d'avril et de mai) et le cycle de milieu a (récolte début août à fin octobre).

2.9.3 - Utilisation des schémas de cycles

Une fois les cycles et leurs schémas établis et respectés, il en résulte de nombreuses conséquences sur la gestion et la programmation technique et financière de l'exploitation

Les exemples suivants le montrent:

1 - Organisation prévisionnelle plus facile et précise : étalement des travaux et délais pour les accomplir, besoins en personnel, en équipements et en produits au cours du temps, commandes et livraisons échelonnées, prévisions de trésorerie, surfaces à travailler, tonnages à récolter, etc.

2 - Meilleur enchaînement des travaux entre dernière récolte et replantation . Le schéma de cycle expose par avance très clairement les parcelles à replanter (c'est-à-dire leur surface et leur localisation) et les délais utilisables pour cela. On peut donc décider de la série des travaux à réaliser et coordonner entre eux les différents plans: plans de maturation et de récolte, plan d'épandage des sous-produits de l'usine, plan d'amendement et de fumure, plan de préparation des sols, plan d'engrais verts en culture dérobée, plan d'utilisation des pépinières (elles-mêmes programmées pour correspondre au plan des plantations). Prévoir d'avance les besoins en personnel, équipements et produits, pour chacun de ces plans et sous-plans, est beaucoup plus aisé avec un bon schéma de cycles.

3 - Choix plus facile et plus sûr des parcelles à récolter Le plan de récolte est établi d'avance et respecté sauf accident (feux non voulus). C'est au moment de la programmation de la plantation qu'il convient d'apparier au mieux la variété et la date de plantation d'une part avec la qualité du sol, la distance de l'usine, la pente du terrain, etc., d'autre part. Avec un schéma de cycle bien adapté aux conditions locales et bien respecté et avec un bon choix variétal, la contrainte de récolter toutes les parcelles à des dates prédéterminées (c'est-à-dire à un âge préfixé) est très faible car leur maturation sera automatiquement satisfaisante à cette époque, même en zone de culture pluviale. En intégrant ainsi les dates de récolte et les âges des cannes de toutes les parcelles lors d'une campagne, l'enveloppe des maturations sera bien meilleure que si l'on avait procédé autrement. Les quelques amateurs des cycles précis (12, 24 ou même 18 mois) sont dans l'erreur mais moins que ceux qui s'imaginent devoir (et pouvoir) récolter, en permanence, les parcelles les plus riches: pendant ce temps-là, des parcelles déjà surmatures perdent du sucre et d'autres, quoique moins riches, sont pourtant déjà à leur maximum.

4 - Estimation des besoins en eau de la canne au cours de son développement . L'âge exact qu'auront toutes les cannes, à chaque mois de l'année, se déduit aisément de ces schémas puisqu'ils simulent ce qui se passe en réalité. A partir de là (âge et date), il est facile d'estimer, pour chaque parcelle ou groupe de parcelles, les besoins en eau, tout au long de chaque cycle, avec la formule du type: besoins = k x ETP.

Les besoins seront ensuite satisfaits en tenant compte de divers facteurs (pluies récentes, réservoir sol, rationnement souhaitable, installations existantes, coût de l'énergie, etc.) qui peuvent utilement s'inscrire dans des logiciels informatiques d'aide à la décision.

5 - Sélection variétale beaucoup plus valable . Au moment de mettre en culture industrielle une variété nouvelle, ses caractéristiques et son comportement doivent être suffisamment connus pour savoir dans quel(s) cycle(s) il convient de l'utiliser. Pour repérer plus aisément et sûrement les variétés bien adaptées aux cycles choisis pour la région, il est indispensable de leur imposer, le plus tôt possible dans le processus de sélection , les différents cycles standards. Sauf en ce qui concerne les variétés précoces à utiliser en cycles annuels stricts, on attachera une très grande importance aux deux critères « floraison» et « durée de la période de maturation industrielle » (PMI). Les variétés qui ne fleurissent pas et dont la PMI est très longue (bonnes tardives) sont très appréciées dans deux cas précis:

- allongement de la campagne avec faculté de sauter une récolte (cannes trop jeunes ou excédents de tonnages);

- proportion importante de petits producteurs indépendants qui ont besoin, en priorité, d'une bonne variété souple, tolérant des erreurs de calendrier et acceptable dans tous les cycles.

C'est en utilisant systématiquement ces schémas de cycles que l'on permet au climat, grâce à des calendriers plus stricts, de reprendre toute l'importance pour la canne que l'on a parfois tendance, en pratique et à grand tort, à trop négliger.

III. Les techniques de culture

Les techniques de culture de la canne sont très variées dans le monde car elles s'adaptent, avec plus ou moins de bonheur, aux milieux naturels et humains qui l'environnent: climats, sols, distances, aléas biologiques, histoire, population, niveau de vie (et degré de mécanisation qui en dépend), concentration de la production, développement des infrastructures, etc.

Pour ce petit livre, il a été choisi de signaler la plupart des techniques mais de n'expliquer que celles paraissant les plus efficaces dans les conditions rencontrées le plus souvent. Le chapitre IV complètera ces notions d'agriculture comparée dont la maîtrise est indispensable à ceux qui veulent le mieux s'adapter aux conditions toujours originales (tant de facteurs sont en jeu!) du lieu précis où ils auront à s'occuper de canne à sucre.

3.1 - Aménagements et préparation du sol

3.1.1 - Buts des travaux d'aménagement

L'aménagement des sols se pratique surtout lors d'une première mise en culture: élimination d'une forêt et dessouchage, constitution de terrasses ou de billons antiérosifs, mise en pente du terrain par nivellement en vue d'une irrigation gravitaire, arasage de termitières géantes, création d'un parcellaire, de pistes et d'ouvrages d'art. Mais il faut souvent réaménager des sols, déjà en culture, quand on change le mode d'exploitation: ainsi de gros travaux sont faits pour permettre ou améliorer la mécanisation de la culture (épierrages, remodelages, remembrements, élargissement et renforcement de pistes), ou sa protection (mise en courbes de niveau contre l'érosion, amélioration du drainage).

3.1.2 - Techniques utilisées

Ce domaine, très vaste, n'est pas spécifique de la culture de la canne, aussi le lecteur voudra-t-il bien se reporter aux ouvrages spécialisés. Les travaux d'entretien des aménagements existants doivent, bien sûr, être réalisés en permanence (pistes et canaux par exemple), tandis que ceux correspondant aux parcelles à replanter, comme par exemple la remise en pente d'un nivellement fin pour irrigation gravitaire, seront incorporés à la série normale des travaux de préparation des sols.

3.1.3 - Buts de la préparation du sol

Pour simplifier, cette préparation sera celle faite à partir d'une dernière repousse de canne à replanter. Une bonne préparation du sol consiste, tout en éliminant les restes de la culture de canne précédente et en enfouissant les amendements éventuels (ou les engrais verts), à fournir aux nouvelles cannes à planter, au moindre coût et dans des délais imposés, un milieu favorable au meilleur développement des racines tant des cannes vierges que de leurs repousses successives (tout le long d'un cycle normal ou même allongé).

Au minimum, la préparation du sol doit détruire les souches de cannes anciennes et effacer les baisses de qualités physiques consécutives au cycle de culture précédent: effets de tassement ou de pertes de structure dus surtout aux pluies, à l'irrigation et aux passages des engins mécaniques. Au mieux, elle doit aussi tendre à éliminer (même progressivement) des défauts importants que présenteraient les sols: manque de profondeur, manque d'aération et de porosité (densité apparente trop élevée), existence de barrières (sole de labour, discontinuité chimique ou texturale), etc.

Les frais de préparation du sol, comme ceux de la plantation, s'amortissent sur toutes les récoltes du cycle. Ils peuvent donc être relativement élevés pourvu qu'ils soient utiles et efficaces. Seront donnés plus loin quelques exemples de travaux inutiles ou même nocifs, pourtant souvent réalisés, hélas.

3.1.4 - Techniques de base

La préparation type d'un sol à cannes présente la séquence normale suivante, après brûlage des feuilles sèches au cas où la dernière coupe aurait été faite «en paille»:

- épandage de tous les amendements prévus (sous-produits de l'usine et produits achetés);

- sous-solage à 3 dents (45-50 cm de profondeur) écartées de 80 à 100 cm;

- pseudo-labour ou hersage lourd avec disques crénelés (20 à 30 cm de profondeur) dont le but est plus de brasser, de mélanger, d'aérer, que de retourner;

- hersage moyen aux disques crénelés pour défaire les mottes trop importantes, éliminer les restes de végétation et égaliser le terrain;

- sillonnage, en général triple, fait à l'écartement voulu (1,00 à 1,65 m et très généralement à 1,50 m) et donnant le profil recherché pour la pose des boutures (en V, en U. à fond plat) et pour les travaux ultérieurs (interlignes en creux si l'on veut guider le passage des tracteurs).

Le calendrier de ces travaux séquentiels (époques de l'année et délais disponibles) est déterminé par le choix du cycle de culture et par l'importance des travaux à faire et des moyens mobilisables. Les parcelles doivent être prêtes à planter, à mesure et aux dates favorables.

La plupart du temps, ces travaux sont mécanisés mais les animaux de trait (et même le travail manuel) sont encore utilisés dans certaines zones à faible niveau de vie (dans ce cas, on ne sous-sole pas). Le cas le plus général est celui de la culture à plat où les sillons, tracés en creux et à niveau, sont comblés progressivement puis prennent un léger relief lors des dernières repousses (car la souche «monte»).

3.1.5 - Variantes et cas particuliers

Il n'y a pas place ici pour discuter les multiples variantes motivées, dans le monde, par:

- le degré de mécanisation, lequel dépend du niveau de vie et de la densité de la population;

- le type de sols utilisés et la rotation prévue;

- la politique vis-à-vis de l'eau, selon qu'il faut l'éliminer ou s'en protéger (méthodes Louisiane, carreaux bombés en Guyane, système Reynoso à Java, etc.) ou, cas plus fréquent, la conserver (sillons profonds, en creux, tracés à niveau);

- le souhait de ne pas abîmer des sols sableux fragiles (et de dépenser le moins possible), d'où travaux minima («minimum tillage») réalisés en bandes étroites.

3.1.6 - Erreurs majeures à éviter dans la préparation du sol

Le tableau XII résume certaines erreurs fréquentes.

Tableau XII Erreurs majeures à éviter dans la préparation du sol

Travaux

Sur les dates et les délais de réalisation

Sur le choix même des travaux

Sur la qualité des travaux

Sous-solage

- en sol trop humide (couper du beurre)

- utiliser un ripper (trop cher)

- dans le sens de la pente


- en sol trop sec (créer des mottes énormes)

- sur terre sableuse (préférable de faire un griffage)

- superficiel (< 35 cm) ou excessif (> 60 cm)


- décalé dans la suite logique des travaux

- inutilement croisé


Labours et hersages lourds

- trop tard après coupe de la dernière repousse

- nombre excessif

- trop parfait


- sur sol dé trempé


- trop léger

Hersages moyens ou finition

- trop tard après travail précédent (herbes trop grandes)

- nombre excessif - préférer dents si sol sec et envahi de graminées

- terre rendue pulvérulente




- obtention de mottes dures et trop grosses




- travail insuffisant quand trop léger

Sillonnage

- trop tard après dernier hersage (sol resali)

- fait en utilisant une «billonneuse»

- dans le sens de a pente


- trop tôt avant plantation (max. 7 à 10 jours)

- remplacé par un billonnage

- sillons trop petits



- sillons trop espacés

- créant ou laissant de nombreuses mottes au fond du sillon

3.2 - Plantation

3.2.1 - Buts de la plantation

Une bonne plantation consiste à mettre en terre, aux moindres frais, des boutures saines, vigoureuses et fraîches pouvant permettre, après un démarrage dense, homogène et rapide de la culture, d'atteindre ensuite des rendements très corrects pour la région. A la plantation, il convient d'associer un certain nombre d'autres travaux qui la complètent: protection phyto-sanitaire, épandage d'engrais, traitements herbicides, premières irrigations, etc.

Les opérations se déroulent normalement ainsi: coupe des cannes de boutures sur la pépinière, chargement, transport puis déchargement dans les parcelles à planter, préparation et distribution des boutures et enfin, recouvrement par un peu de terre.

La réussite d'une plantation est d'abord celle de la levée des boutures dont le démarrage est une course de vitesse entre la survie du végétal vivant (départ des yeux et des racines) et sa dégradation normale ou due à des maladies ou des parasites. Les conditions de cette réussite sont donc lices à la qualité intrinsèque des boutures (cannes vierges, vigoureuses, saines et d'âge idoine, yeux sains encore jeunes, dormants ou à peine gonflés), à la conservation de ces qualités lors des travaux (fraîches et sans blessures mécaniques), à des facteurs qui doivent être favorables (température, humidité et bon contact du sol, aération) et à l'absence de facteurs contraires (yeux trop aoûtés ou endommagés, paille trop serrée, eau stagnante, poches d'air, couche trop épaisse de sol au-dessus de la bouture, boutures trop longues ou trop courtes, densité insuffisante, etc.).

Une plantation ratée ne se rattrape jamais tant est vive la concurrence souterraine des racines des boutures primitives vis-à-vis de toute bouture replacée, à prix d'or, un ou deux mois après, dans les espaces sans cannes appelés manques (à la levée). Seule une replantation par souche entière , terre comprise, peut s'envisager mais son coût est tel qu'on réserve cette technique de luxe au sauvetage de certains essais agronomiques. Au contraire, après une plantation réussie, les dépenses se réduisent (sarclages et couverture du terrain) et les rendements seront toujours nettement supérieurs, ce qui permettra souvent d'allonger le cycle d'une récolte supplémentaire.

3.2.2 - Dates de la plantation (à accorder avec les cycles)

En culture pluviale , ce sont les facteurs favorables liés au climat qui déterminent les époques de plantation. Elle doit se faire au moment des pluies et bien avant qu'elles ne cessent, de façon à donner aux racines le temps de puiser leur eau plus en profondeur (la canne est alors déjà bien tallée). Quand il pleut, la température est rarement un facteur limitant (exception du Maroc, méditerranéen par exemple). Aussi planteton soit au début des pluies, vers la fin de la campagne (travaux du sol plus aisés mais cannes vierges en général trop jeunes), soit en intercampagne, quand les pluies commencent à faiblir (meilleur étalement des travaux et des besoins en personnel, cannes vierges ayant toujours un âge convenable). On appelle «petite» culture («eksali» en Inde) les cannes plantées au début des pluies (dont les vierges se récoltent à 11-12 mois seulement) et «grande» culture («adsali» en Inde) celles plantées vers la fin des pluies (dont les vierges sont récoltées à 16-18 mois, après avoir sauté une campagne). On préfère éviter la période la plus pluvieuse où tous les travaux sont difficiles, médiocres et plus chers et où, parfois, la jeune canne ne talle que faiblement.

En culture irriguée , le calendrier des plantations dépend des températures minimales (à éviter en zones trop fraîches), et du meilleur cycle que l'on a choisi (âge des cannes lors des récoltes, délais et moyens disponibles pour la préparation du sol et la plantation, etc.). En général, la plantation se fait pendant la période sèche et débute un mois après la campagne, ce qui donne le temps de préparer le sol (en vue de replantation) des premières parcelles récoltées (qui sont des dernières repousses) mais demande du personnel supplémentaire pour ne pas freiner la récolte.

3.2.3 - Les pépinières

On ne devrait pas faire de culture de cannes sans pépinières individualisées et spécialement traitées. Au chapitre 2.8 et surtout au paragraphe 2.8.2, les pépinières ont été décrites sous l'angle phytosanitaire qui est essentiel mais aussi dans leur organisation (voir le tableau XI: Contrôles sanitaires annuels, pp. 74-75).

A rappeler ici que les pépinières utilisées sont des cannes vierges, que les primaires permettent de planter les primaires et les secondaires de l'année suivante, que les secondaires seront utilisées pour planter les tertiaires et qu'avec les tertiaires on plantera les parcelles industrielles. Cette cascade peut n'avoir que deux étapes de pépinières si les surfaces totales à planter sont inférieures à 400 ou 500 ha/an. Dans ce cas, les pépinières centrales s'appellent prépépinières et doivent être traitées comme des primaires, tandis que les pépinières extérieures sont nommées pépinières et se traitent comme des tertiaires. Les tertiaires sont installées (chaque année) près des parcelles qu'elles permettront de planter l'année suivante (gros tonnages et donc petites distances). Leurs repousses sont toujours des cannes d'usine.

Le calendrier de plantation des pépinières et donc leurs âges à la récolte se déduisent du climat (8 à 10 mois en général). Seules les primaires doivent avoir 1 an à leur utilisation (les yeux âgés résistent mieux au traitement long).

Les coefficients de multiplication varient (de 6 à 20) avec les lieux et les variétés. Il faut prévoir une petite réserve de surface de pépinières pour faire face aux divers besoins (changement de programme, apparition d'une très bonne variété, boutures pour essais, médiocre levée d'une primaire) mais jamais exagérée car cela coûte cher inutilement. Pour une plantation industrielle de 900 ha par an, on admet 90-100 ha de tertiaires (inclues dans l'inventaire des surfaces industrielles), 10-12 ha de secondaires et 1,5 - 2,0 ha de primaires (soit une parcelle centrale de 14 ha sur 3 ans ou 42 ha, hors inventaire d'usine, à leur réserver).


38. Sillonnage triple (Camsuco. Cameroun)


39. Boutures courtes de bonne qualité (Sogesca, R.C.A.).


40. Multiplication par Ceblokan et Rayungans (Pasuruan, Indonésie).


41. Plantation semi-mécanisée sur 5 lignes (Côte d'lvoire


42. Belle levée après plantation en sillons bien en creux (Madagascar).

3.2.4 - Techniques de base de la plantation

Les techniques de plantation varient avec leur degré de mécanisation, mais aussi avec les conditions et souvent les habitudes de la région. Il y en a aussi de spéciales, signalées plus loin, qui répondent à des conditions ou des objectifs très particuliers.

La plantation type conseillée est semi-mécanisée:

- couper à la main en haut (en incluant le bourgeon terminal) et en bas (le plus près possible du sol) les cannes de la pépinière sans les épailler (le couteau de coupe pouvant blesser les yeux); si elles sont trop longues, il n'y a aucun inconvénient à les couper en deux;

- les disposer en vrac (ou parfois en paquets de 10 à 15 cannes attachées par deux sommités vertes) et en andains prêts à être chargés, à raison de 4 à 6 lignes de cannes pour un andain;

- ne pas inclure dans ces andains les cannes pourrissantes ou sèches, très fines ou malades (les éliminer ou laisser alors, sur pied, les touffes entières);

- charger les cannes soit à la main soit mécaniquement (en entourant les griffes de la chargeuse par des chiffons pour ne pas blesser les tiges - malgré le maintien des gaines et feuilles protectrices -);

- utiliser de préférence des plateformes basses (pleines ou ajourées) et des véhicules plutôt légers et aptes à circuler sur la parcelle à planter sans trop tasser le sol; sinon, prévoir des remorques basculantes mais cette rupture de charge coûte cher au chantier;

- distribuer les cannes (avec leurs feuilles) à la main et directement dans les sillons de plantation, en faisant avancer le véhicule sur lequel sont montées 3 à 5 personnes (autant que de sillons à pourvoir);

- arranger les cannes dans les sillons (éventuellement après les avoir grossièrement épaillées), en régler correctement la densité soit, en moyenne, une file à moitié doublée de cannes (en conditions normales de levée, il suffit de 10 yeux par mètre linéaire), puis les tronçonner en boutures de taille voulue (3 à 5 yeux) avec un couteau bien affûté (un ouvrier par sillon);

- recouvrir enfin les boutures d'une petite couche de terre fine (2 à 4 cm en moyenne et jamais plus de 5 à 6 cm) à gratter avec un outil manuel sur les bords du sillon; sachant qu'il ne faut pas plus de 4 journées de travail manuel pour recouvrir les boutures d'un hectare, l'emploi de machines pour ce travail doit être réservé à des conditions cumulatives exceptionnelles (terre parfaitement préparée et nivelée, équipement très au point et bien adapté aux conditions de sol, manque total de personnel);

- réaliser, au moment le plus propice, les travaux associés à la plantation:

· dans les sillons et avant placement des boutures, épandage du maximum de l'engrais prévu (souvent distribué à partir de caissons faisant corps avec le sillonneur) et des produits éventuels de protection contre certains ennemis (vers blancs et larves, termites, nématodes, etc.);

· sur toute la surface ou parfois sur la seule largeur du sillon après recouvrement des boutures, pulvérisation d'herbicide de pré-émergence totale (herbes et canne);

· et, sans tarder, irrigation éventuelle, à dose faible (il suffit de mouiller les 10 ou 15 premiers centimètres de sol).

3.2.5 - Variantes de la plantation

De multiples variantes concernent selon les lieux:

· la coupe en pépinières qui peut se faire à la machine et fournit des cannes entières en andains ou des boutures tronçonnées déjà chargées sur remorques (il faut les utiliser plus fraîches et en mettre plus que la norme);

· l'épaillage, parfois réalisé avant la coupe, mais le plus souvent en tas au bord de la parcelle à planter; la présence des pailles retarde en moyenne la levée d'une petite semaine, aussi convient-il de les enlever quand les conditioins ne sont pas réunies pour une levée rapide (froid, sécheresse possible, boutures médiocres, ennemi ou maladie, sol grossier);

· la coupe en boutures qui se fait encore parfois sur la pépinière (pour éliminer des borers par exemple); elle accompagne le plus souvent l'épaillage en bord de parcelle et permet alors une sélection (borers, cannes pourries, trop fines); mais il y a rupture de charge et risque accru de blesser les yeux; à noter que des boutures trop courtes sont plus sujettes aux pourritures et agressions, mais que des boutures trop longues - et a fortiori les cannes entières - voient leurs yeux les plus âges avoir des difficultés à lever (dominance apicale) ou les cannes entières se tordre et leur sommet sortir de terre;

· le transport des cannes qui utilise les moyens les plus variés en mode de traction et en capacité;

· les planteuses à cannes qui ne sont utilisées systématiquement que dans les pays à culture très mécanisée: les plus classiques sont les australiennes qui, en général, partent de cannes entières avec leurs pailles (chargées à la machine ou à la main) qu'elles tronçonnent et déposent en terre après traitement fongicide et avec la quantité voulue d'engrais; en outre, la machine ouvre le sillon de plantation pour le refermer ensuite et le tasser; ce sont le plus souvent des planteuses doubles; de très nombreux modèles de planteuses à cannes existent dans le monde;

· la densité des boutures (charge) qui varie avec les chances de la levée, la quantité de boutures disponibles, le coût de la plantation et son rythme imposé; elle peut aller jusqu'à une triple file de boutures au cas où celles-ci auraient été récoltées par des coupeuses-chargeuses; en sens inverse, une nouvelle variété dont les boutures manquent peut être plantée, sans inconvénients, en files simples et discontinues; la charge en boutures est surtout une assurance contre des manques à la levée;

· les temps de travaux de l'enemble plantation qui, sans les travaux associés, vont de 5 à 6 jours par hectare planté (bonne planteuse à cannes) à quelques 30-35 jours/ha en plantation très manuelle et très soignée; la bonne semi-mécanisation décrite ci-dessus demande seulement de 8 à 12 jours ha: coupe 1 à 2 jours, chargement 1 jour, distribution 1 à 2 jours, placement et coupe 1 à 2 jours, recouvrement 4 jours pour 4 à 8 t de boutures par hectare.

3.2.6 - Cas particuliers

Ils sont multiples, utilisent beaucoup de personnel et répondent à divers soucis: ce sont des travaux de jardinage, de stations ou de pays pauvres et peuplés. Plusieurs cas méritent d'être cités.

· La plantation à la caraïbe (boutures de trois yeux piqués à 45 degrés dans un sol très lourd en régime pluvial, à titre d'assurance contre la sécheresse ou l'excès de pluies) et sa technique d'origine des bouts blancs inclinés (qui économise la partie tige des cannes que l'on envoie alors à l'usine).

· Le repiquage des jeunes pousses issues des bourgeons latéraux que l'on a fait germer après épaillage, soit en couchant les boutures à touche-touche dans un lit de boue souvent réchauffé par un film plastique (système indien), soit en étêtant des cannes en place (rayungans et siwillands indonésiens), soit en plantant à la verticale des morceaux de tiges (ou des cannes entières) sur des banquettes de terre (ceblokan javanais). Ces jeunes pousses, «habillées», puis repiquées à 30-40 cm, permettent de gagner un mois sur l'utilisation du sol (en rotation très fréquente avec du riz), de réduire les manques (augmenter les rendements) et d'obtenir un coefficient de multiplication très élevé.

· Les différents moyens de réduire le poids de boutures . sont à mentionner les boutures de plus en plus courtes, de plus en plus espacées et coupées de plus en plus jeunes (voir plus loin) ainsi que les yeux à l'emporte-pièce (pour micro-stations de traitement à la chaleur, Brésil).

· L'éclatement de souches , autre système de multiplication rapide qui consiste à diviser verticalement une jeune touffe bien tallée (2-3 mois) en autant d'«éclats» (munis de terre et de racines) qu'il y a de pousses déjà bien formées. Ces éclats mettant ensuite trop de temps à reprendre et à taller, cette méthode n'est plus guère conseillée. Le «recourage» (replantation) en souches (entières ou coupées en deux si elles sont très belles) subsiste qui est le seul moyen d'essayer de sauver un essai présentant quelques manques, le choc opératoire et le retard de croissance étant supposés faibles.

· La plantation faite avec les yeux placés latéralement , mode efficace certes mais gros consommateur de travail humain (à réserver à certains essais et aux 1 res multiplications de nouvelles variétés).

· La multiplication dite accélérée qui se pratique selon deux méthodes: la bouture d'un œil et la méthode in vitro .

· La méthode des boutures d'un œil est du travail de jardinage qui peut se réaliser en grand en prenant les précautions voulues (personnel formé, bonnes conditions de levée). Elle consiste à couper au sécateur toutes les très jeunes cannes produites par une touffe ayant de 3 à 4 mois d'âge et d'en faire des boutures d'un œil (très courtes donc) que l'on plante à 50 cm sur la ligne. En supposant 3 multiplications par an (on laissera plus de temps pour la croissance lors de la période de végétation ralentie) et 4 à 5 tiges donnant en moyenne 4 à 5 boutures d'un œil, on obtient, en conservant les souches utilisées, le coefficient de multiplication annuel suivant:

(4,25 x 4,25 x 1,0) 3 = 6.800

Si l'on plante seulement 10 boutures d'1 œil à 50 cm (7,5 m 2) d'une variété le 1 er janvier, on peut, avec 80 % de levée, en planter 4 hectares un an après (6.800 x 7,5 x 0,8).

· La méthode in vitro , beaucoup plus délicate et chère (il faut des techniciens et un laboratoire spécialisé), ne se conçoit que dans des conditions particulières:

- éviter la quarantaine si les plantes en tubes du pays donneur sont réputées saines, ce qui gagne du temps pour une nouvelle variété ayant toutes chances d'être cultivée en grand;

- créer soi-même, en maîtrisant entièrement le processus in vitro , de grandes pépinières du type tertiaires à utiliser (souvent par des petits planteurs) sans recontamination trop rapide par des maladies systémiques transmissibles par les couteaux de coupe ou des insectes.

On utilise des bourgeons axillaires que l'on multiplie in vitro , après trois mois, au rythme de 4 pour 1 en 1,5 mois (soit 4,096 pour 1 en 12 mois). Avec 20 bourgeons réussis, on pourrait planter de 10 à 15 ha, un an après:

Ces coefficients de multiplication sont à comparer à ceux juges normaux en culture de canne, soit 8 à 15 pour 1, avec des cannes de 6 à 13 mois. Mais à partir d'une collection de cannes sur pied, on peut déjà, avec des boutures d'un œil placées à 50 cm, obtenir, en une fois, une multiplication de 150 pour 1. 2 touffes/m.1 x 10 cannes x 15 yeux = 300 boutures d'un œil.

3.2.7 - Erreurs majeures à éviter dans la plantation

Le tableau XIII résume certaines erreurs fréquentes.

Tableau XIII Erreurs majeures à éviter dans la plantation

Travaux concernés

Sur les dates et les délais de réalisation

Sur le choix même des travaux

Sur la qualité des travaux

Pépinières

- choisir des pépinières trop jeunes (pertes) ou trop âgées (douteuses)

- oublier de faire des pépinières

- épailler brutalement ou avec des couteaux



- utiliser des repousses et surtout des vieilles repousses

- ne pas refuser les cannes malades ou fines ou celles d'une autre variété



- choisir des variétés sensibles à une grave maladie


Préparation des boutures

- trop laisser sécher les boutures avant de les planter

- ne pas désinfecter les couteaux quand on plante une pépinière

- occasionner des blessures ou des meurtrissures



- épailler une variété qui perd facilement ses gaines

- utiliser des boutures avec des borers, des yeux déjà morts, ses des yeux germés, des yeux à radicelles abondantes, etc.

Mise en terre les

- planter trop tard avant la fin des pluies

- oublier les traitements phytosanitaires indispensables

- couvrir de trop de terre ou avec des moites dures


- trop attendre avant d'irriguer ou de pulvériser herbicides de préemergence

- replanter les manques: il est préférable de ne rien faire ou de replanter la parcelle

- recouvrir mécaniquement les boutures sans précautions extrêmes




- utiliser des en gins trop lourds

3.3 - Amendements et fertilisation

Seront abordés ici (en complément de la nutrition minérale, paragraphe 2.6.3) le choix et les doses des produits, les époques et conditions d'épandage et les méthodes et moyens couramment utilisés.

3.3.1 - Amendements

Ecumes de filtration sous vide (40 kg par tonne de canne)

Ne jamais laisser perdre d'écumes et toujours préférer un épandage sur toute la surface, fait en tête de cycle (juste avant les premiers travaux de préparation du sol) avec des écumes fraîches (75 % d'humidité environ) transportées et épandues directement de l'usine à raison de 10 à 20 t ha (les faibles doses peuvent se mettre à fond de sillons). Forcer les doses sur les parcelles plates, proches de l'usine et de terre médiocre. En cas de manque (causé par exemple par des cycles courts et des rendements médiocres), modifier le cycle des zones lointaines pour y inclure un engrais vert dérobé que l'on amendera avec des roches broyées (calcaire, phosphates).

Pour un cycle de 4 coupes donnant un rendement moyen de 75 t de cannes par hectare, la dose d'écumes à épandre est de 40 x 75 x 4 = 12000 kg ha. Ces 12 t par ha fournissent déjà une fumure d'environ 180 kg ha de CaO, 85 kg/ha de P 2O5 et 25 kg ha de N.

Une sucrerie de 3000 t de cannes par jour produit environ 120 t d'écumes/ jour. Il suffit de 3 camions épandeurs de 6,7 t réalisant seulement 6 voyages AR par 24 h (ou 4 remorques épandeuses de 5 t faisant 6 voyages). Si les salaires sont relativement bas, il vaut mieux disposer de camions simples de 4 à 6 t que l'on videra à la volée (4 servants munis de pelles) et à la dose voulue, quitte à disposer d'un chargeur pour éviter l'épandage de nuit.

Mélasses et vinasses

La plupart du temps, les mélasses (+ 35 kg par tonne de canne) sont vendues, telles quelles, à l'extérieur. Mais souvent les prix pratiqués sont très bas. Convaincre le financier ou l'usinier qu'il faut comparer le prix de vente de la mélasse sortie usine à sa valeur engrais livré usine (estimée à deux fois la valeur du K 2O contenu pour tenir compte des autres éléments et de la matière organique). On peut admettre qu'une tonne de mélasse contient 45 kg du K 2O et vaut donc 150 kg de CIK rendu usine (90 kg K 2O).

Si les mélasses sont distillées à l'usine ou dans le voisinage, récupérer les vinasses. Bien distinguer les vinasses de mélasses (100 à 1 150 l/t.c. pour 6 à 101 d'alcool pur) des vinasses de jus (600 à 800 l/t.c. pour 65 à 80 l d'alcool pur). Les compositions sont différentes. On ne traitera pas ici des vinasses de jus de canne ou des vinasses «mixtes» (spécialités du Brésil).

Donner priorité aux parcelles à replanter mais ne pas dépasser pour elles les doses de 5 t ha de mélasse (5 x 45 %O = 225 kg ha K 2O) ou de 50 m 3 ha de vinasses (50 x 8 %O = 400 kg ha K 2O). En supplément, ces doses apportent aux futures cannes vierges 25 ou 50 kg ha d'azote et 60 ou 120 kg ha de CaO. Le cycle de 4 coupes à 75 t ha de cannes fournit environ 4 x 75 x 35 = 10500 kg de mélasse par ha à replanter. Le reste de la mélasse (soit 5,5 t ha) sera mis en une fois, au tout début de la 2 e repousse, ou en deux fois, pour les 1 re et 2 e repousses. Ce même cycle fournirait, après distillation des mélasses, 4 x 75 x 0,15 = 45 m 3 de vinasse que l'on peut mettre en une fois (avant sous-solage) pour simplifier les épandages. On pourra «survinasser» (sans excès) les zones proches de l'usine.

L'épandage le plus courant de mélasses se fait par citerne avec rampes de 3 m de large, perforées à 0,50 - 1,00 m, et lâchant à l'arrière un produit dilué (20 ou 30 % d'eau). Les vinasses sont envoyées plus ou moins diluées en irrigation gravitaire, ou pures (parfois chaulées et refroidies), soit par aspersion soit par citernes avec rampes ou goulottes d'épandage. Se méfier du pouvoir corrosif (forte acidité transitoire) de la vinasse (surtout chaude) et de la mélasse épandues par aspersion: les neutraliser en surveillant les incrustations ou utiliser des citernes et canalisations spéciales.

Produits minéraux (cendres d'usine, chaux, phosphates)

Les cendres d'usine sont précieuses si elles ne sont pas trop vitrifiées. On les utilisera, après dernière repousse, à 1 ou 2 t/ha à côté de l'usine. Elles demanderont peut-être un tamisage. Les amendements minéraux seront achetés en fonction de leur composition, de leur coût, de leur finesse et de leur solubilité. On préfère les produits les moins chers possibles et on laisse aux racines de canne le soin d'en tirer parti à la longue. Les doses assez fortes sont courantes, par exemple 3 à 5 t/ha de calcaire broyé (éventuellement magnésien) et/ou 1 à 2 t de phosphate broyé.

Ces produits doivent aussi être épandus juste après dernière repousse et avant tout travail du sol. On utilisera des épandeurs ou on jettera les doses voulues, à la pelle, du haut des véhicules.

Amendements organiques et engrais verts

Les paillages, compostages et autres fumiers sont trop chers en culture de canne. Seuls les engrais verts apportent, à prix très raisonnables, s'ils s'incluent bien dans le cycle de la canne, des quantités importantes de matières organiques et une précieuse rupture de la monoculture; dans certains cas, il y a aussi assimilation notable d'azote atmosphérique, remontée d'éléments minéraux et forte réduction des nématodes nuisibles à la A signaler qu'à 100 t de cannes récoltées correspondent 5 à 15 t de racines (à 55-60 % de matière sèche), 14 à 18 t de feuilles sèches (à 75 % de m.s.) souvent brûlées et 25 à 30 t de bouts blancs et feuilles vertes (à 25 % de m.s.) qui contribuent au renouvellement de la matière organique du sol. Les engrais verts pour canne n'ajoutent aux travaux du sol qu'un hersage lourd d'enfouissement (à réaliser sans fauchage) et, parfois, un hersage fin avant le semis, qui peut être manuel ou mécanique.

Il convient de prévoir un délai de (3 à) 4 semaines entre l'enfouissement et la plantation de la canne. Les espèces choisies doivent être rustiques et s'établir sans soins. La composition de la masse aérienne (verte) est approximativement la suivante: 35 à 40 % de matière sèche, 0,8 % d'azote, 0,6 % de K 2O, 0,4 % de CaO et 0,3 % de P 2O5.

Pour obtenir des graines, il faut semer plus espacé et prévoir un sarclage. Le tableau XIV précise certains aspects importants du semis et de la culture.

Tableau XIV Semis et culture de quelques engrais verts

Espèces d'engrais verts

Durée de végétation

Poids de masse

Production de

Poids de 1000

Poids a semer par hectare

Largeur interligne


(mois)

verte ha

graines (kg ha)

graines

pour engrais vert

pour graines

pour semences

Crotalaria juncea (1)

2,5 à 4 m

20-40 t

± 300 kg

55 g

30 kg

10 kg

0,70 m

Dolichos lablab (2)

3 à 4 m

20-30 t

± 1 000 kg

230 g

50 kg

30 kg

1,00 m

Styzolobium aterrimum (3)

3 à 5 m

20-35 t

± 2 000 kg

800 g

90 kg

30 kg

1,00 m

Crotalaria spectabilis

4 à 5 m

15-30 t

± 150 kg

20 g

10 kg

5 kg

0,70 m

Cajanus cajan (1)

3 à 12 m

20-35 t

± 800 kg

160 g

40 kg

20 kg

0,70 m

Stylosanthes gracilis (5)

5 à 14 m

10-50 t

± 50 kg

5 g

2 kg

1 kg

0,50 m

(1) Sunn hemp; (2) Poids dolique; (3) Mucuna; (4) Cajanus indicus , Poids d'agole, Pigeon pea, Ambrevade, Guandu; (5) Stylo.

Le pois d'Angole, comestible, ne doit pas être laissé trop se lignifier: retourné après grainage, il donne alors une excellente deuxième production de masse verte.

3.3.2 - Engrais achetés et fertilisation

Quelle que soit l'aide apportée par l'Etat dans le prix des engrais, la fertilisation coûte cher. Il faut donc bien la choisir et bien l'appliquer.

Sauf exceptions de produits déjà mélangés vendus à grande échelle, les engrais simples et très concentrés doivent être préférés car moins chers: urée (46 % de N), supertriple (46 % de P 2O5) et chlorure de potasse (60 % de K 2O). On utilise parfois du DAP (18 % N + 46 % P 2O5). A la longue, il peut apparaître un manque de soufre qu'il vaut mieux alors combler avec de la fleur de soufre en poudre

Les engrais sont à mettre le plus tôt possible et leur localisation est importante: sous les boutures pour la vierge et dès après la coupe, dans le sol et au plus près de la ligne de cannes, pour les repousses. Pour celles-ci, on attend parfois l'arrivée des pluies. Les cultures très manuelles font suivre l'épandage d'engrais sur repousses d'un sarclage pour le mélanger au sol. De multiples essais dans le monde ont montré qu'il n'y avait que rarement avantage à fractionner les doses: cas des cycles très longs ou des très fortes doses d'engrais (N et K). Le P 2O5 est souvent mis en couverture avant labour, pour la moitié (forme peu soluble) et seulement complété pour chaque coupe en produit soluble. Enfin l'azote est moins utile et efficace sur vierge que sur repousses.

Les doses d'engrais se calculent en déduisant des besoins (estimés au paragraphe 2.6.3) les quantités d'éléments apportées par les divers amendements. Les épandages sont manuels ou mécaniques (mieux faits mais souvent plus chers) selon le cas. Ils peuvent également se faire par avion, par exemple pour apporter un supplément d'engrais concentrés (N ou K) type coup de fouet, à une grande surface au début des pluies.

3.4 - Irrigation et drainage

L'irrigation permet soit de faire de la canne dans des climats trop secs, soit d'améliorer ou de régulariser les rendements (et donc les productions) dans des situations intermédiaires.

Mais cette irrigation coûte toujours très cher: pour être sûrement payante, elle doit procurer de 25 à 30 t de cannes de plus par ha qu'une bonne culture pluviale pratiquée sur le même site. Autrement dit, avant de songer à irriguer dans une situation limite, il convient d'abord d'améliorer tous les autres travaux de la culture, ce qui revient moins cher.

L'irrigation d'appoint n'est payante que sur une «bonne» culture.

Les méthodes d'irrigation de la canne sont diverses. Elles ont plutôt évolué dans le sens:

distribution gravitaire ® aspersion ® localisé (goutte à goutte), soit vers une augmentation de la productivité de l'eau et du travail humain avec, pour corollaire, des investissements plus élevés.

3.4.1 - Distribution gravitaire

L'irrigation gravitaire la plus courante se fait à la raie mais on irrigue aussi par calants, par submersion ou en raies cloisonnées (baignoires). Cette méthode est surtout pratiquée en plaines à terres relativement lourdes, pour lesquelles le drainage est indispensable afin d'éviter une remontée de la nappe phréatique (asphyxie des racines et mauvaise maturation).

Le réseau doit être soigneusement établi (ce qui coûte cher) et aisé à entretenir. Les grands canaux d'amenée d'eau et d'évacuation du drainage sont à ciel ouvert. L'alimentation des raies se fait en créant un passage pour l'eau à la «daba» (bêche), en utilisant des siphons plastiques courbés ou en ouvrant des vanettes. Le débit à admettre varie de 0,5 à 4,0 lt/sec selon l'érodibilité et la longueur des lignes (30 à 400 m). Par jour, un ouvrier irrigue en moyenne de 2 à 5 ha (les extrêmes vont de 0,5 à 15 ha). La pente indispensable pour conduire l'eau sans qu'elle stagne, peut être très faible en plaine argileuse: 2 à 5 ‰ est courant dans l'aménagement avec planage en «touches de piano».

Les doses et les pertes (du réseau et de percolation) sont importantes: environ 800 à 1000 m 3 utiles par ha pour 30 à 50 % de pertes et souvent plus (70 %). Le tour d'eau est de 2 à 3 semaines. Cette méthode tend à être abandonnée quand l'eau est limitée (et parce qu'elle apporte beaucoup de contraintes à la mécanisation de la récolte).

Le modelé du terrain se fait souvent par inversion du sillon (buttage), 2 à 4 mois après la plantation, quand les racines des cannes sont assurées d'être au contact de l'eau (celle des repousses le sont jusqu'à leur remplacement).

3.4.2 - Aspersion

De nombreuses méthodes d'aspersion sont utilisées pour la canne au gré du milieu naturel, des conditions socio-économiques, des techniques disponibles et de la mode qui prévaut.

L'aspersion est plus chère et plus technique que l'irrigation gravitaire. Elle utilise beaucoup plus d'énergie et moins d'eau mais pose problème si les vents sont excessifs, si l'eau est légèrement salée (grand danger, à la longue), si l'irrigation est totale ou presque, si l'énergie est rare ou chère (dénivellée trop importante) et si les sols sont très lourds et peu perméables.

Rares sont les cas d'aspersion pouvant se faire sans pompage, comme sur une grande partie de la SOSUCO (Banfora au Burkina Faso) où l'on utilise les chutes de deux cours d'eau.

L'aspersion s'est d'abord installée, sous forme de réseaux mobiles, sur les terres en pente, sur les sols très perméables et pour des irrigations de complément.

L'efficience, très variable selon les techniques et surtout le climat (vent, sécheresse de l'air), peut atteindre 90 % ou n'être que de 60 %. Le tour d'eau habituel est d'1 semaine à 10 jours pour des doses utiles de 30 à 50 mm d'eau.

On utilise des basses, des moyennes et des hautes pressions, des réseaux avec beaucoup d'éléments mobiles ou presque entièrement fixes et des appareils plus ou moins puissants, uniques ou multiples et déversements mobiles (asperseurs fixes, canons tractés, arroseurs géants, rampes pivotantes ou à déplacement latéral).

De sorte qu'un ouvrier peut irriguer, par jour de travail, de 1 ha (en basse pression avec beaucoup de déplacements) à 100 ha (pour les pivots circulaires).

Si le relief et le parcellaire le permettent, c'est actuellement le pivot circulaire (60 à 100 ha) le meilleur mode d'aspersion existant sur le marché: basse pression, bonne régularité, pluies très fréquentes, bonne efficience, peu de personnel et facilité de surveillance. De plus, il s'adapte bien aux courbes de niveau.

3.4.3 - Goutte ou localisé

Hawaï a mis au point cette méthode pour la canne dans les années 70, en utilisant la technique des petits tuyaux enterrés qui sont ainsi protégés contre la brutalité de la récolte (feu et machines) et durent donc 6 ans en moyenne (3 coupes à 2 ans) avec de très faibles frais d'entretien. La presque totalité des cannes irriguées d'Hawaï l'est maintenant par cette technique. Le plus difficile a été de bien filtrer l'eau et de trouver des solutions aux dégâts provoqués par termites et fourmis et à la fermeture rapide, par les racines, des trous d'arrivée d'eau.

D'autres zones à cannes suivent (Ile Maurice et essais à la Réunion par exemple) tentées par les faibles besoins en énergie, par la grande efficience de l'eau et par l'homogénéité de sa distribution.

L'évapotranspiration de la canne est diminuée, surtout quand la canne est jeune, du fait que le sol de surface n'est pas humidifié. En outre, la canne croît plus régulièrement avec une arrivée presque permenante de l'eau et souffre moins de la concurrence des mauvaises herbes. Mais le coût des investissements et la technicité nécessaire sont élevés. Le localisé de surface est réservé, en canne à sucre, aux études et expérimentations.

3.4.4 - La bonne utilisation de l'eau

Les conseils qui suivent ne relèvent pas du métier d'irriguer (voir manuels spécialisés) mais plutôt des rapports entre l'irrigation et la canne à sucre. Il facile d'en allonger la liste.

1 - Bien utiliser les pluies

Là où il pleut, la meilleure irrigation est celle de la pluie: elle ne coûte rien et elle est parfaitement répartie même si elle est parfois trop violente. Le premier effort et le moins cher doit consister, en zones à irrigation de complément, à conserver, au mieux et à la fois, les volumes d'eaux dûs aux pluies et leur bonne répartition sur 1e sol. Il en va de même pour l'eau distribuée par irrigation.

Deux techniques de base existent pour cela:

a) Eviter le ruissellement en cultivant la canne à plat (c'est-à-dire en courbes de niveau là où le sol est en pente), en améliorant la perméabilité des sols lourds par tous moyens (incorporation de matières organiques, chaulage et travail du sol) et en maintenant la ligne de canne au fond d'un sillon profond (que l'on cloisonnera même, si besoin est) et jamais sur le sommet d'un billon (système qui élimine l'excès d'eau en sols lourds).

b) Augmenter la capacité du réservoir sol en obtenant des gains progressifs de profondeur du sol et donc des racines des cannes, par l'élimination des barrières physiques (discontinuités texturales, soles de labours, perméabilité) ou bio-chimiques (altération du pH, barrière aluminique, manque de matière organique) et en améliorant les divers coefficients du sol relatifs à l'eau (capacité de rétention, eau facilement utilisable, courbe du pH, etc.), par l'action combinée d'un apport d'amendements et de travaux profonds (mais non excessifs) du sol.

2 - Quelques conseils d'irrigation de la canne

a) L'irrigation est trop chère pour être pratiquée sur des cannes mal cultivées (manques à la plantation, désherbages insuffisants, fumure trop faible, etc.).

b) En aspersion, surveiller de près l'homogénéité de la distribution (puis de l'infiltration) de l'eau et donc la qualité du réseau et la pression de service.

c) Ne pas chercher à atteindre, en irriguant, le meilleur rendement possible de la canne (le potentiel technique), mais viser un bon rendement commercial tout en économisant de l'eau, de l'énergie, du personnel et de l'usure des équipements au moment où l'efficience de l'eau est moins bonne: périodes trop froides ou périodes trop chaudes et trop sèches pendant lesquelles la croissance de la canne est forcément ralentie si ce n'est annulée (il faut cependant assurer le redépart des repousses juste après coupe).

d) En ayant en mémoire le cycle naturel de la canne pluviale, déterminer avec soin et sagacité les cycles de culture à utiliser (puis à favoriser selon les mois) (a) en jouant sur le fait que la canne supporte beaucoup mieux le manque d'eau quand elle n'a pratiquement pas de tiges (stade herbacé), (b) en reculant légèrement la période de campagne, (c) en économisant un maximum de bagasse au début de campagne de façon à pouvoir disposer d'énergie bon marché en fin de campagne et jusqu'à l'établissement complet des pluies (période où les cannes ne doivent pas manquer d'eau) et surtout (d) en faisant en sorte de ne jamais imposer de «chocs hydriques» aux cannes et, ceci, quel que soit le cycle concerné et la phase de ce cycle.

e) Mettre en place un contrôle du degré de satisfaction de la canne à partir des gaines foliaires 3 à 6 et suivre cette satisfaction relative au cours du temps sur toutes les parcelles.

f) Plus le système est raffiné, plus on peut utiliser l'eau comme véhicule: épandage d'engrais ou de produits divers (herbicides, pesticides, maturateurs, etc.). Mais il faut éviter d'endommager les tuyauteries (cas de la mélasse ou de la vinasse par exemple).

g) Se méfier des logiciels d'irrigation programmés par des spécialistes de l'irrigation ou de l'informatique qui n'auraient pas une connaissance suffisante de la canne ou auraient été induits en erreur par des agronomes de la canne ne connaissant pas bien l'irrigation.


43. Aspersion par pivot circulaire (Analaiva, Madagascar).


44. Plantation en vue d'irrigation au goutte à goutte (Ile Maurice).


45. Effet de graminées sur la levée et le talage.


46. Echantillonnages séparés sur une parcelle surmature (Siranala, Madagascar).

A Banian, en Guinée:


47 Presse à pulpe de bagasse.


48. Polarimètre automatique.

3.4.5 - Drainage

Le drainage est le complément indispensable de l'irrigation gravitaire faite en plaines basses ou en zones craignant des remontées de nappes phréatiques dues à de fortes saisons de pluies ou à l'élévation du niveau d'eau dans un fleuve proche. Ce besoin de drainage est absolu si l'eau d'irrigation ou la nappe phréatique est salée.

Quand les pluies dépassent les besoins de la canne, le réseau d'assainissement vise d'abord à favoriser l'évacuation rapide des eaux superficielles, ce qui limite la quantité infiltrée à drainer ensuite. Le modelage du terrain joue alors un grand rôle (carreaux bombés maintenant très rares, banquettes Louisiane, etc.). Ce réseau est dimensionné pour évacuer les forte pluies en 72 h au maximum.

Les drains enterrés s'ils sont denses et à ciel ouvert pour les principaux doivent maintenir le niveau de la nappe à au moins 40 cm sous la surface du sol (60 cm sont préférables) pendant la saison de croissance et, si possible, à nettement plus d'un mètre pendant la maturation.

3.5 - Entretien des cultures

L'essentiel de l'entretien des cannes est leur désherbage. l'entretien des cultures comporte d'autres travaux.

Travaux du sol , dans les interlignes: égalisation du sol, binages, profilages des vierges, sous-solage ou griffage des repousses, réduction de la largeur des souches («désaporque» argentin).

Traitement des pailles , selon leur volume, sur repousses: mise en cordons, passage du rateau ou simple dégagement des lignes de cannes.

Entretien des pistes et des réseaux hydro-agricoles qui demande des engins spécialisés.

Travaux d'entretien déjà étudiés, tels que lutte contre maladies et ennemis, fumures et irrigations.

La replantation des «manques» n'est pas abordée dans ce livre: c'est une opération chère et inutile car elle est condamnée d'avance. Elle prouve seulement un manque à gagner, à cause d'une mauvaise plantation, de tonnages considérables de cannes: 20 à 50 t ha sur 3 à 5 coupes, soit entre 60 et 250 t ha sur le cycle et ceci avec des frais très supérieurs d'élimination des herbes. Jamais les touffes issues de cette replantation ne fourniront des cannes normales, à supposer qu'elles survivent, et on aura donc aussi perdu les boutures utilisées et le travail effectué.

La lutte contre les mauvaises herbes

La canne n'aime pas la concurrence. Ce n'est que dans des zones très peuplées où l'on manque de terre qu'elle est cultivée en association avec certaines plantes utiles: des précautions très précises doivent être prises pour ne pas trop réduire les rendements futurs de la canne.

Le désherbage se fait par des moyens mécaniques ou grâce à des herbicides . Il est surtout nécessaire juste après plantation, quand les boutures sont loin d'être des souches et n'ont donc pas encore colonisé le terrain. Les herbes sont alors beaucoup plus rapides que la canne et disposent de plus de temps (car elles démarrent dès le dernier hersage ou le sillonnage).

Plus tard, au contraire, quand la canne aura «fermé» (4 à 5 mois pour une vierge et 3 mois pour une repousse en climat tiède et humide), l'obscurité des interlignes et la puissance des racines de cannes seront suffisantes (sauf manques à la levée ou existence d'espèces d'ombre particulièrement vigoureuses - par exemple l'eupatoire) pour bloquer toute concurrence des mauvaises herbes jusqu'après la récolte de la canne.

La lutte mécanique

Les sarclages manuels (surtout sur la ligne de cannes mais aussi sur toute la surface) sont très utilisés partout où le niveau de vie est relativement bas et les exploitations petites.

Si on ne laisse pas la canne trop se salir, il faut environ, pour des vierges, 3 à 5 sarclages à 10 jours/ha sur la ligne ou à 20 jours/ha sur toute la surface et pour des repousses, 2 à 3 sarclages à 10-15 jours/ha.

Les sarclages à traction animale sont encore fréquents dans beaucoup de régions où l'on utilise des buffles, des bœufs ou zébus ou des mulets à raison de 2 à 4 jours/ha pour 2 à 3 passages dans l'interligne lors de chacune des 2 ou 3 interventions pratiquées avant que la canne ne ferme.

Les sarclages mécanisés sont souvent combinés avec d'autres opérations telles que distribution ou mélange au sol de l'engrais, profilage ou apport d'une petite quantité de terre sur la ligne de canne et aération du sol. On utilise plutôt des disques crénelés (2 interlignes) mais aussi des dents plus ou moins rigides (2 à 4 interlignes) portés à l'arrière de tracteurs légers et rapides (3 à 10 ha/jour).

Le désherbage chimique

Il se généralise dans un cas où il est presque toujours payant: la pré-émergence sur cannes juste plantées. Les herbicides sont aussi très utilisés sur les toutes jeunes repousses (après mise de l'engrais et travail éventuel du sol) et, en localisé, pour combattre des herbes particulières (pulvérisateurs à dos et «houes» chimiques). On fait aussi des 2 e passages sur vierges avant fermeture et des traitements de rattrapage (par avion, sur de grandes surfaces et au début des pluies).

Les herbicides sont sélectifs ou totaux. On les emploie en solution, en émulsion ou en suspension. Ils agissent par contact (feuilles) et par translocation (après absorption par les feuilles ou par les racines). Leurs différentes caractéristiques d'emploi sont indiquées par les vendeurs ou les conseillers. Souvent mélangés (cocktails), ces produits sont dangereux pour les hommes et les animaux ainsi que pour les cultures voisines. Leurs doses sont calculées en matière active (m.a.) par hectare. Les dilutions se font au gré des modes opératoires et des performances des appareils: à dos, tracté ou par avion (de 600-800 lt/ha à 10 lt/ha en ultra-bas-volume). Leur rémanence en pré-émergence peut atteindre 8 à 10 semaines.

Les produits les plus souvent utilisés en canne (cela peut changer vite) sont actuellement et par ordre alphabétique: amétryne, atrazine, asulame, bromacil, dalapon, diuron, glyphosate, hexazinone, métolachlore, métribuzine, paraquat, piclorame, 2,4 D (avec ou sans ioxynil), 2,4,5, T et T.C.A.

A faibles doses de m.a., ces produits sont parfois des dessicants et à très faibles doses des maturateurs.

Il est indispensable de bien connaître la flore adventice, ses habitudes et son évolution: les inversions de flore sont fréquentes après quelques années du ou des mêmes produits.

Quelques herbes, associées à la canne et donc difficiles à éliminer, sont:

- monocotylédones: Cynodon dactylon (chiendent), Cyperus rotondus (tiririca), Panicum maximum (herbe de Guinée), Rottboellia exaltata (qui est une andropogonae, comme la canne), Brachiaria mutica, Imperata cylindrica (lalang, sapé), Paspalum sp . etc.;

- dicotylédones: Eupatorium odoratum, Euphorbia sp., Striga sp., Thunbergia sp . etc.

Le classement en annuelles et vivaces n'a que peu d'intérêt pratique. Par contre, les comptages en vue d'estimation des populations de flore, quoique délicats et imparfaits, comme par exemple la notation EWRC après tant de jours, sont indispensables. On peut simplifier la méthode à condition de multiplier les observations chiffrées.

Les erreurs sont très courantes dans la lutte chimique contre les mauvaises herbes:

- un mauvais choix des produits ou des doses;

- un mauvais calendrier des travaux (retards entraînant un sol déjà envahi d'herbes) ou des traitements, la canne et les herbes n'ayant pas la même sensibilité selon leur âge (la canne est plus résistante avant le stade 2-3 feuilles ou après 3-4 mois);

- un mauvais travail de terrain: appareils sales ou en mauvais état, recouvrements ou vides, vitesses variables, vent ou chaleur excessifs, pluie immédiate, mauvaise préparation du sol, spécifications non respectées, mouillant oublié, manque de précautions contre les accidents, etc.

On constate que le bon emploi des herbicides exige une parfaite précision.

3.6 - Maturation et préparation de la récolte

La récolte demande une préparation soignée, en vue de permettre l' acheminement rapide, économique et régulier vers l'usine du maximum de sucre, que l'on peut obtenir des champs.

Il y a là deux notions différentes que nous aborderons tour à tour: d'une part, la maturation de la canne (sans préjudice de sa croissance végétative) et d'autre part la préparation matérielle de la récolte .

3.6.1 - Maturation de la canne

Ce sont les sucres qui nous intéressent dans la canne, ceci à condition que la proportion de ligneux (fibre) soit suffisante pour assurer les besoins d'énergie de l'usine et de ses dépendances.

La maturation est l'accumulation, à partir d'un certain âge et pour une certaine durée, du saccharose dans les tiges. Elle s'accompagne le plus souvent d'une élévation de la pureté (rapport saccharose/Brix) et de la fibre et d'une réduction sensible du glucose et de l'acidité des jus

Elle est conditionnée par des températures, nocturnes surtout, basses (grands écarts thermiques entre le jour et la nuit), et par un assèchement des cannes. Elle est améliorée par un bon ensoleillement et par une faible teneur de la plante en azote.

Le taux de saccharose % de canne , appelé richesse ( en sucre ) de la canne, varie selon les climats, les mois, les variétés, l'âge des cannes et les conditions de la culture. Plus en détail, cette richesse varie aussi d'une touffe à l'autre et d'une canne à l'autre; une canne pas encore mûre est plus riche au pied qu'au milieu et une canne trop mûre peut être plus riche en haut (en éliminant le bout blanc) qu'en bas.

La courbe de maturation est le niveau atteint tout le long d'une campagne par la richesse (ou bien la pureté ou bien le sucre extrait, etc.) de l'ensemble des cannes traitées par une sucrerie (ou par une région). Cette courbe doit être la plus longue et la plus haute possible. La meilleure maturation (sommet de la courbe) se situe généralement aux 3/5 ou aux 2/3 de la campagne. Plus la courbe s'aplatit et plus on a tendance à allonger la campagne. A la limite, cette courbe est (presque) plate et la campagne devient (presque) permanente: cas du Pérou, de la Colombie, des Hawaii, de l'Uganda, du Kenya et qui pourrait être celui du Maroc. Moins de 5 mois de campagne n'est pas assez en industrie de cannes mais plus de 6 mois devient très bon.

La modification durable d'un des nombreux facteurs en cause entraîne un équilibre différent. Ainsi, la mise en culture d'une variété très précoce ou l'utilisation de produits maturisants permet d'avancer le début de la campagne. De même, le passage d'une période d'expansion à une période de stabilisation de la production (due à des prix moins intéressants) oblige à resserrer la campagne à sa partie la plus profitable.

La maturation échelonnée des champs de cannes à récolter s'obtient en combinant variétés, cycles de culture (dates de plantation et de récolte et âges des cannes), types de sol, fourniture de l'eau en culture irriguée et, depuis peu, traitement des cannes aux maturateurs et éventuellement aux anti-floraisons.

Les variétés se classent:

- en précoces, mi-campagne et tardives, selon l'époque où elles donnent leur meilleure richesse ou plutôt des richesses proches de leurs potentialités dans le lieu considéré;

- en pauvres, moyennes ou riches, selon le niveau de leur richesse maximale: on assimile souent (mais à tort) une variété riche à une variété précoce (car on peut la couper tôt dans la campagne) et une variété pauvre à une variété tardive (car on ne peut la couper qu'assez tard dans la campagne;

- selon la durée de leur période de maturation industrielle (P.M.I.), celles à P.M.I. courtes étant souvent des précoces qui fleurissent exagérément et ne «tiennent» pas.

Les cycles de culture , une fois décidés, doivent être rigoureusement suivis s'ils ont été bien réfléchis et pesés. Seul ce respect permet de tirer le meilleur parti de toutes les conditions du lieu et de tous les autres choix techniques.

L'assèchement progressif de la culture est primordial pour une bonne maturation, qu'il soit naturel en culture pluviale, dirigé en culture irriguée et plus ou moins facile selon le type de sol et sa capacité à retenir l'eau (les sols argileux des vallées fournissent des cannes moins précoces et moins riches que les sols perméables et plus sableux des pentes ou des plateaux). De même, une fumure trop abondante et surtout trop tardive a souvent pour effet d'abaisser la richesse en sucre des cannes. A l'inverse, de médiocres cannes de coteaux n'ayant pas reçu de fumure seront plus riches.

La conduite de l'assèchement des cannes pour les mieux faire mûrir a été mise au point par H. Cléments pour des cannes de 24 à 30 mois des Hawaii: les irrigations n'étaient faites que pour maintenir l'humidité des gaines (échantillonées chaque semaine) au plus proche d'une droite humidité-temps représentant l'idéal d'un abaissement continu de cette humidité de 83 % à 73 % en 7 mois. Dans les régions irriguées à cycles annuels, la maturation, plus rapide, se fait seulement en deux étapes: à-sec partiel qui dure un mois (Sénégal, Burkina Faso, Tchad) à deux mois (Réunion, Maurice), et à-sec total lui aussi de 1 à 2 mois. L'humidité des gaines ne descend guère au-dessous de 79-80 dans les climats marins mais atteint 75 dans les zones sèches citées. Dans ces lieux, la durée de la PM.I. (période de maturation industrielle) peut s'écourter, par dessèchement des cannes ou par leur reprise en végétation, si l'eau n'est pas apportée avec une très bonne précision. Cette difficulté s'accuse encore au moment où les minima de températures remontent en fin de saison sèche (cas des climats soudanais et sahéliens mais aussi de la haute Egypte et du Deccan en Inde où, longtemps, on a considéré à tort que la campagne ne pouvait pas dépasser la fin mars alors que les pluies n'arrivent qu'en juin).

En résumé, il est absolument recommandé, même si cela apparaît un peu difficile au début, d'utiliser ces contrôles d'humidité des gaines pour conduire ou suivre la maturation des parcelles. Le graphique illustre la méthode de H. Cléments.

L'emploi des maturateurs (activateurs de maturation) s'est beaucoup développé ces dernières années. Pour le moment, les molécules les plus efficaces sur la canne sont le glyphosate, le fusilade et l'étéphon. Dès 1982, 90 % des surfaces à récolter aux Hawaii étaient traitées au glyphosate. La technique d'emploi doit être très précise:

- les cannes à traiter sont des cannes physiologiquement jeunes et trop «végétatives»;

- la période la plus rentable est le début de la campagne, avec des délais d'action (entre traitement et récolte) de 6 à 10 semaines pour les 3 produits;

- en fin de campagne, les cannes trop jeunes peuvent être traitées au glyphosate (8 à 10 semaines avant récolte) ou au fusilade (4 à 8 semaines);

- les doses doivent être très homogènes: 500-550 g m.a. de glyphosate, 0,30 à 0,351 m.a. de fusilade et 1,51 d'étéphon par ha.;

- en dernière repousse, on peut forcer un peu la dose de glyphosate (700 à 900 g), sans craindre un effet herbicide puisqu'on laboure ensuite.


Courbe Humidité-Temps d'après la méthode H. Cléments.

Enfin les inhibiteurs de floraison peuvent, dans certains cas, s'assimiler à des maturateurs, car ils permettent d'utiliser dans un autre cycle des variétés fléchant beaucoup: l'exemple type est la NCo 376 transformée en tardive parce qu'elle est plutôt pauvre en sucre en début de campagne et qu'elle fleurit à 100 % aux latitudes 6 à 12°. La molécule utilisée pour ces traitements (encore en cours de mise au point) est l'étéphon et le produit doit être épandu juste avant le passage du bourgeon végétatif en floral (voir paragraphe 2.3.3), soit très longtemps avant la date prévue pour la récolte.

3.6.2 - Préparation matérielle de la récolte

Estimation de la récolte sur pied

Les estimations initiales doivent être précisées avant le début de la campagne. Il importe de savoir, avec la meilleure approximation possible, de quels tonnages réels l'usine va-t-elle disposer. Cette 1 re estimation doit être refaite (et non pas calculée par différence) au moins une fois en cours de campagne. Il peut alors falloir modifier le plan des arrêts d'irrigation, le plan de coupe et le plan des travaux ultérieurs (préparation du sol pour plantation, épandages d'amendements, etc.).

Ces estimations doivent englober la totalité des cannes à recevoir par la sucrerie et donc être également réalisées chez les planteurs indépendants. Au cas où leur fourniture serait limitée par un quota, il faut se rendre compte s'ils sont capables de remplir ce quota et de quels tonnages seront-ils déficitaires (ou excédentaires). La connaissance des surfaces n'est pas facile chez les planteurs. L'estimation des rendements est plus délicate encore car, d'une part, l'apparence d'une parcelle est souvent trompeuse et d'autre part, il faut estimer le rendement non au moment présent, mais à l'époque où la parcelle sera coupée.

Dans certains cas (campagne de longue durée, parcelles hétérogènes, variété nouvelle peu connue, etc...), la marge d'erreur peut être importante. Aussi est-il essentiel de faire appel à ceux des praticiens qui ont l'œil pour ce genre de travail et qui auront suivi la croissance. La pesée géométrique d'une certaine surface est souvent décevante sauf si elle est faite tous les ans avec méthode.

Plan de coupe

Le tonnage global de cannes à broyer, divisé par la capacité journalière probable de l'usine, donne la durée de la campagne en jours ouvrables. On établit ensuite le plan des approvisionnements de l'usine: cadences de l'apport de cannes en provenance des différentes origines (toutes catégories de planteurs comprises).

Le plan de coupe, ébauché dans les régions irriguées au moment de l'établissement du plan d'arrêt des irrigations, doit être mis au point, pour chaque groupe et semaine par semaine, en tenant compte, en priorité, de la dernière estimation et des cycles prévus et à respecter . Mais il doit aussi suivre certaines contraintes dans le choix des parcelles (à prévoir, si possible, dès l'époque de la plantation): dangers d'incendié et préparation de coupe-feux, risques de gelées, nécessité d'avancer la coupe de certaines parcelles (mal situées, atteintes de maladies ou devant être rapidement replantées) ou de retarder la coupe de certaines autres (qui pourront, sans inconvénient majeur et en cas d'excédent de cannes, être laissées sur pied pour la campagne suivante), utilité de mieux grouper les chantiers de récolte, etc.

Ce plan de coupe sera basé sur les productivités journalières de travail que les moyens humains et matériels disponibles et à prévoir sont capables d'assurer en cours de campagne.

En zone irriguée , le succès du plan de coupe dépendra surtout de la possibilité de maîtriser la maturation par l'assèchement échelonné des parcelles. En culture pluviale, c'est le respect des cycles qui importera absolument.

La bonne maturation sera contrôlée par la mesure évolutive de l'humidité des gaines et de la qualité des cannes (analyses d'échantillon). Mais on ne cherchera plus, comme autrefois, «la meilleure parcelle à couper», en supposant, de façon simpliste, que c'est elle dont l'échantillon est le plus riche en sucre.

Protection contre les incendies et épaillage

L'épaillage se pratique encore dans certaines zones archaïques. C'est une opération chère, peu utile et souvent nuisible. En revanche, l'épaillage de certains bords de parcelles, à titre de coupe-feux, peut être intéressant. Les incendies sont, sous certains climats, un des fléaux les plus redoutables en culture de canne à sucre et il est souvent indispensable de protéger les frontières de la culture par des bandes de terre labourées ou nettoyeés et de quadriller les masses de cannes trop importantes soit par un épaillage préventif de bords de parcelles, soit par la coupe, dès les premiers jours de la campagne, de larges couloirs de séparation (parcelles entières de variétés précoces). En outre, on limite la taille des blocs et on s'assure de moyens de surveillance (miradores) ou de lutte (camions avec pompe à brouillard).

Voies de communication

Peu avant la campagne, les voies de communication auront été remises en état et nettoyées. Ceci est valable pour les voies ferrées et les quais de chargement, pour les pistes principales et les chemins parcellaires (lisières, fourrières). Selon le travail à effectuer, on fera appel à l'homme, à la machine et aux désherbants chimiques. Les grands travaux d'aménagement routier réalisés pendant l'inter-campagne devront être prêts. Un soin particulier aura été donné à l'étude de la circulation des véhicules effectuant le transport des cannes, surtout si leur récolte est mécanisée.

Préparation du matériel

La quantité de matériel de récolte de chaque catégorie doit être calculée, avec une réserve, en fonction du travail effectif moyen réalisable en pratique. Beaucoup de travaux mécanisés de la récolte sont faits nuit et jour.

Ce matériel de récolte sera soigneusement remis en état pour la campagne. Si cette campagne est courte, on ne peut la ralentir du fait du matériel agricole et, si elle est longue, la fatigue sera forte. L'atelier mécanique agricole, secteur primordial de la bonne marche des cultures, doit évidemment être équipé pour se charger, à mesure, de l'entretien et des réparations. Le stock de pièces détachées nécessaires sera d'autant plus réduit et sa rotation d'autant meilleure que le nombre de modèles de machines en usage (tracteurs et véhicules de service compris) sera plus petit, les approvisionnements plus aisés et les conducteurs mieux formés.

Besoins en personnel supplémentaire de campagne

En tenant compte des pourcentages normaux d'absence, on calculera les besoins en personnel supplémentaire pour la campagne. La formation de ce personnel suivra sa sélection et son embauche. Là où la campagne est très longue, la courbe de besoins mensuels en personnel peut devenir plate, ce qui est un gros avantage.

3.7 - Récolte et paiement des cannes

Par sa durée, par l'importance des moyens humains et matériels mis en œuvre, par son impérative organisation, la récolte est, avec la plantation, la phase principale de toute culture de cannes. Pendant la campagne, les sucreries travaillent en continu (à raison de 1000 à 30000 tonnes de cannes par 24 heures) sauf pour les arrêts exigés par le personnel ou le nettoyage des équipements: 2 jours sur 7 à 1 jour sur 14 ou même moins.

La récolte est une suite logique d'opérations solidaires depuis la coupe des cannes jusqu'à la réception et le broyage à l'usine.

Il faut aller vite car la canne s'altère dès sa coupe (comme la betterave d'ailleurs en pays chauds) ou le brûlage sur pied de ses pailles sèches. On compte, comme délais limites jusqu'au broyage, 48 h pour une canne entière «verte» (en paille), 24 h pour une canne entière «brûlée» et 12 h pour une canne tronçonnée. Avec des basses températures (comme en Europe pour la betterave), la canne se conserve assez longtemps sans s'altérer (Kenya d'altitude ou Maroc en hiver). L'altération est une surmaturation.

Les méthodes et les équipements utilisés dans le monde sont infiniment variés.

Les grandes entreprises agro-industrielles intègrent toutes les opérations de récolte en un nombre de chantiers le plus réduit possible (3000 tonnes de cannes par jour semblent un maximum par chantier) pour en améliorer la rapidité, la surveillance et les coûts. L'organisation de la récolte doit alors disposer d'un bon réseau de liaisons radio.

Enfin, plus les origines des livraisons sont diverses (gros et petits planteurs en fortes proportions) et plus le plan de coupe (c'est-à-dire le plan des livraisons hebdomadaires) doit être impérativement respecté : aucune catégorie ne peut être favorisée aux dépens d'une autre et ceci surtout si le paiement des cannes tient compte de leur richesse en sucre.


49. Feu avant coupe.


50. Coupe manuelle brûlée.


51. Compas de mesure de coupe (Usina S. João. S. P. Brésil)


52. Démonstration de coupe «à la brésilienne».


53. Chargeuse (Equateur).


54. Chargeuse continue (Floride).


55. Chargeuse de paquets (Ets. Legras, Madagascar).


56. Chargement de paquets (Nzoia au Kenya).


57 Push-Rake hawaïen (Bahia, Brésil).


58. Coupeuse andaineuse à 2 rangs, type Louisiane.


59. Coupeuse-tronçonneuse-chargeuse, type Australie à Ferké I, Côte d'Ivoire

3.7.1 - La coupe

La canne « brute» se compose de canne « nette» (tige propre sans bout blanc) et de « paille», c'est-à-dire toutes les impuretés physiques: feuilles, bouts blancs, mais aussi terre, racines, etc.

La coupe consiste à séparer les tiges du sol, à en éliminer ce qui est possible et à les disposer selon les exigences de l'opération suivante. La propreté des cannes varie beaucoup avec les lieux (conditions et méthodes).

Coupe manuelle

La coupe manuelle est réalisée ainsi, avec des couteaux et des machettes plus ou moins bien étudiées pour cela:

- coupe de la tige au plus près du sol (la partie basse est la plus riche et la repousse sera meilleure);

- coupe en haut qui élimine le «bout blanc» encore immature et peu sucré (aqueux, tendre, peu coloré);

- épaillage au moment de la coupe (plus ou moins facile selon la variété) ou, un peu avant, par brûlage des cannes sur pied;

- tri car il faut rejeter les cannes sèches et pourries ainsi que les jeunes «babas» d'arrière-saison;

- rangement des cannes (parfois après attachage en paquets de 10 à 30 cannes) en andains plus ou moins espacés et plus ou moins continus ou en tas plus ou moins importants.

Sauf exceptions qu'il faut justifier, les cannes ne doivent jamais être coupées en morceaux et le coupeur doit toujours être responsable de la qualité de la coupe et de la confection de son andain .

La coupe en vert (ou en paille ) est conseillée dans le cas de petits planteurs lents à livrer leurs cannes, n'utilisant que très peu d'engrais et pouvant être à l'origine d'incendiés désastreux pour eux-mêmes ou leurs voisins. En zones de pluie très limite, la conservation de la paille est un moyen de réduire les besoins en eau des repousses.

Dans les autres cas, la réduction des frais de la coupe est telle qu'il convient de brûler, cette graminée conservant très bien le sol pour peu qu'on en obtienne, avec des engrais, des rendements corrects. Le brûlis s'effectue le plus souvent la veille au soir de la coupe (air calme et plus frais, visibilité nocturne). Toutes précautions sont à prendre pour éviter que le feu ne gagne les parcelles voisines, les incendies étant plus à craindre à la mi-campagne (pleine sécheresse). L'intérêt de chantiers importants est que la surface à brûler à chaque fois atteint plusieurs hectares. Le feu volontaire implique une organisation plus stricte des chantiers de récolte (livraisons plus rapides).

Le rendement de la main-d'œuvre dépend de plusieurs facteurs: rendement à l'hectare, poids unitaire des cannes, degré de verse, mode de paiement, etc. On peut retenir 2 t de cannes par jour sans brûlage préalable et 3 à 6 t avec brûlage préalable en cannes non attachées. Avec une organisation efficace de la coupe et une liberté donnée aux coupeurs (moyennant rétribution plus que proportionnelle à la surface coupée - ou aux mètres linéaires d'andains réalisés), on peut obtenir, sur bonnes cannes, de 10 à 15 t par jour (20 t pour de grosses variétés non couchées). Il est utile de prévoir des rations nutritives supplémentaires et un poste de soins d'urgence pour accidents (nombreux, malgré les précautions prises).

Une coupe manuelle n'est jamais payée à l'heure sauf pour les parcelles expérimentales. Elle ne doit pas non plus l'être pour une «tâche» déterminée, système hélas fréquent qui n'est qu'une mauvaise assurance contre l'absentéisme ou une surveillance médiocre. Dans le prix de la coupe, il faut inclure toutes les exigences que l'on veut imposer sur la qualité des travaux et le rangement des cannes (par exemple andains étroits, hauts, formés de cannes entières et disposés en tas interrompus qui, seuls, permettent un travail efficace de la chargeuse discontinue: grand rendement du travail, minimum de terre avec les cannes et aucune canne laissée en arrière pour l'horrible «glanage»).

Tout ceci montre que l'organisation des chantiers de coupe manuelle et la formation des coupeurs méritent beaucoup de réflexions et de soins, tant ces opérations sont répétitives: 60 à 100 millions de cannes seront coupées tous les ans pour 1000 hectares à récolter.

Coupe mécanique

Trois systèmes de coupe mécanique ont été mis au point dans des zones à hauts salaires:

- Hawaii où, pour les très gros tonnages de cannes enchevêtrées de deux ans (200 à 300 t/ha), on utilise le «pushraker» qui amoncelle en ligne toute la partie aérienne des cannes, avec beaucoup de terre et de pierres (100 t/h).

- Louisiane où, pour les tonnages réduits de cannes très droites et fines de 9 à 10 mois (60 à 90 t/ha), ce sont des coupeuses étêteuses et andaineuses de cannes entières qui sont de règle (un ou deux rangs) (20 à 30 t/h).

- Australie (Queensland) où pour les cannes à tonnages (80 à 120 t/ha) et ports intermédiaires, qui sont d'ailleurs les plus courants dans le monde de la canne, des coupeuses-tronçonneuses-chargeuses ont été la solution adoptée (10 à 20 t/h).

On cherche encore, pour les petits planteurs, des machines économiques et simples qui couperaient et rangeraient à peu près les cannes pour reprise ultérieure.

La topographie, les accidents de terrain, la présence de roches, la taille des parcelles et la facilité des accès jouent un grand rôle en coupe mécanique. On ne mécanise pas une coupe de cannes en achetant une coupeuse: il faut des parcelles adaptées et préparées, mais aussi des conducteurs expérimentés et soigneux, des moyens de transports en suffisance et un atelier mécanique aux aguets.

Le degré de mécanisation de la récolte doit se décider en fonction de l' indice N = Niveau de vie des travailleurs agricoles . Ce « niveau de vie » est, en cannes, le rapport entre le gain du salarié, toutes charges sociales comprises, et la valeur d'une tonne de cannes livrée à l'usine et supposée à 10 % de rendement en sucre (le bien de consommation). Les deux termes de ce ratio N sont presque toujours imposés (ou contrôlés) par l'Etat alors que son niveau est indépendant des monnaies locales. Une enquête mondiale réalisée par l'auteur en 1982 montre à quels niveau de N il convient de mécaniser le chargement (N > 0,10 à 0,15) puis la coupe (N > 0,50 environ). Le 1 er tableau du paragraphe 4.3 (page 155) regroupe les principaux résultats de cette étude comparée.

La coupe mécanique, plus chère à la tonne dans les pays à bas salaires . apporte d'autres contraintes qu'il ne faut surtout pas sous-estimer: fort tassement des sols (réduction des rendements et du nombre de repousses ultérieures), pertes de cannes aux champs et envoi à l'usine de non-cannes (bouts blancs, paille, terre), arrêts dès une pluie importante, etc.

En général, il est beaucoup plus payant de bien organiser, traiter et rétribuer des coupeurs manuels, alors satisfaits, que de s'embarquer dans une coupe mécanique.

3.7.2 - Le chargement et le transport

Ces deux opérations sont étroitement imbriquées.

Le chargement, manuel ou mécanique, consiste à saisir les cannes telles que laissées sur le sol après leur coupe (en vrac ou en paquets, en andains ou en tas) et à les placer (après un portage ou un conditionnement éventuel) dans des caisses ou sur des plateaux mobiles.

A la main , on charge à partir d'andains des cannes en vrac (5t/jour) ou en paquets de 10 à 20 kg (8-10t/jour). A la machine , différents systèmes existent (cf. tableau, p. 137).

La capacité des caisses et plateformes (remorques ou camions) va de 2 à 3 t à 60 t (2 semi-remorques pour grappins hawaiiens). Sauf pour les autochargeuses réservées aux cannes des petits planteurs (souvent cultivées sur des pentes), le travail de chargement mécanique s'effectue en général jour et nuit.

Le transport se fait soit en direct à l'usine, soit en deux temps avec transfert. Les solutions utilisées sont, là aussi, multiples et évolutives. Signalons seulement la coexistence:

- de méthodes traditionnelles (transports à traction animale, par voies ferrées et même decauville);

- des méthodes les plus courantes (camions à hauts montants latéraux amovibles, parfois avec remorque(s), et tracteurs à 2-3 remorques de 6-10 t à filets);

- de méthodes récentes (conteneurs ou gros semi-remorques);

- et de méthodes spéciales (chalands sur canaux, etc).


60. Transport sur charettes à buffles (Taïwan),


61. Attente au poste de transfert (Guadeloupe).


62. Transport par voie ferrée (Centre Java).


63. Transport par voie ferrée (KwiluNgongo, Zaïre).


64. Transport avec train de 3 remorques de 8 t (Sosuco, Burkina Faso).


65. Transport en 2 semi-remorques de 30 t (Mandacarú, Brésil).


66. Transport en camions: arrivée à l'usine (Saõ João, S.P, Brésil).


67 Petite station de transfert pour cannes tronçonnées (Guadeloupe).


68. Cour à cannes et stockage à Nzoia (Kenya).


69. Expérimentation agricole à la Camsuco (Cameroun).

Tableau XV Systèmes usuels de chargement mécanique

Engin de chargement

Disposition des cannes

Operation annexe

Densité de charge

% de non-canne

Lieu d'origine

Grappin

Gros andains en vrac

Non

0,20

25-30 % (de tout)

Hawaii

Chargeuse discontinue

Andains bien rangés

Glanage si néces.

0,25

3,5 % (avec terre)

Louisiane

Chargeuse continue

Andains (4-7 lignes)

Tronçonnage

0,30

Très peu

Floride

Auto-chargeuse

Tas (3 à 5 t)

Chaînage

0,40

Non

Afrique du Sud

Grue

Tas (2 à 10 t)

Chainage éventuel

0,40

Non

Divers

Tracteur ou camion

Mises en panier

Non

0,40

Non

Afrique du Sud





Non

Maurice

Les transports, souvent permanents, s'organisent en fonction du tonnage journalier à livrer, de la taille et de la diversité des véhicules d'approvisionnement, de l'importance et des moyens du stockage d'attente (cour à cannes ou sur roues) ainsi que de l'existence et du mode de fonctionnement des stations de transfert.

Le développement progressif de la taille des sucreries jusqu'aux années 1980 (depuis, cette tendance s'est ralentie) a augmenté partout les distances de transport des cannes. La moyenne actuelle se situe entre 10 et 15 km avec des maxima normaux de 20 à 30 km. C'est dire que toute sucrerie relativement intégrée comporte une entreprise de transports saisonnière chargée en outre des pistes (ouverture et entretien). Tout ceci demande des moyens, des compétences et beaucoup d'organisation pour réduire les coûts du transport de cette matière périssable à faible densité.

L'aménagement des véhicules dépend des cannes à transporter (grillages pour cannes tronçonnées, claire-voies là où la terre pourrait s'accumuler), des modes de chargement et surtout de déchargement aux stations de transfert et à l'usine et des contraintes de la pesée et de l'échantillonnage pour vérification de qualité.

3.7.3 - Les transferts

Les transferts se font encore parfois à la main , d'un petit véhicule de chantier ou de ferme à un plus gros porteur, souvent propriété de l'usine ou d'une coopérative. On en profite pour éliminer les amarres s'il y en a. Dans les départements français d'Outre-Mer, les cannes des petits planteurs sont pesées et «reçues» sur ces postes de transfert.

Le cas général est le transfert mécanique qui est parfois un deuxième chargement quand la canne a été déposée sur le sol (en vrac ou en paquets). On transfère soit en paquets et alors les volumes des caisses doivent leur correspondre, soit en vrac et on en profite souvent pour éliminer des impuretés (ventilation ou lavage) et tronçonner les cannes, ce qui rend plus dense leur chargement.

Les postes de transferts servent souvent de lieux de stockage pour les besoins nocturnes de l'usine mais il faut alors veiller à ne pas avoir des stocks excessifs (la «culture» détestant être accusée par 1'«usine» d'être la cause d'un arrêt par manque de cannes) car la fraîcheur des cannes broyées en pâtira en permanence (ce qui est un inconvénient plus grave encore).

3.7.4 - Réception et cour à cannes

En général, la canne est «reçue» à l'entrée de l'usine au moment où les véhicules sont pesés à la balance (les tares peuvent ou non être vérifiées chaque fois). Cette réception s'accompagne d'un contrôle de qualité, subjectif ou chiffré (par échantillonnages) qui tient compte des impuretés physiques (pailles, bouts blancs, terre, etc.), mais aussi de la valeur sucrière de la canne (fraîcheur, pureté ou analyses complètes et systématiques).

Les impuretés physiques et le manque de fraîcheur sont imputées au poids brut des cannes sous forme de pourcentages décomptés donnant alors le poids net. A la limite, des cannes trop vieilles (plus d'une semaine de coupe) ou de trop mauvaise qualité (pureté inférieure à 70 ou même 75) sont refusées si la responsabilité en incombe au planteur.

Les matières étrangères (non-canne) entraînent des difficultés de traitement, des pertes de fabrication et une plus grande usure des équipements, surtout la terre, apportée parfois en grande quantité, par un chargement mécanique peu soigneux. Les sucreries se sont équipées de postes et même de véritables stations de nettoyage (lavage): cas des Hawaii avec des taux d'impuretés pouvant dépasser les 30 %.

La circulation des véhicules et leurs modes et lieux de déchargement doivent être prévus et contrôlés avec soin, de façon à éviter les engorgements et les accidents. La façon de stocker les cannes et de les «déstocker», ainsi que l'espace réservé aux cannes en attente méritent aussi beaucoup d'attention. Déchargement par filets et manutentions au «cane-stacker» ont beaucoup remplacé le stockage en paquets chaînés, l'emploi de grues à grappins et même les divers basculements. Le stock zéro vrai (arrivée permanente) ou apparent (stockage sur véhicules en attente à proximité) est moins fréquent qu'un stock de sécurité au sol représentant environ 4 heures de marche de l'usine.

3.7.5 - Paiement des cannes et valeur sucrière

Pendant très longtemps, la canne a été payée selon son poids net. Depuis le début du siècle (Queensland), la valeur sucrière de la canne a été progressivemnet prise en compte dans la plupart des pays selon des formules variées, dont une base courante est du type:

Valeur d'une


Poids net


Pourcentage de


Prix nu


Pourcentage

tonne de


de cette


sucre extrait


sortie


revenant

canne

=

tonne de

X

ou, mieux

X

usine

X

au planteur

livrée a la


canne


extractible


de ce sucre


(part)

sucrerie









La sucrerie achète alors soit des cannes de qualité «standard» (avec bonus-malus plus que proportionnels pour encourager les cannes riches), soit du «sucre extractible» (S.E.) selon le partage en cours.

La part du planteur varie avec la richesse en sucre, les conditions locales, les protections officielles, les formules adoptées et les types de sucre fabriqués. Cette part varie de 50 à 70 % et plus fréquemment de 60 à 66 %. Les prix pratiqués sont parfois soumis aux aléas du marché (Australie), mais plus souvent protégés par des réglementations sucrières internes fixant, chaque année, les prix de campagne, les volumes de production et les autres composantes de la politique sucrière: primes aux petits planteurs dans les DOM français, production et prix des alcools au Brésil, équilibre entre sucres industriels et artisanaux en Inde, etc.

La détermination du sucre extractible , qu'elle soit ou non utilisée pour le paiement des cannes, dépend a) du mode d'échantillonnage, b) des analyses réalisées (et donc des appareillages pour ce faire) et c) des formules utilisées.

a) L'échantillonnage se fait par de méthodes dites industrielles utilisées en Australie et aux USA par exemple ou par des méthodes directes qui gagnent du terrain et où les chiffres des analyses ne dépendent plus du travail de la sucrerie. Ces méthodes directes, quoique séduisantes, sont plus complexes (techniques d'échantillonnages et d'analyses, formules adoptées, nombreux correctifs pour tenir compte du type du sucre, de la mélasse, de l'époque de livraison, etc.). L'échantillonnage direct se fait maintenant à l'emporte pièce (core-sampler), grâce à des cylindres creux pénétrant la masse de cannes lors de la réception.

b) L'analyse de ces échantillons utilise de plus en plus la méthode à la presse (il existe encore beaucoup de petits moulins pour cannes entières et de hachoirs pour finition après coupe-cannes), qui a pour avantage sa rapidité, son automation possible et sa bonne précision, une fois les divers coefficients établis.

Elle consiste souvent à:

- broyer l'échantillon dans un broyeur à marteaux robuste;
- passer 500 g de pulpe représentative dans une presse (100 kg/cm 2 pendant 1 minute);
- peser le gâteau de bagasse obtenu, d'où, par une table empirique, obtention de F % C (ligneux);
- mesurer le Brix réfractométrique du jus extrait;
- mesurer, après clarification, le Pol % jus au polarimètre (± automatique); calculer, après corrections de températures et en utilisant les formules et tables voulues, Pol % C, Brix et Pureté.

c) Les formules exprimant le sucre extractible (récupérable ou commercial) à partir d'analyses de cannes plus ou moins précises et complètes, sont très nombreuses. Il convient de citer:

- la formule australienne où le S.E. % canne s'appelle Commercial Cane Sugar (CCS), méthode industrielle où le jus est celui de 1 re pression des moulins et où la fibre F est déterminée sur un échantillon après coupe-cannes;

on a

soit

avec

- la formule de Winter-Carp à Java qui ne tient pas compte de la fibre et utilise le Pol et la Pureté (P) du jus de Ire pression:

on a

- les méthodes Louisiane-Floride , industrielles elles aussi, où la canne standard a un jus de 1 re pression à 12,0 et 12,5 de Pol selon le cas et où les bonus et surtout les malus sont plus que proportionnels aux écarts de Pol;

- le Recoverable Cane Sugar , mélange de CCS et de Winter-Carp recommandé en Commission internationale;

on a R.C.S. = 1,05 (1,4 Pol % C - 0,4 Brix % C)

avec

- la formule Hugot (Réunion), longtemps utilisée sur place et dont des variantes existent dans de nombreux pays (le jus étant de 1 re pression), on a:

- la formule réunionnaise récente , utilisant la méthode à la presse directe, cohérente avec les règles de la CEE et basée sur une canne standard à 13,8 de Pol % C et sur des bonus-malus tenant compte aussi de la fibre et de la pureté;

- la formule proposée par l'auteur pour la Côte-d'Ivoire, directe elle aussi, où le coefficient K varie selon le tableau suivant:

Valeurs du coeff.. K

Pour du sucre roux

Pour du sucre raffiné

Echantillon pris dans les champs (propre)

0,89

0,84

Echantillon pris à l'usine (tel quel)

1,00

0,95

On a

En conclusion, autant il convient d'utiliser des méthodes rigoureuses (et donc complexes) pour connaître avec une précision suffisante la qualité de la canne quand il s'agit de contrôles techniques internes (bilans du saccharose, estimation d'une variété, etc), autant il est préférable, quand il s'agit de paiement des cannes à des tiers, de se mettre d'accord sur des méthodes et sur une formulation simples et aisément compréhensibles . Plus les formules de paiement sont complexes, dans le but certes d'être plus justes, et moins elles sont comprises par les planteurs, ce qui suscite immédiatement chez eux une méfiance vis-à-vis des usiniers, justifiée ou non et génératrice de difficultés permanentes.

De même, le paiement à la richesse est la source de gros ennuis si l'on ne tient pas clairement compte, dans la formule de paiement, des dates de livraison des cannes, c'est-à-dire de l'allure de la courbe «normale» de maturation dans le lieu considéré: pour bien faire, le correctif mensuel devrait être un peu supérieur à l'écart moyen de S.E. %C par rapport au maximum de la courbe.

3.8 - Temps de travaux, normes de base et ratios de production

Les normes de base et ratios suivants (tabl. XVI) ne sont qu'indicatifs de situations extrêmement variées dans le monde. Une fourchette à 3 dents croissantes (A, B et C) est donnée chaque fois, le chiffre le plus faible n'était pas nécessairement le moins bon (cf. pp. 144-145).

3.9 - Le service agronomique d'une sucrerie

3.9.1 - Importance du niveau technique

Les progrès constants réalisés en matière de canne à sucre sont dûs, pour une bonne part, aux efforts consacrés à la recherche, à l'expérimentation, à l'acquisition et à la diffusion des connaissances.

Partout dans le monde existent des centres de recherches, des stations expérimentales (souvent en réseaux) et des publications propres à cette plante. Toutes les plantations d'une certaine importance (toujours reliées à des sucreries) disposent d'un service agronomique.

Qui dit niveau technique dit, à la fois, ouverture sur le monde extérieur, utilisation de techniciens de haut niveau (et donc leur formation), évolution et remise en question constantes des méthodes et des équipements, utilisation raisonnée de la mécanisation, respect absolu du facteur temps, spécialisation et approfondissement des connaissances, et place importante donnée à la recherche et à la prévision. Qui stagne est condamne.

3.9.2 - Le service agronomique d'une sucrerie

Le service agronomique est l'un des principaux départements des cultures. C'est un lieu de réflexion, d'étude, d'analyse et d'expérimentation. On y réalise des tâches qui demandent des connaissances et de la précision. La prévision et la programmation y jouent un grand rôle.

Tableau XVI Normes de base et ratios


A

B

C

Préparation du sol et plantation




Surface sillonnée par jour (ha)

1

5

10

Ecartement des sillons (m)

1,0

1,5

1,8

Profondeur des sillons (cm)

10

20

30

Coefficient de multiplication (pépinière)

5

10

18

Tonnage de boutures par ha planté (t ha)

3

6

10

Coupe des cannes en pépinières (t/jour)

1

3

5

Longueur des boutures (yeux)

1-2

3-4

5-8

Nombre de boutures par ha planté (1 000)

10

20-25

30-35

Densité en boutures (en lignes continues)

0,5

1,2

2,0

Surface recouverte par jour à la main (ha)

0,20

0,25

0,33

Epaisseur de terre au-dessus des boutures (cm)

2

3-4

5-6

Nombre total de jours ha (plantation manuelle)

8

15-20

30

Nombre total de jours ha (plantation semi-mécanique)

5

10

15

Délai d'apparition des 1 res pousses (jours)

7

10

15

Entretien des cannes




Surface traitée aux herbicides par jour:




- appareil à dos (ha jour)

1

3

5

- en traitement mécanique (ha/jour)

15

30

50

- traitement avion (ha/jour)

100

200

400

Durée d'action d'un herbicide (jours)

20

50

75

Nombre de sarclages manuels




- en vierges

1

3

5

- en repousses

0

2

4

Nombre de jours pour sarcler un ha:




- en vierges

15

20

25

en repousses

7

10

15

Surface sarclée par animaux (ha j)

0,2

0,5

1,0

Surface sarclée mécaniquement (ha/j)

2

5

10

Kg d'engrais épandus à la main (kg/j)

250

500

800

Surface fertilisée mécaniquement (ha/j)

5

20

40

Surface fertilisée par avion à 100 kg ha (ha/j)

80

150

300

Doses annuelles d'éléments fertilisants:




- N (kg ha)

50

100

200

- P 2O5 (kg ha)

25

50

80

- K 2O (kg ha)

60

120

240

Surface irriguée à la raie (ha/j)

0,5

2,0

15,0

Surface irriguée par aspersion (ha/j)

0,5

10,0

50,0

Surface irriguée en goutte à goutte (ha/j)

10

50

100

Récolte




Nombre de cannes par ha (1 000)

50

80

120

Poids moyen d'une canne (kg)

0,4

0,9

2,0

Longueur moyenne d'une canne (m)

1,5

2,2

3,0

Diamètre moyen des cannes (cm)

2,2

2,8

3,7

Rendement de la coupe manuelle (tonnes/j)




- en paille - cannes attachées

1,0

1,5

2,0

- cannes en vrac (andains)

15

25

40

- brûlèe - cannes attachées

15

2 0

25

- cannes en vrac (andains)

2,5

4,0

10,0

Rendement du chargement manuel




- cannes attachées en paquets (t/j)

04,0

8,0

12,0

- cannes en vrac (andains) (t/j)

3,0

5,0

8,0

Rendement de la récolte mécanique




- coupe (tonnes par heure effective)

10

20

30

- chargement (tonnes par heure effective)

15

25

40

Délai entre feu et broyage (heures)

12

24

36

Délai après coupe en paille (heures)

24

36

48

Non-canne pour cent de canne brute (%)




- en récolte manuelle. en paille

0,5

1,0

3,0

. brûlée

1,0

2,5

5,0

- en récolte semi-mécanisèe

3,0

5,0

10

- en récolte mécanique

5,0

8,0

15 à 25

Résultats de campagne




Durée de la campagne (mois)

3

5

7 à 11

Age moyen des vierges (mois)

10-11

14-15

18-30

Nombre de repousses

2

3-4

5-6

Durée totale du cycle (années)

5-6

7 à 10


Rendements agricoles cycles courts




- Culture pluviale (t.c. ha)

40-50

65-70

90-100

Culture irriguée (t.c. ha)

65

90

115

Toutes cultures (t.c. ha. mois)

4

7

10

Richesse de la canne en saccharose %

12

13 5

15

Rendement usine en sacch. Extrait %

8,0

10 0

12,0

Pureté du jus 1 ère pression (%)

78

83

88

Ligneux des cannes (% canne)

11

13,5

17

Tonnes sucre extract. par ha et par mois

0,4

0,7

1,1

Ratios de production




Nombre de jours de travail ha/an

20

60

120

Niveau de vie canne N tel que




N = salaire et charges par jour/valeur 1 t C.

0,1

0,2-0,4

1,0

Technicité canne T telle que




T = prix de revient production/frais de personnel

1,25

1,65

2,5

Productivité canne P telle que




P = tonnage produit/nb, jours de travail

0,3

1,0

4,0

ou bien heures de travail/tonnes de canne

2,0

8,0

25





Ce service « agro» se subdivise, selon les besoins et l'importance donnée à son rôle, en un nombre variable de divisions, les plus courantes étant:

- choix variétal et analyse des cannes;
- nutrition hydrique et minérale (+ climat et sols);
- défense des cultures;
- herbicides et techniques de culture.

Il est en charge de l'expérimentation agricole, de la documentation technique, des pépinières, de la station de météorologie (sous orientation extérieure), de la lutte biologique et, parfois, de la formation des cadres agricoles et des contrôles concernant la qualité, les temps et les résultats. Il propose toute modification de la culture à la direction (variétés, cycles, fumure, méthodes, etc.).

L'expérimentation en champs d'essai doit obéir à certaines règles déjà précisées dans le chapitre sur la sélection variétale en usine (voir 2.7.3). Ainsi sont valables les conseils sur la qualité générale du travail (les essais sont trop coûteux pour les rater), l'origine des boutures (toutes du même âge et de la même provenance), le danger des replantations (seulement par souches entières) et les visites systématiques versées au dossier de l'essai. En outre, il convient de se rappeler qu'à l'exception de la question posée, toutes les conditions de l'essai doivent être identiques: qualité et préparation du sol pluie et irrigation, fumure et boutures, soins et récolte.

Il faut faire peu d'essais mais il faut bien les penser, bien les préparer. bien les réaliser et bien les interpréter.

Pour la canne, le dispositif préférable est celui du bloc de Fisher avec 6 traitements au moins et 10 au plus. Comme il est difficile de descendre au dessous de 50 m 2 par parcelle élémentaire utile (par ex. 4 lignes de 8 m à 1,50 m) et comme il convient d'avoir au moins 6 répétitions (8 sont préférables) et d'éviter les effets de bordure, la surface d'un essai va de 0,3 à 1,0 ha. Les protections latérales entre parcelles d'essai sont au prorata de l'effet de bordure: pas de protection quand on mesure la qualité seule d'une variété («la canne ne ment pas»), une ligne pour les essais variétaux, deux lignes pour les engrais et parfois plus (irrigation gravitaire). Les protections extérieures sont d'au moins 10 m vers toute piste de circulation et de deux lignes plantées vers l'intérieur d'une parcelle de cannes.

Les soins aux parcelles d'essais doivent être les mêmes que pour les bonnes parcelles de la culture. Mais la coupe doit être payée à la journée, de façon à pouvoir en exiger une qualité suffisante.. L' échantillonnage, différent selon les objets, obéira à des règles très précises qu'on demandera aux stations de recherches spécialisées. Pour préciser les idées, il faut au moins:


Parcelle élémentaire d'un essai

Parcelle de culture (5 à 50 ha)

Pour une mesure de croissance

5 à 10 tiges

5 à 6 «placets»

Pour une humidité des gaines

5 tiges

50 à 100 tiges

Pour une analyse foliaire

5 tiges

50 à 100 tiges (feuilles)

Pour une analyse de maturation

27 cannes

5 x 6 cannes ou 6 x 5 cannes

L'interprétation agronomique des résultats des parcelles d'essais (les plus courants étant les essais variétaux et les essais d'engrais) mérite d'être faite avec soin et ouverture d'esprit. On ne tire pas assez profit des résultats contradictoires, hétérogènes ou simplement non significatifs des essais.

De même, l'observation attentive des hétérogénéités des champs de cannes, soit à l'échelle de la parcelle, soit à celle de la touffe, est très payante. Les beaux rendements ne peuvent être obtenus qu'en culture très homogène et, réciproquement, la seule homogénéité d'une parcelle prouve sa réussite. D'où l'intérêt pratique des études d'hétérogénéité. Certaines parcelles industrielles d'observation peuvent être très utiles, comme celles de rendements techniques maxima (les coûts important peu) et celles de rendements économiques optima (qui reçoivent, sans luxe, tous les soins jugés payants).

3.9.3 - La documentation et la formation

Les agronomes du service agronomique sont les intermédiaires naturels entre les cultures et l'extérieur technique. La bibliothèque doit être constituée des principaux ouvrages de références, généraux ou spécialisés. Un abonnement renouvelé à deux ou trois revues, pas plus, est indispensable pour suivre l'actualité.

Les missions périodiques d'agronomes ou de spécialistes conseils, très utiles quand la sucrerie est isolée, doivent être mises à profit pour améliorer la formation. Car les sessions spéciales de formation agricole ou agronomique délivrées sur place n'apportent pas toujours le supplément de technicité que l'on serait en droit d'attendre des prix parfois demandés. Enfin, les visites techniques, voyages d'étude, participations à des colloques ou congrès, stages à l'étranger, sont d'autant plus formateurs que les bénéficiaires y joueront un rôle actif et connaîtront déjà bien leur métier.

IV. Les systèmes de culture

Les influences naturelles, historiques et socio-économiques donnent à la culture de la canne des visages partout différents. Aussi les aperçus de ce chapitre ont-ils été choisis pour montrer la variété des situations et des solutions.

Ces solutions sont évolutives bien que freinées par les traditions. Partout, la canne est une culture de rente et non de subsistance. Elle est donc liée, parfois à un artisanat, le plus souvent à une industrie dont-la taille croissante a distendu peu à peu les relations planteurs-usine. La canne est cultivée en zones qui peuvent se limiter à une seule sucrerie et les terres proches correspondantes. En outre et bien que relativement facile, la canne demande toujours une certaine technicité et des avances aux cultures importantes (lenteur des cycles et gros frais de plantation).

La canne (monoculture pluriannuelle) et la betterave (plante annuelle assolée) ne peuvent se comparer valablement que dans des conditions équivalentes de technicité et de développement. Seules les cannes australiennes ou des Etats-Unis sont comparables à la betterave européenne.

4.1 - De la culture manuelle à la culture mécanisée

Le passage de la culture manuelle à la culture très mécanisée, à peine ébauché avant 1940, s'est fait, depuis, dans les pays à niveaux de vie élevés. Si les salaires montent, la productivité du travail humain doit suivre car le prix du sucre ne peut pas être protégé au-delà de certaines limites (coûts pour consommateurs, produits de substitution, contrebande, etc.).

D'autre part, la mécanisation a permis et encouragé la concentration industrielle (économies d'échelle), elle a façonné les parcellaires et leurs abords, développé les communications et les ateliers et refusé la plupart des sols en pente. Ailleurs, la culture est restée manuelle et parfois traditionnelle (si ce n'est archaïque).

On peut donc décrire trois systèmes de culture cohérents, selon leur degré de mécanisation

La culture «manuelle» demande de 90 à 150 jours de travail par ha récolté. Les travaux manuels sont la plantation, la mise de l'engrais, les sarclages, la coupe (faite en paille) et le chargement. La traction animale est fréquemment utilisée: préparation des sols, sarclages, et transport des cannes vers des postes de transfert.

Elle est typique d'une culture déjà ancienne où de très petits exploitants (0,1 à 5 ha au plus) à bas niveaux de vie (I t de cannes vaut de 10 à 25 journées de travail), planteurs ou colons, sont souvent repoussés sur des terres en pente. La culture manuelle de la canne n'a de chances de se maintenir (a fortiori de se développer) que dans des conditions particulières quoique fréquentes:

- forte motivation d'une population nombreuse, industrieuse et à bas niveau de vie;

- régime de petites exploitations familiales au parcellaire morcelé à très morcelé;

- pluies suffisantes, éventuellement complétées par une irrigation gravitaire, maîtrisée depuis longtemps et peu coûteuse;

- sécurité des livraisons d'une année sur l'autre et prix garantis (si ce n'est améliorés par protection sociale).

La culture semi-mécanisée occupe de 40 à 80 jours de travail par ha. Les travaux encore manuels sont en général la plantation (souvent simplifiée), une proportion variable des sarclages et la coupe (faite brûlée). Les animaux de trait ne sont plus utilisés. Le transport se fait souvent en direct jusqu'à l'usine.

Elle est réalisée dans des exploitations privées, coopératives ou d'état, assez grandes à très grandes, où le niveau de vie est intermédiaire (1 tonne de cannes vaut de 2 à 10 journées de travail). Les pentes sont rarement fortes et les parcelles peuvent être vastes. Cette forme de culture utilise des salariés agricoles permanents (logés) et temporaires (transportés pendant la campagne surtout si elle est courte). Une bonne productivité du travail humain (simplifié, bien organisé, contrôlé, motivé) permet d'éviter les excès coûteux de mécanisation agricole là où l'on constate une certaine hausse du niveau de vie (le meilleur exemple est le Brésil du Sud-Est).

En régimes de sociétés d'Etat, cette semi-mécanisation tend à se développer même à des niveaux de vie inférieurs, car elles ont des difficultés à recruter, à organiser et à motiver le nombre voulu de salariés agricoles. Les prix de revient, plus élevés, sont alors permis par des prix de vente protégés, sans parler des crises financières, chroniques ou répétées, que subissent certaines de ces sociétés.

La culture mécanisée , peu fréquente dans le monde, est réservée aux zones riches où le niveau de vie est tel (1 t de canne vaut moins d'un salaire journalier ou à peine davantage) qu'on ne peut payer (ou passer) plus de 10 à 30 journées de travail par hectare récolté. Les seuls travaux manuels sont des travaux d'expérimentation, de finition et d'assistance aux machines et parfois la coupe des boutures.

Les exploitations, essentiellement privées, sont de taille moyenne (Australie, 30 à 90 ha, Louisiane, 60 à 160 ha) ou grande (ensembles intégrés de Floride ou des Hawaii). Cependant, existent d'autres cas de mécanisatin généralisée dûs au gigantisme (Kenana au Soudan) ou à l'étatisme politique (Cuba). Les parcelles, grandes et de pentes faibles ou nulles, sont aménagées pour la machine qui circule aisément tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des champs (pistes de circulation asphaltées aux Hawaii).

Le tableau XVII localise les régions où la culture de la canne est plutôt manuelle, semi-mécanisée ou mécanisée.

Tableau XVII Localisation des cultures manuelles, semi-mécanisées et mécanisées de la canne


Manuelles

Semi-mécanisées

Mécanisées

Amériques

Mexique

Mexique

Vénezuela

Hawaii


Petites Antilles

Petites Antilles

Equateur

USA continentaux


Haïti

Saint-Domingue

Pérou

Porto Rico


Colombie

Cuba

Bolivie

Cuba


Guyana

Amérique Centrale

Sud-Est Brésil

Guadeloupe


Nord-Est Brésil

Colombie

Argentine

Sud-Est Brésil


Centre-Est Brésil




Afrique

Maroc

Afrique de l'Ouest

Ethiopie

Soudan

et Iles voisines

Egypte

Afrique Centrale

Soudan

La Réunion


Kenya

Afrique de l'Est

La Réunion



Afrique du Sud

Afrique du Sud

L'lle Maurice



La Réunion

Madagascar




Maurice




Asie et

Inde

Japon


Australie

Océanie

Chine

Taïwan




Taïwan

Philippines




Indonésie

Thaïlande




Philippines

Malaisie




Fidji





Pakistan




4.2 - Des petits planteurs à la plantation industrielle

Sauf exceptions (Kenya, Maroc, Thaïlande, Afrique du Sud), les zones à petits planteurs sont les zones où la culture de la canne date de plus d'un siècle. Depuis lors, le nombre de petits exploitants a décru tandis que se développaient, grâce aux progrès des techniques industrielles, des plantations de plus en plus vastes, familiales d'abord (Senhor de Engenho au Brésil du N.E.), du type société privée ensuite (Usina de Açucar) et souvent, depuis les années 1960, sous forme de sociétés d'état dont rares sont celles qui sont financièrement florissantes. Au total, le nombre de sucreries diminuait considérablement tandis que la production mondiale de sucre de canne passait de 5,25 millions de tonnes en 1900-01 à 68 millions de tonnes en 1988-89.

L'exemple de l'Ile de la Réunion est typique de cette évolution de zones sucrières anciennes.


1930-39

1970-75

1985-88

Hectares cultivés

45 000

40 000

33 000

Production de sucre

70 000

220 000

235 000

Nombre de fabriques (*)

15-14

9-8

5-4

Nombre de planteurs

20-25 000

14 000

10 000

(*) 104 en 1861 et 36 en 1904.

Plus la zone est ancienne et plus cohabitent des systèmes fonciers et d'exploitation différents.

Les exploitants indépendants des usines peuvent être des planteurs propriétaires (petits, moyens ou grands), parfois groupés en coopératives, ou des petits colons (tenants). Les usiniers, planteurs ou industriels à l'origine, sont des personnes physiques, des groupes familiaux, des sociétés privées ou des organismes plus ou moins étatiques. Les sucreries, souvent complétées par des raffineries, des distilleries ou d'autres industries annexes, peuvent être entièrement séparées des plantations mais, plus souvent, les ensembles agro-industriels sont relativement intégrés.

La monoculture de la canne domine mais n'est pas absolue. Les grands exploitants réservent à d'autres spéculations les terres médiocres, distantes, pentues, morcelées ou proches des centres d'habitation. Les petits planteurs pratiquent parfois la polyculture mais, en régions très peuplées, ils utilisent de préférence des cultures associées. Les ventes d'actifs immobiliers forment parfois l'essentiel des bénéfices des vieilles sociétés sucrières bien situées.

H. Blume propose une classification raisonnée dans sa «Geography of sugar cane»

Trois types d'entreprises (agricoles, agro-industrielles et industrielles), classées selon leurs tailles et le mode de propriété;

Deux systèmes de production (monostructuraux si les planteurs sont des usiniers ou des fournisseurs pour plus de 85 % des cannes, polystructuraux dans le cas contraire).

4.3 - Quelques rudiments d'agriculture comparée de la canne

Faute de place, ce chapitre a été sacrifié qui aurait montré la variété des systèmes et des techniques de culture utilisés pour la canne. Deux tableaux ont été dressés dont le contenu permettra de se faire une idée sur la canne dans le monde.

Le premier tableau (tabl. XVIII) illustre en le chiffrant, ce qui a été expliqué plus haut, à la fin du paragraphe 3.7.1, coupe mécanique, sur le rapport entre niveau de vie et degré de mécanisation de la culture , ou, pour simplifier, de la récolte. Quelques pays seulement ont été choisis. La période étudiée correspond à 1979-1982.

Le deuxième tableau, données de base (tabl. XIX), résume les conditions de production et les faits essentiels de la culture de la canne dans la plupart des pays producteurs. C'est une table de références.

Tableau XVIII: Ratio N de «Niveau de vie canne» et degré de mécanisation (U.S. dollars)

Pays ou région

PNB moyen 79-80 par hab. (US $)

Exploitants concernés

Salaires + charges pour un jour de travail

Valeur 1 tonne de canne à 10 % de rendement à l'usine

Ratio N pour 10 % de rendement à l'usine (col. 4/col. 5)

Degré de mécanisation de la récolte

Part du planteur sur 1 t de canne

Hawaii

11 400

usinier

76,56 $

26,50 $

2,89 $

total

total

63 %

Australie

9 680

planteurs

55,00

2 61

2,61

total

total

62 %

Floride

11 400

usinier

52,53

26,26

2,00

quasi total

total

63 %

Louisiane

11 400

tous

32,76

21,40

1,53

total

total

63 %

Porto Rico

3150

tous

37,04

24,32

1,52

total

total

76 %

Guadeloupe

3470

tous

27,70

32,50

0,85

très variable

quasi total

70 %

Réunion

4450

tous

22,92

32,93

0,70

très variable

quasi total

69 %

Pérou

780

usinier

11,62

20,40

0,57

chargement

coupe part.


Iles Fidji

1770

tous

10,63

23,01

0,46

chargement

coupe part,


Brésil (SP)

1850

tous

5,30

17,32

0,31

coupe part.

coupe part.

60 %

Ile Maurice

1080

tous

5,60

22,29

0,26

variable

chargement

64 %

Venezuela

3570

tous

9,80

45,28

0,22

variable

chargement

62 %

Brésil (NE)

1850

tous

3,94

19,70

0,20

chargement

chargement

68 %

Zambie

540

tous

2,83

15,02

0,19

chargement

chargement

27%

St-Domingue

1040

tous

3,00

20,00

0,15

charg. part.

chargement


Egypte

500

planteurs

2,00

13,09

0,15

charg. part.

chargement


Sénégal

450

usinier

4,64

33,61

0,14

chargement

chargement


Kenya

410

tous

2,18

16,78

0,13

charg. part.

chargement

47 %

Philippines

640

tous

1,92

14,40

0,12

très variable

chargement

61%

Thaïlande

620

usinier

2,50

20,50

0,12

charg. part.

chargement


Cote d'Ivoire

1120

usinier

3,24

29 47

0,11

chargement

chargement

37 %

Cameroun

600

usinier

3,11

29,02

0,11

chargement

chargement

56 %

Maroc

770

planteurs

2,67

32,47

0,08

transport

transport

54 %

Thaïlande

620

planteurs

1,52

22,65

0,07

transport

transport

43 %

Pakistan

280

planteurs

1,95

27,03

0,07

charg. part.

transport


Inde

190

planteurs

1,24

19,20

0,06

trans. part.

non


Indonésie

390

usinier

0,76

19,10

0,04

trans. part.

non


Guinée

300

usinier

0,80

28,57

0,03

transport

non

43 %

Tableau XIX Données de base concernant un certain nombre de pays producteurs

Pays

Latitude

Altitude (m)

Pluies

Irrigation

Cyclones

Gelées

Epoque Plantation

Durée Végétation

Nombre de repousses

Campagne

Niveaux




Période

Hauteur (mm)







Epoques

Durée

Cannes brûlées

TC. par ha

Rendement Usine %

A - EUROPE AFRIQUE ET ILES VOISINES













Espagne

37°N

Basse

11-4

440

Oui

-

Rares

3-4

12

2-4

4-5

2(3)

Non

60-70

10,0

Maroc

34°N

Basse

11-3

800

Oui

-

Fréquentes

3-5

12-18

2-3

2-6

5

Non

50-80

11,0

Egypte

24-27°N

Basse

8-10

0-50

Oui

-

-

1-3

11-16

2(3)

12-5

5

Non

80

9,0

Sénégal

16°N

Basse

7-9

250-300

Oui

-

-

10-4

12

3-5

10-6

8

Oui

110

11,0

Soudan

13-16°N

400

6-9

200-700

Oui

-

-

11-6

12

2-4

11-6

6-7

Oui

60-80

9,0

















Ethiopie

9-10°N

1000-1600

6-9

500-800

Oui

-

-

1-3

15-23

3-5

10-5

8

Oui

170

11,5

Côte-d'Ivoire

7-10°N

300

4-10

1100-1400

Oui

-

-

12-2

12

3-5

11-3

5

Oui

70

10,5

Nigéria

8-9°N

80

5-10

1000-1200

Oui

-

-

1-5

11-12

3-5

11-4

5

Oui

70

9,0

Cameroun

4°N

600

4-6+9-10

1200-1700

Non

-

-

3-5+8-9

11-20

4-5

11-5

6

Oui

70

9,0

Kenya

Equateur

1000-1600

4-12

1000-1800

Très peu

-

-

4-10

18-30

2-3

5-3

10-11

Part

90

10,0

















Congo

4°S

180

10-5

1200

Très peu

-

-

11-3

12-18

4-6

6-11

5-6

Part

50

10,0

Mozambique

10-27°S

Basse

11-3

800-1000

Oui

-

-

12-1

12-18

3-5

5-11

6-7

Part

?

?

Madagascar

12-20°N

Basse

12-4

1200-3000

Partielle

1-3

-

5-10

12-20

3-6

4-12

6-8

Oui

70

11,0

Maurice

20° 5

0-550

11-3

900-3000

Partielle

1-3

-

12-5

12-18

5-8

6-12

6

Part

70

11,0

Réunion

21°S

0-600

11-5

600-3000

Partielle

1-3

-

11-2

12-18

4-8

7-12

5-6

Part

60-110

11,0

















Zimbabwe

20-22°S

300-600

10-2

500-800

Oui

-

-

1-6

12-18

5-8

6-12

6-7

Oui

110

11,0

Swaziland

26-27°S

Basse

10-2

450

Oui

-

-

8-3

12-18

5-7

6-12

6-7

Oui

100

11,0

Afrique

27-31°S

0-600

10-3

700-1400

Oui

-

Rares

3-4+8-9

12-22

2-6

5-12

7-8

Part

80

11,0

du Sud
















B - MOYEN-ORIENT, ASIE ET OCÉANIE













Iran

31°N

50

7-9

250

Oui

-

Fortes

4-6

12-15

6-7

11-4

5

Oui

85

10,5

Pakistan 0-

25-34°N

0-300

5-10

200-2000

Partie

-

Occas.

7-9

12-18

1-2

11-4

5-6

Non

50

8,5

Inde du Nord

22-34°N

0-300

6-10

300-1800

Partie

-

Occas.

2-4+(7-9)

10-16

1-2

11-4

5-6

Non

40

10,0

Chine

18-34°N

0-1500

4-11

1100-2000

Gr-Partie

6-8

Rares

4-5+(9-10)

10-18

1-2

12-3

4-5

Non

50

11,5

Taiwan

22-25°N

Basse

5-9

1000-2000

Partie

6-8

Rares

2-3 +(8-9)

12-16

1-2

11-5

5-6

Part

90

9,5

ThaïIande

13-17°N

Basse

5-10

1100-1500

Non

-

-

5-6+9

8-16

2-3

11-3

5

Non

40

8,5

Inde du Sud

8-22°N

0-700

6-10

600-1400

Gr-Partie

-

-

Tte année

11-18

1-3

11-4

5-6

Non

85

9,5

Philippines

10-16°N

Basse

5-11

1500-2800

Non

9-12

-

6-10

12-15

1-2

11-6

7

Partie

55

10,0

Indonésie

3-8°S

0-600

11-5

1500-2000

Gr-Partie

-

-

4-8

12-16

0(2)

4-10

5

Rare

70

9,0

















Fidji

16-18°S

0-200

11-4

1800-3000

Non

-

-

2-3+11-12

12-18

2-3

5-12

8

Partie

55

12,0

Queensland

16-28°S

Basse

11-5

1500-4500

Partie

1-4

-

3-9

12-16

2(5)

5-12

7

Oui

85

14,0

Nouvelles

29°S

Basse

12-5

1500

Non

-

Fréquentes

9-10

18-24

1

5-11

7

Oui

80

12,5

Galles du Sud
































C - AMÉRIQUES ET ANTILLES














Louisiane

29-30°N

Basse

4-9

1400-2000

Non

-

Fortes

8-10

9

1-3

10-12

3

Oui

60

9,5

Floride

27°N

Basse

6-9

1300-1400

Non

8-10

Fréquentes

9-10

12-14

4

11-5

6

Oui

75

10,5

Cuba

19-23°N

0-400

5-10

1300-1500

Non

8-10

-

4-6+9-11

12-20

4-10

11-6

5-7

Partie

45

11,0

Hawaii

19-22°N

0-800

10-4 (5-9)

250-3500

Gr-Partie

-

-

Perman.

18-36

1-3

Perman.

10-11

Oui

220

11,0

Mexique

16-25°N

0-1300

6-10

800- 1500

Gr-Partie

-

Occasion

(3-4)+8-12

12-16

2-3

12-5

6

Oui

70

8,5

















Rép. Domin.

18-20°N

0-400

5-11

1200-1400

Non

8-10

-

5-6+9-10

11-18

4-6

12-6

6-7

Partie

40

10,5

Porto Rico

17-18°N

0-300

6-11

1100-2200

Partie

8-10

-

1-11

12-18

2-4

11-4

6

Oui

50

9,0

Jamaïque

18°N

0-500

5-11

1100-2100

Partie

8-10

-

4-5+10-11

12

3-8

12-6

6-7

Partie

60

8,5

Guadeloupe

16°N

0-100

6-11

1300-2000

Rare

8-10

-

5-6 +9-10

11-18

3-6

1-6

4-5

Partie

50

9,0

Martinique

14°N

0-100

6-11

1300-2 000

Non

8-10

-

5-6+9-10

11-16

3-6

1-6

3-4

Partie

50

8,0

















Barbade

13°N

0-300

6-11

1200-1900

Rare

8-10

-

11-12

14-18

3-5

2-6

5-6

Non

60

11,0

Trinidade

10°N

0-100

5-12

1600

Non

8-10

-

5-6

11-12

4

1-6

5-6

Oui

70

9,

Vénézuela

8-12°N

0-750

5-1 1

500-1900

Oui

-

-

Perman.

12-16

2-4

10-5

7-8

Partie

55

8,

Guiana

6-7°N

T Basse

5-7+12-1

2500

Oui

-

-

1-3+9-10

12

3-6

2-5 +8-11

8

Oui

70

8,0

Colombie

2-5°N

900-1000

3-5+10-1

1000

Oui

-

-

Perman.

16-18

3-5

1-10

10

Non

125

11,0

















Equateur

2-5°S

Basse

12-4

1000-1800

Oui

-

-

6-7

11-15

3-5

6-12

5-6

Oui

80

9,5

Pérou

7-11°S

Basse

-

T faible

Oui

-

-

Perman.

16-24

5-6

Perman.

10-11

Oui

90

10,0

Brésil N-E

5-16°S

0-200

3-8

1500

Non

-

-

8-10

12-18

2-3

9-3

6-7

Non

60

9,0

Brésil S-E

18-23°S

0-600

10-3

1350

Non

-

Occas.

1-3+10

12-18

2-5

6-12

6-7

Oui

75

10,0

Bolivie

20-22°S

300

10-3

600-900

Oui

-

-

24

10-18

4

5-10

5-6

Non

50

9,5

Argentine

23-28° S

300

10-3

600-1000

Oui

-

Fréquentes

5-8

10-16

3-7

5-11

4-5

Partie

45

10,5

N.B. Les chiffres de 1 à 12 représentent les mois de l'année.

Sources de documentation

Ouvrages en français

La canne à sucre , R. FAUCONNIER, D. BASSEREAU, Maisonneuve et Larose, 1970.

Botanique de la canne à sucre , VAN DILLEWIJN traduit de l'anglais par les CTCS des Antilles, 1952-1960.

Manuel du planteur , CTCS de Guadeloupe, 1973.

Cours polycopié sur la canne à sucre , R. FAUCONNIER, CNEARC, Montpellier, 1984.

Fiches techniques, Canne Progrès , ARMES, La Réunion, 1986.

Ouvrages en anglais

Surgarcane crop logging and crop control , H. CLEMENTS, Pitman Publishing L., 1980.

Diseases of Sugarcane , (Major diseases), C. RICAUD and al., Elsevier, Amsterdam, 1989.

Pests of sugarcane , J.R. WILLIAMS and al., Elsevier, Amsterdam, 1969.

Geography of sugar cane , H. BLUME, Verlag Dr. Albert Bartens, Berlin, 1985.

Revues et publications

Agronomie Tropicale (IRAT): non spécialisée.

Sugar Cane , PO.Box 26 Port Talbot, West Glamorgan SA 131NX, Angleterre.

Sugar y Azucar , Ruspan Com. Inc. 464 Hudson Terrace, Englewood Cliffs, N.J. 07632 USA.

Procceding of the ISSCT Congresses (triennal) (1989, Brésil, 1986, Indonésie, 1983, Cuba, 1980, Philippines, etc.).

Organisme à consulter

IRAT - CIRAD, Programme Canne à Sucre, BP 5035 34032 Montpellier Cedex - 67 61 58 00.

Lexique et synonymes

Age: Nombre de mois depuis la plantation ou la récolte précédente.

Aileron: Rejet aérien à partir d'un bourgeon de la tige.

Amarres: Liens faits de sommités vertes.

Baba (gourmand de tige): rejet tardif et aqueux.

Bagasse: Résidu solide (fibreux) après broyage des cannes.

Borer: Chenille mineuse de la canne.

Boues (écumes de défécation, tourteaux): Résidu de la filtration des jus après décantation.

Bout blanc: Sommité non mûre de la canne, étêtée.

Bouture: Morceau de tige ayant au moins un bourgeon.

Brix: Pourcentage apparent de solides (matières sèches) dissous, saccharose inclus (Brix % jus).

Campagne: Période de récolte et d'usinage.

Cannes «bis»: Reportées à la campagne suivante.

Cannes brûlées : Dont les feuilles sèches ont été brûlées avant la coupe.

Cannes en paille (vertes): Non brûlées avant la coupe.

Cannes vierges : Provenant directement d'une plantation.

Coefficient cultural : Rapport k entre l'évapotranspiration de la canne et l'évaporation d'une nappe d'eau libre.

Cycle: Calendrier cultural allant d'une plantation à la suivante, le cycle annuel étant celui entre 2 récoltes.

Dessouchage (déchicotage, relevage): Travail du sol éliminant la culture de cannes précédente.

Diagnostic (analyse) foliaire : Vérification de l'état nutritionnel par analyses d'échantillons pris sur les cannes.

Dris: Autre méthode d'analyse foliaire.

Ecumes (de filtration): Voir boues.

Feuille n° 1 : 1 re feuille du sommet à montrer son limbe (la choisir au stade demi-déroulé).

Feuille n° 3 (en descendant): Assimilée souvent à la feuille TVD (top visible dewlap) ou PAV (à 1 re articulation visible).

Fibre: Matière sèche non soluble de la canne, terre comprise.

Flèche - fléchage : Inflorescence (fleur, panicule), floraison.

Fouet foliaire : Sommet végétatif formé de 8-9 jeunes feuilles encore enroulées.

Lala: Voir aileron.

Levée: Naissance des tiges primaires à partir des boutures.

Ligneux: Voir fibre.

Manques: Espaces sans cannes, après plantation ou récolte.

Marotte: Voir baba.

Maturation: Augmentation du taux de saccharose dans la tige et donc de la pureté, avec réduction de l'eau, du glucose et de l'acidité.

Mélasse: Résidu du turbinage ( essorage) de la dernière masse cuite (C), les égoûts étant ceux des masses cuites A et B.

Noeuds (oeil, oeilleton): Ils portent un bourgeon et sont séparés par des entrenoeuds.

Paille: Toutes les impuretés physiques de la canne (différence entre canne brute et canne nette ).

PMI (période de maturation industrielle): Durée pendant laquelle les cannes d'une variété conservent leur bonne maturation.

Primaires: 1 res tiges issues des boutures ou pépinières initiales.

Pureté: Rapport entre le saccharose et le Brix (Pol % Brix).

Recourage (en souches): Replantation des manques avec des souches entières; remplacement (se fait aussi par boutures).

Rendement agricole (tonnes cannes par ha) et industriel (sucre extrait % canne).

Repousse (rejeton): Parcelle de canne ayant été récoltée au moins une fois ( 1re repousse, 2 e repousse , etc.).

Richesse (en sucre): Saccharose % canne (Pol % canne) .

Rogueing (roguing): Elimination des touffes (tiges) malades.

Secondaires: Tiges issues des primaires ou 2 e étape des pépinières.

Seedlings: Clones avant sélection variétale.

Sillons (raies): Lignes creuses où l'on place les boutures.

Souches: Pieds et parties souterraines des touffes après coupe.

Surmaturation: Détérioration sur pied (inversion du saccharose au profit du glucose, non cristallisable).

Tallage: Emission de jeunes tiges à partir de jeunes tiges d'un rang inférieur; c'est ainsi que se créent les touffes.

Tertiaires: Tiges issues des secondaires ou 3e étape des pépinières.

Touffe: Unité morphologique après tallage (partie aérienne).

Tourteaux (de filtre): Voir boues.

Variété: Clone issu d'une graine et reproduit par boutures.

Vierges: Voir cannes vierges.

Vinasse(s): Résidu de la distillation de vins obtenus par fermentation de jus de canne ou de mélasse ± dilués.

Vitrothèque: Collection variétale conservée « in vitro ».

Zone radiculaire : Anneau du nœud portant les primordia de racines de boutures.

ACHEVÈ D'IMPRIMER EN AVRIL 1991 SUR LES PRESSES DE L'IMPRIMERIE LIENHART & C ie A AUBENAS D'ARDÈCHE

DÉPOT LÉGAL: Avril 1991
N° 4873. Imprimé en France

AGENCE DE COOPERATION CULTURELLE ET TECHNIQUE

L Agence de Coopération Culturelle et Technique organisation intergouvernementale, créée par le Traité de Niamey en mars 1970, rassemble des pays liés par l'usage commun de la langue française, à des fins de coopération dans les domaines de l'éducation, de la culture. de la communication, des sciences et des techniques, et plus généralement dans tout ce qui concourt au développement de ses pays membres et au rapprochement des peuples

Les activités de l'Agence dans les domaines de la coopération scientifique et technique pour le développement se groupent en cinq programmes:

- agriculture
- environnement
- énergie
- prospection et concertation en sciences et techniques pour le développement
- information scientifique et technique

La vocation de l'Agence de favoriser les échanges, la circulation des hommes et des idées et la coopération au sein de la francophonie, fait que la constitution de réseaux et la diffusion de l'information ont toujours été des actions privilégiées

Etats membres : Belgique, Bénin, Burkina Faso, Burundi, Canada, République Centrafricaine, Comores, Congo, Côte d'Ivoire, Djibouti, Dominique, France, Gabon, Guinée, Guinée, Equatoriale, Haïti, Liban, Luxembourg, Madagascar, Mali, Ile Maurice, Monaco. Niger, Rwanda, Sénégal, Seychelles, Tchad, Togo, Tunisie, Vanuatu, Vietnam, Zaïre

Etats associés : Cameroun, Egypte, Guinée-Bissau, Laos. Maroc, Mauritanie, Sainte-Lucie.

Gouvernements participants : Nouveau-Brunswick, Québec.

ACCT, 13, quai André-Citroën, 75017 Paris Tri (1) 45 75 62 41 Télex: AGECOOP 20 19 16. Télécopie: (1) 45 79 14 98

LE CENTRE TECHNIQUE DE COOPERATION AGRICOLE ET RURALE

Le Centre Technique de Coopération Agricole et Rurale (CTA) est installé depuis 1963 à Ede/Wageningen au titre de la Convention de Lomé entre les Etats Membres de la Communauté européenne et les Etats du groupe ACR Le CTA est à la disposition des Etats ACP pour leur permettre un meilleur accès a l'information, à la recherche, à la formation ainsi qu'aux innovations dans les secteurs du développement agricole et rural et de la vulgarisation.

Siège: «De Rietkampem», Galvanistraat 9, Ede, Pays-Bas. Adresse postale: CTA, Postbus 380, 6700 Al Wageningen, Pays-Bas Téléphone: (08380) 20484. Ligne internationale: 31-838020484 Télécopie: (31) (0) 838031052. Télex: (44) 30169 CTA NL

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